Reportage — Mille Vaches et fermes-usines
Les opposants aux fermes-usines s’unissent contre le lobby agricole

À Plouguiel, le 8 octobre 2022. - © Gwenvael Delanoe / Reporterre
À Plouguiel, le 8 octobre 2022. - © Gwenvael Delanoe / Reporterre
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Mille Vaches et fermes-usines Agriculture LuttesUne dizaine de collectifs contre les fermes-usines se sont rassemblés ce week-end en Bretagne pour faire front commun au niveau national et sensibiliser la population sur les risques qui pèsent sur les ressources en eau.
Plouguiel (Côtes-d’Armor), reportage
« Nous voulons alerter sur les menaces que portent les fermes-usines sur la qualité et la quantité des ressources en eau », tonne Fanche, du collectif Bretagne contre les fermes-usines. C’est sur les berges du Guindy (Côtes-d’Armor), à deux pas d’une station de captage d’eau potable, qu’une dizaine de groupes contre les fermes-usines ont entériné leur premier rassemblement national. Après des mois d’échanges via internet, des représentants et représentantes de différentes luttes contre des élevages industriels sont venus de plusieurs régions de France pour mettre en commun leurs forces.
Le lieu n’est pas anodin : le bassin versant du Guindy est bordé d’une centaine d’installations agricoles dangereuses pour l’environnement (classées ICPE), le département connaît une grave sécheresse qui fait craindre de prochaines coupures d’eau, et la contamination généralisée aux pesticides de l’eau potable fait la une des journaux locaux. « Mais ce ne sont pas juste des problématiques locales, dit Léna, de Terres de Luttes, et ces collectifs, ce ne sont pas juste des gens qui luttent contre un projet à côté de chez eux ! On a les mêmes freins au niveau national, et les mêmes dynamiques. L’idée c’est de voir ce que l’on peut faire ensemble pour s’entraider. » Et ça commence par partager ses informations.

Si la Bretagne est pionnière dans l’implantation des fermes-usines en France, elle n’en a plus aujourd’hui le monopole. « La Flandre devient une nouvelle Bretagne au niveau du développement de l’élevage industriel », dit Marie, membre de l’association Flaner, qui s’oppose à un projet de poulailler industriel à Steenwerck (Hauts-de-France).
Dans les Hauts-de-France aussi, les méthaniseurs poussent comme des champignons, et l’industrie du poulet et du porc est en pleine expansion. Et Marie redoute de surcroît que les agro-industriels néerlandais, contraints chez eux de réduire leur cheptel, ne viennent trouver refuge dans sa région. Une pression supplémentaire sur les ressources en eau qui l’inquiète : « Nous, locaux, on va finir par ne plus avoir d’eau, nos puits sont tous à sec, et ça date d’avant la sécheresse. » Elle martèle : « Il faut fédérer les luttes, on a face à nous des lobbies colossaux. »
« Ensemble, on a plus de pouvoir »
Annie, elle, a fait le déplacement depuis la Vienne, où elle mène un combat depuis 2014 contre un projet d’élevage de 1 200 taurillons à Coussay-les-Bois, en pleine zone naturelle (Znieff) et à fleur d’une nappe phréatique. Mais le long combat juridique s’est terminé par un rejet des recours au Conseil d’État, et Annie demeure avec une question en tête : « Comment continuer dès lors que le porteur de projet a commencé les travaux ? » La question juridique est justement à l’ordre du jour des différents ateliers, et plusieurs participants confient leur envie de ne plus se contenter de recours contre des projets locaux, mais d’aller au bras de fer juridique avec l’État pour l’obliger à changer de pratiques et de réglementations.
Pour peser davantage sur le plan national, la toute nouvelle coalition contre les fermes-usines, même si elle est encore « balbutiante », comme le confie Léna, espère voir d’autres collectifs la rejoindre bientôt. « Il y a plein de coalitions nationales en train de se créer », s’enthousiasme la jeune femme au vu de la dynamique en cours, comme la coalition des jardins populaires, celles contre les projets routiers, ou l’alliance pour des forêts vivantes… Simon, venu de la région de Lille, s’en réjouit : « Ensemble, on a plus de pouvoir. »