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Animaux

Pays roi de l’élevage industriel, l’Allemagne bloque sur la protection animale

Le Réseau de compétences sur l’élevage a annoncé sa dissolution après avoir tenté, en vain, de faire appliquer ses propositions.

En Allemagne, une commission sur l’élevage vient de s’autodissoudre, après avoir tenté en vain d’améliorer les conditions de vie des bêtes.

Berlin (Allemagne), correspondance

La rentrée politique allemande s’est enrichie d’un sujet brûlant : celui de la condition des animaux d’élevage. 20 millions de porcs, 11 millions de vaches ou encore 50 millions de poules sont concernés — et 82 millions de consommateurs. Le 22 août, l’organisme chargé de plancher depuis 2019 sur l’amélioration des conditions d’élevage — le Réseau de compétences sur l’élevage, aussi nommé « commission Borchert » — a lancé une petite bombe dans le monde politico-agroalimentaire. Il a annoncé sa dissolution après avoir tenté, en vain, de faire appliquer ses propositions durant deux années.

« Le monde politique avait la possibilité de s’engager dans la mise en œuvre de la transformation des conditions d’élevage. Il ne l’a pas saisie. Ce n’est rien d’autre qu’un échec politique de la dernière coalition et de celle-ci », a constaté Jochen Bochert, président de la commission et ancien ministre de l’Agriculture d’Helmut Kohl. Un revers amer lorsqu’on sait que le pays a inscrit en 2002 la défense des « bases naturelles de la vie et les animaux » dans sa Constitution et que l’on connait les déboires de l’élevage allemand.

« Ce n’est rien d’autre qu’un échec politique »

Ainsi, un tribunal bavarois vient d’envoyer en prison un agriculteur qui abattait ses vaches au fusil ; des germes multirésistants ont été détectés dans la viande de l’enseigne de distribution à prix bas Lidl ; les cas de torture animale continuent d’être relevés à un bon rythme dans les élevages porcins de Basse-Saxe, première région agricole allemande tandis que la plupart des vaches laitières du pays ne mettent jamais un sabot hors de l’étable...

Que proposait la commission Borchert ? Une classification des conditions d’élevage en trois niveaux conduisant à des installations plus spacieuses et disposant de zones de « distraction ». Le niveau 3, le plus élevé, correspond en partie au cahier des charges de l’élevage bio ou du réseau Neuland, avec beaucoup d’espace en plein air et, par exemple, le pâturage pour les bovins et les volailles. La commission souhaitait d’ailleurs que tous les animaux d’élevage soient élevés au moins au niveau 2 d’ici à 2040. Actuellement, les trois quarts d’entre eux sont élevés conformément à la norme minimale légale.

La commission voulait réduire le nombre d’animaux d’élevage

La commission Borchert, composée de représentants du monde agricole et environnemental, n’a jamais caché que les réformes proposées conduiraient à réduire le nombre d’animaux d’élevage en Allemagne. Cette condition est jugée incontournable pour réduire la pollution occasionnée par l’épandage du lisier dans les champs. Les experts estiment en outre que la mise en œuvre de ces mesures peut être difficile pour les agriculteurs et doit être subventionnée de 80 % à 90 % par l’État. Le coût est estimé de 7 à 11 milliards d’euros par an, et serait financé par une taxe sur les produits alimentaires.

C’est là où le bât blesse. Au niveau régional, les ministres de l’Agriculture des Länder se battent, eux aussi, sur les sources du financement ou encore sur la taille et le type des exploitations à soutenir. Et aucun gouvernement fédéral, en quatre ans, n’a pu s’accorder à débloquer une telle somme ou à introduire une nouvelle taxe. L’actuel ministre de l’Agriculture, l’écologiste Cem Özdemir, n’a obtenu qu’un petit milliard d’euros — pour « démarrer » — de la part de son collègue des Finances, le libéral Christian Lindner.

Au pays roi des abattoirs et de l’élevage industriel, la démission de la commission ne signifie pas la fin des efforts pour améliorer la condition animale. Mais « il est regrettable qu’elle se soit privée de ses possibilités d’influence. Car le consensus qu’elle avait trouvé est précieux », estime Olaf Bandt, président de la branche allemande des Amis de la Terre (Bund), et membre de commission.

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