Les « travailleurs détachés » de l’agriculture peinent à obtenir justice

Un travailleur agricole dans les Bouches-du-Rhône. - © Éric Besatti/Reporterre
Un travailleur agricole dans les Bouches-du-Rhône. - © Éric Besatti/Reporterre
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Agriculture JusticeChaque année, ils sont des centaines de milliers à venir d’Espagne, d’Équateur, du Portugal, du Maghreb, etc., pour travailler dans les champs français sous un statut précaire, celui de « travailleur détaché ». Associations et syndicats luttent depuis de nombreuses années pour dénoncer leurs conditions de travail, et ont réussi à assigner en justice l’une des plus importantes entreprises de travail détaché, Terra Fecundis, ainsi que les gros agriculteurs qui ont recours à cette main d’œuvre. Deux décisions de justice ont été récemment rendues concernant ces dossiers.
La première a été largement relayée. Le 10 juin dernier, Terra Fecundis a été condamnée à payer 80 millions d’euros à l’Urssaf. L’entreprise payait ses charges sociales en Espagne, ce qui lui permettait d’offrir une main d’œuvre moins chère aux agriculteurs français. « Il s’agit du plus important dossier de fraude à la Sécurité sociale jamais jugé en France », a rappelé l’avocat de l’Urssaf à l’audience.
Stop à l’« indifférence face aux conditions de vie indignes des travailleurs agricoles »
« Cette condamnation, largement reprise dans la presse, contraste avec le silence médiatique sur la décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence [...] concernant la mort d’Elio Maldonado, un ouvrier agricole équatorien de 32 ans », remarque la Confédération paysanne dans un communiqué. Cette décision a été prononcée le 13 juin. En juillet 2011, alors qu’il travaillait sous un soleil de plomb, on lui avait refusé de boire pendant cinq heures. Le jeune homme s’était écroulé en fin de journée sur une palette. Les responsables de l’entreprise n’avaient pas appelé les pompiers et tardé à l’emmener à l’hôpital d’Avignon, où il est mort. Mais le tribunal a conclu pour la deuxième fois à l’absence de faute des responsables de l’exploitation agricole. Pourtant, c’est justement la mort de cet homme, qui avait déclenché une enquête ayant abouti au procès de Terra Fecundis pour fraude à la sécurité sociale.
Le fait que l’agriculteur utilisateur de la main d’œuvre ne soit pas son employeur direct a permis de le dédouaner. « Nous refusons cette indifférence face aux conditions de travail et de vie indignes des travailleurs et travailleuses agricoles, considéré-e-s comme de simples outils d’une production à bas coût. Un devoir de vigilance s’impose, pour faire respecter les droits sociaux et les droits humains fondamentaux des paysan·nes et des autres travailleurs et travailleuses des zones rurales », estime la Confédération paysanne.