Le gouvernement abandonne à EDF la politique énergétique

Durée de lecture : 5 minutes
ÉnergieLa consultation publique sur la feuille de route de la loi de transition énergétique prend fin samedi 15 octobre. Sans en modifier les orientations lourdes, qui maintiennent la prépondérance du nucléaire, malgré des objectifs « satisfaisants » concernant les énergies renouvelables.
La consultation publique sur la PPE (programmation publique de l’énergie), cette feuille de route qui doit mettre en oeuvre les objectifs de la loi de transition énergétique promulguée en juillet 2015, prend fin aujourd’hui, samedi 15 octobre, après un mois et un peu plus de 5.000 commentaires déposés — mais non-publics — sur le site dédié. « Un chiffre honorable pour un document aussi technique », estime Anne Bringault, coordinatrice pour le Réseau action climat (RAC) et le Cler (Réseau pour la transition énergétique), qui ont déposé une contribution commune.
Des centaines de pages et seize documents sont proposés à la lecture. Devant ce « travail foisonnant et hautement spécialisé », un pro-nucléaire, Gérard Petit a dénoncé une « démarche […] largement cosmétique », « sans crainte réelle d’en voir contester les orientations lourdes ». Car la tendance de la PPE est bien de confirmer l’assise du nucléaire dans le paysage énergétique français. Une tendance qui est tout sauf une surprise tant les premières instances consultées sur ce projet de PPE depuis des mois ont pointé le manque d’outils pour atteindre l’objectif de réduction de la part du nucléaire de 75 % à 50 % d’ici à 2025.
« C’est un objectif hors-sol, il n’y a rien dans la loi ni dans les intentions du gouvernement pour y parvenir, dit Yves Marignac, directeur de Wise-Paris. C’est un trou noir problématique. » Avec l’association Global Chance, il a critiqué le « risque majeur de fuite en avant du nucléaire » lors d’une conférence de presse début octobre : « La décision n’est pas politique, mais industrielle, on continue de parler du nucléaire comme d’un fleuron. La PPE entérine de fait la reconduite des choix du passé. »
« Modestie des engagements »
Anne Bringault évoque quant à elle une manque de responsabilité de la part du gouvernement : « Le gouvernement a refilé la patate chaude à EDF qui, dans la nouvelle version de la PPE, est en charge de faire un “plan stratégique”, autrement dit, d’orienter la politique énergétique française… C’est scandaleux. »
Contactée par Reporterre, EDF n’a pas répondu.
Une tendance d’autant plus à contre-courant que le bilan prévisionnel de RTE (Réseau de transport d’électricité), en 2016 évoque, pour la première fois officiellement, une baisse de consommation. « Cela fait un vacarme assourdissant dans le milieu de l’électricité, confie Anne Bringault. C’est la première fois qu’on dit qu’on produit trop d’électricité en France, qu’on est actuellement en état de surcapacité. »

Si la PPE prévoit bien la fermeture de quelques réacteurs — dont les deux de Fessenheim — il faudrait fermer un tiers de la capacité installée pour atteindre l’objectif de 50 % d’ici à 2025, rappelle Global Chance. Or la PPE s’attache à justifier le maintien du parc existant : « La prolongation d’au moins une partie des réacteurs sera nécessaire pour garantir la sécurité d’approvisionnement tout en s’inscrivant pleinement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre du mix électrique. Elle accompagnera la fermeture d’autres réacteurs », peut-on lire dans le chapitre « Nucléaire » du volet de la PPE relatif à l’offre d’énergie [1], chapitre qui, sur les 84 pages du document, n’en occupe d’ailleurs que trois. Cela fait écho à « la modestie des engagements » en la matière, selon Guillaume Blavette, représentant du collectif Stop EPR ni à Penly ni ailleurs. Comme si le nucléaire n’était pas un enjeu majeur des prochaines années. « La prolongation du parc existant représente un mur technique, industriel et financier équivalent à 5 chantiers EPR en parallèle », dit Yves Marignac.
« Notre adversaire principal, c’est les énergies fossiles »
Les énergies renouvelables, elles, se voient consacrées plus de trente pages. « La plupart de nos propositions ont été entendues », se réjouit Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). « La PPE apporte de la visibilité et va nous permettre de mettre en place de nouveaux outils », dit-il en prenant l’exemple du secteur éolien, dont l’objectif est d’augmenter la puissance moyenne installée de 1,5 à 2,2 GW d’ici à 2023 alors même que le secteur connaît un bouleversement de son système de soutien avec la fin annoncée des tarifs d’achat. Le nucléaire ne peut-il pas entraver cette montée en puissance ? « Ce n’est pas le calcul que l’on fait, nous avons de la place pour nous développer. Notre adversaire principal, c’est les énergies fossiles », assure Jean-Louis Bal.
Si elle s’accorde pour qualifier de « satisfaisants » les objectifs en matière de renouvelables, Anne Bringault pointe cependant les nombreux blocages qui persistent, sur le terrain, à l’installation d’éoliennes ou sur le raccordement au réseau des panneaux photovoltaïques. « Les énergies renouvelables sont la seule chose que Ségolène Royal peut mettre en avant, c’est l’arbre qui cache la mauvaise forêt. » C’est aussi ce qu’on peut appeler la stratégie du double discours, à l’heure où le gouvernement s’active sur un plan de relance autoroutier qui promet encore plus d’émissions de gaz à effet de serre par les transports.