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ChroniqueCulture et idées

Le futur vu par les séries télé : « The Walking Dead » ou « Black Mirror » ?

Dans « The Walking Dead », les survivants à un effondrement reconstruisent une société low-tech. Dans « Black Mirror », la high-tech a pris le contrôle de l’existence humaine. Mettant en parallèle les deux séries télé, notre chroniqueuse envisage l’avenir de la vie sur Terre. Et a choisi son scénario.

Isabelle Attard a été députée écologiste du Calvados. Elle se présente comme « écoanarchiste ».

Isabelle Attard.

Chères lectrices, lecteurs, petit avertissement préalable : ceci n’est ni une incitation à regarder des séries ni une comparaison au sujet de la qualité de jeu des acteurs de chacune d’entre elles.

Pour tout vous dire, dans les premiers épisodes de The Walking Dead, la présence des zombies me gênait. Puis, comme beaucoup, je les ai progressivement oubliés pour ne plus voir que l’évolution d’êtres humains au lendemain d’une catastrophe sanitaire, écologique, économique, bref, au lendemain de l’effondrement de la société nord-américaine.

Diamétralement opposé en matière de futurologie, Black Mirror nous projette dans un futur proche où les objets connectés, l’intelligence artificielle, les implants sont ultra-présents et dirigent nos vies au point de nous priver du piment de la vie, justement. J’en suis consciente, c’est extrêmement et grossièrement résumé, mais vous allez vite comprendre où je veux en venir.

Aucun de ces deux « univers » ne me tente. j’ai toujours été davantage « Sarah Connor » que « Terminator » et le développement (illimité ?) de l’intelligence artificielle n’est pas une évolution que je souhaite à l’espèce humaine. Quant aux survivants de l’épidémie du virus « zombifiant », ils construisent des communautés plus ou moins bien adaptées au nouveau monde post-apocalyptique, plus ou moins pacifiques également, et leur devenir collectif et individuel est assez compromis.

Il y a pourtant de nombreux enseignements à tirer de ces deux séries qui font aujourd’hui partie des plus regardées.

« La vitesse ne peut être que le privilège de quelques-uns » 

Une des premières questions pourrait être : « La technologie sauvera-t-elle l’espèce humaine ? » Les adorateurs d’Elon Musk (et ils sont nombreux) vous diront : évidemment ! puisqu’elle nous permettra d’aller coloniser Mars en laissant notre vieille planète Terre crouler sous la pollution et la radioactivité. J’ose espérer que la prise de conscience écologique radicale et mondiale arrivera suffisamment tôt pour éviter à nos enfants et petits-enfants un voyage aller simple interplanétaire.

Sans attendre d’aller sur Mars, la Big Fucking Rocket (BFR) fait briller les yeux des fans de Musk, y compris les plus fauchés, en promettant d’aller de l’autre côté de la planète en 30 minutes. Très honnêtement, je préfère la clairvoyante analyse d’Éric Vidalenc dans Alternatives économiques : « Plus de vitesse, c’est plus d’énergie et plus d’inégalités. Illich l’a écrit il y a plus de 40 ans dans Énergie et Équité. La vitesse ne peut être que le privilège de quelques-uns. L’assumer serait plus honnête plutôt que de faire miroiter des billets à prix éco. »

La « Big Fucking Rocket » d’Elon Musk.

La technologie de demain, celle de Black Mirror, a un coût. Un coût astronomique. Pouvons-nous encore nous le permettre au prix du kilogramme d’indium nécessaire aux écrans tactiles ? Les réserves s’étant vite épuisées, il faut maintenant récupérer l’indium par des procédés chers et polluants.

Manger, avoir un toit, survivre. « Recharger son portable » n’apparaît qu’en dernière position sur la liste

N’y a-t-il pas d’autres priorités pour assurer la survie d’Homo sapiens sapiens ? En effet, les priorités des survivants au virus zombifiant de The Walking Dead sont : manger, avoir un toit, survivre. « Recharger son portable » n’apparaît qu’en dernière position sur la liste. Si cette série me plait, c’est parce qu’elle nous oblige à nous concentrer sur les besoins primaires, sans fioritures, sans high-tech. Les groupes qui se forment et survivent, cultivent leurs potagers, créent leur énergie, développent l’échange entre communautés. Bref, vivent de manière résiliente dans une société de low-tech. Comme celle décrite par Philippe Bihouix dans ses multiples ouvrages. Prenant le contrepied de Jérémy Rifkin, qui mise plutôt sur l’internet de l’énergie, Bihouix pense que la société high-tech n’est pas viable : « La productivité elle-même est basée sur une dépense d’énergie et de matières accrues, pas juste sur les progrès de la connaissance ou des organisations. Plus nous enrichissons nos objets, nos services et nos usines en contenu technologique, plus nous piochons dans le stock limité de ressources, et plus nous nous éloignons des possibilités d’une économie circulaire. » Et ça, les personnages de The Walking Dead l’ont bien compris !

Car une fois les zombies écartés, que reste-t-il à l’écran ? : les survivants d’un « effondrement ». Dans notre monde, celui-ci n’aura probablement pas lieu à cause d’un virus mais de nombreuses options se profilent : crise financière liée à l’épuisement des ressources, extinction des espèces, réchauffement climatique… Pablo Servigne et Raphael Stevens ont fait des recherches sérieuses et exhaustives sur la « collapsologie » et je recommande urgemment la lecture de leur livre Comment tout peut s’effondrer. Seul le développement de sociétés résilientes, décroissantes, low-tech partout dans le monde, pourra empêcher cet effondrement. Certains pensent que c’est trop tard et préparent l’après. D’autres y croient encore. Quoi qu’il en soit, le pire serait de vivre dans le déni.

Pilule rouge, pilule bleue, à vous de choisir !

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