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Forêts

Les centrales géantes à biomasse vont ravager les forêts

Le bois, c’est bien. Sauf quand on applique une logique méga-industrielle en construisant d’énormes centrales à biomasse qui vont consommer des quantités pharamineuses de bois. C’est ce qui se dessine dans le sud-est de la France


À Pierrelatte, pour remplacer la production d’eau chaude générée par
l’usine d’enrichissement d’uranium, une centrale à cogénération biomasse
est mise en service aujourd’hui : la consommation annuelle de cet
équipement est de 150 000 t de bois !

L’utilisation de la biomasse pour alimenter les chaufferies et produire
de l’électricité par cogénération bénéficie de mesures incitatives
importantes qui créent une opportunité financière. En Drôme, une autre
grosse centrale est en projet sur Laveyron qui consommera 200 000 t de
bois par an… D’autres projets plus gros encore sont prévus autour de ces
équipements sur le quart sud-est de la France. Les consommations de
bois cumulées de ces centrales ne tiennent aucun compte des
potentialités de nos forêts.
La FRAPNA Drôme lance l’alerte. Nous
avançons vers une catastrophe écologique à court terme :
surexploitations des milieux forestiers, coupes rases, puis transport et
importation massive de bois.

Le pillage des territoires au profit des grands groupes industriels

Nous avions avec le bois l’opportunité de disposer d’une ressource
énergétique de proximité, générant des emplois, gérée durablement au
bénéfice des citoyens des territoires disposant de forêts exploitables.
Ces mégacentrales viennent en concurrence avec les chaufferies
communales : elles enrichissent les grands groupes industriels en
pillant la ressource locale avec l’aide de financement public.

Les
citoyens payent pour que leur environnement soit détruit, leur
territoire dévalorisé, et leurs ressources dévalisées !
Après le pétrole, puis le nucléaire, voilà le gaz de schiste et les
mégacentrales biomasse : des choix énergétiques non-durables et non
équitables pour continuer à nier l’urgence d’une transition vers un
autre modèle de société.

Menace sur la forêt drômoise ?

La forêt est une ressource pour l’homme : sa préservation passe par une
politique de gestion préservant les grands équilibres planétaires et la
biodiversité de chaque territoire. Dans ces conditions, l’utilisation
de la biomasse comme ressource énergétique présente de nombreux
avantages, mais ne remplacera jamais les énergies fossiles ou nucléaires
pour continuer à alimenter notre gaspillage énergétique.

Le projet de centrale biomasse de Pierrelatte

Sur Pierrelatte, l’usine Eurodif d’Areva enrichit de l’uranium pour EDF
 : cette activité génère de l’eau chaude issue de son système de
refroidissement, qui est en partie valorisée dans un réseau local. Ce
réseau de chaleur est utilisé pour chauffer des logements sociaux
(environ 2400 foyers) à Pierrelatte, et en retour, des serres agricoles
(41 hectares) ainsi qu’un élevage de crocodiles. La gestion de ce réseau
a été confiée au SMARD (Syndicat Mixte d’Aménagement Rural de la Drôme), une collectivité territoriale créée en 1971 par le Conseil Général et la Chambre d’Agriculture.

Mais, à partir de 2012, Eurodif utilisera une nouvelle technologie
d’enrichi ssement d’uranium par centrifugation qui ne produira plus
d’eau chaude valorisable. Cette ressource va donc disparaître, le
réseau reste et les utilisateurs aussi.

Pour trouver rapidement une solution permettant de continuer à fournir
de la chaleur à prix bas, il a été décidé de remplacer l’eau chaude
fournie par Eurodif par celle fournie par une centrale de cogénération
biomasse à construire.

Pour les responsables, il existe une réelle opportunité économique,
puisque l’installation bénéficiera d’un tarif préférentiel d’achat
d’électricité pour une durée de 20 ans, ce projet étant soutenu par
l’Etat dans sa politique de renouvellement énergétique.

Cette centrale de génération biomasse serait associée à une chaufferie
gaz auxiliaire. Elle devrait utiliser 50% de plaquettes forestières sur
une consommation totale de 150 000t de bois.

Des questions

Le permis de construire de cette centrale a été accordé par le préfet
de la Drôme le 2 mai 2011.

La FRAPNA Drôme se pose les questions suivantes :

-  D’où viendra ce bois ? Les filières locales sont-elles en capacité de
fournir une telle quantité de combustible ? Si ce n’est pas le cas, quel
sera l’impact du déplacement de la matière première vers la centrale ?

-  Quel sera l’impact de cette demande sur l’organisation de la filière ?
Cette demande de bois vient en concurrence avec les acheteurs du marché
actuel (producteurs de piquets du nord-Drôme, papeteries…).

-  Quelle sera l’incidence sur les autres acteurs économiques dépendant de cette filière ? Quel sera le mode d’exploitation des massifs boisés (coupes à
blanc) ?

-  Ce projet ne risque-t-il pas de bloquer la réalisation de petites
unités locales de production de chaleur écologiquement souhaitables ?
La combustion du bois dans un équipement de cette importance ne
générera-t-il pas des pollutions difficilement gérables ? Comment sera
traité le volume important de cendres ?

-  Au regard de l’histoire et du coût financier du réseau d’eau chaude
existant, cette nouvelle unité de production ne risque-t-elle d’être une
nouvelle fuite en avant ? Avec quel bilan pour les forêts drômoises
l’environnement et les contribuables ?


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