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Alimentation

Le régime végane, jusqu’à 100 fois moins polluant que manger de la viande

Une alimentation végétale est moins polluante qu'un régime carné, et demande moins d’utilisation de terres et d'eau.

Une étude révèle que le régime végane émet 75 % de gaz à effet de serre en moins qu’une alimentation très carnée. Il utilise aussi moins d’eau et de terres.

C’est une conclusion qui vous fera peut-être hésiter au moment de choisir votre prochain repas. Une étude publiée le 20 juillet dans la revue scientifique Nature Food révèle que le régime alimentaire des personnes véganes (qui boycottent tous les produits d’origine animale, de la viande au poisson en passant par les œufs, le lait et le miel) représente seulement 25,1 % des gaz à effet de serre émis par l’assiette d’un gros consommateur de viande (plus de 100 grammes par jour). Soit 75 % de moins.

Et les bénéfices écologiques ne s’arrêtent pas aux émissions de gaz à effet de serre. Une alimentation végétale demande moins d’utilisation de terres (25,1 % de celles requises pour la consommation d’un gros mangeur de viande) et d’eau (46,4 %). En outre, les plats véganes provoquent moins d’eutrophisation [1] (27 % de celle provoquée par une alimentation très carnée) et de perte de la biodiversité (34 %).

Lire aussi : Ils ont choisi l’agriculture végane

Cette étude, menée par des chercheurs de l’université d’Oxford, repose sur les données de plus de 55 500 Britanniques. Pendant un an, ces derniers ont noté scrupuleusement ce qu’ils mangeaient et buvaient. Les chercheurs ont ensuite trié les sujets selon six groupes différents (véganes, végétariens, amateurs de poissons, petits, moyens et gros consommateurs de viande) puis ont comparé ces éléments avec une base de données recensant les conséquences environnementales de 57 000 aliments. Celle-ci repose sur 570 évaluations du cycle de vie, couvrant plus de 38 000 fermes dans 119 pays.

Le résultat est sans appel : « Malgré des variations substantielles dues au lieu et à la manière dont les aliments sont produits, la relation entre l’impact environnemental et la consommation de produits d’origine animale est claire, et devrait inciter à la réduction de ces derniers », concluent les auteurs.

Entre 3 et 100 fois moins de conséquences sur l’environnement

De grandes différences existent entre les personnes qui consomment de la viande, notent les chercheurs de l’université d’Oxford. Celles qui en mangent peu (moins de 50 grammes par jour) ont au moins 30 % d’effets en moins que celles qui en dévorent plus de 100 grammes par jour — que ce soit pour les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation des terres ou la pollution de l’eau.

Mais les auteurs insistent : que la viande provienne d’élevages intensifs brésiliens qui ont contribué à la déforestation, ou de petites fermes britanniques, consommée en grande quantité ou non, elle reste bien plus polluante qu’une alimentation à base de végétaux. « Par unité de nourriture consommée, la viande et les produits laitiers ont entre 3 et 100 fois l’impact environnemental des aliments à base de plantes », affirment les auteurs. Et même si une personne végane ne consommait que des aliments ayant un effet néfaste sur l’environnement — des fruits et légumes produits à l’autre bout du monde par exemple — ils seraient toujours moins nocifs que les produits d’origine animale.

Une alimentation végétale (ici des plants de courgettes) demande 46,4 % moins d’eau qu’une alimentation carnée. Pxfuel/CC0

Les auteurs rappellent dans leur étude qu’en 2015, le système alimentaire mondial représentait 34 % des émissions mondiales totales de gaz à effet de serre cette année-là. Il est aussi à l’origine de 70 % de l’utilisation mondiale d’eau douce (et de 78 % de sa pollution). En outre, à cause du changement d’affectation des terres (déforestation pour faire pousser du soja destiné à nourrir le bétail, ou pour y mettre des troupeaux...), l’agriculture est une source majeure de perte de biodiversité. Ainsi, ce que nous choisissons de mettre (ou non) dans nos assiettes a des conséquences sur l’environnement, en plus de notre santé.

« Pour nourrir une population mondiale croissante tout en restant dans les limites environnementales [...], nous aurons besoin de changements dans les régimes alimentaires, avancent les chercheurs. D’autres moyens de réduire l’impact environnemental du système alimentaire (par exemple, les avancées technologiques, la réduction des écarts de rendement, la réduction du gaspillage alimentaire) ne suffiront pas sans un changement alimentaire majeur. » Ils recommandent que les pays riches réduisent « radicalement » leur consommation d’aliments d’origine animale, et « convergent » vers les niveaux des pays à plus faible revenu.

Pas de volonté politique en France

Les auteurs reconnaissent qu’il existe une grande variabilité entre les indicateurs environnementaux : selon la région où les aliments sont cultivés, selon la méthode de production agricole utilisée, etc. Mais « l’abandon des aliments d’origine animale dans le régime alimentaire peut contribuer de manière substantielle à la réduction de l’empreinte environnementale du Royaume-Uni, insistent les chercheurs de l’université d’Oxford. L’incertitude due à la région d’origine et aux méthodes de production alimentaire n’occulte pas ces différences entre les groupes de régimes alimentaires, et ne devrait pas constituer un obstacle à l’action politique visant à réduire la consommation d’aliments d’origine animale. »

En France non plus, aucune véritable action politique n’est menée en ce sens, déplore l’Association végétarienne de France (AVF) en lisant cette étude. « Si on avait une vraie volonté des pouvoirs publics d’amorcer cette bifurcation vers la réduction de la production et de la consommation de viande, il y aurait beaucoup de leviers disponibles. Mais on se heurte à des politiques gouvernementales qui vont à l’encontre de cette évolution de bon sens », déplore auprès de Reporterre Élodie Vieille Blanchard, présidente de l’AVF.

En 2020, seuls 2,2 % des Français et Françaises déclaraient avoir un régime sans viande (pescétarien, végétarien ou végane), selon l’Ifop. Unsplash/CC/The Matter of Food

Elle rappelle pourtant que, sans passer à une société 100 % végane, une réduction de la consommation de viande peut être envisagée en France — et ce, sans négliger les éleveurs et éleveuses. Ainsi, en 2015, le scénario « Afterres 2050 » publié par l’association Solagro calculait qu’une division par deux de la consommation de viande pouvait tout de même mener à la création de 125 000 emplois agricoles en équivalent temps plein, en allant vers des structures de plus petite taille et en réduisant l’utilisation des pesticides, ce qui demanderait davantage de main-d’œuvre.

« Le problème, c’est que le monde agricole est tellement sinistré et en souffrance — notamment les petits agriculteurs qui font face à un modèle de plus en plus industriel — qu’ils ont l’impression que ce qu’on propose s’oppose à leur existence même », regrette Élodie Vieille Blanchard. À quand une véritable alliance ?

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