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Habitat et urbanisme

Logements : Valérie Pécresse délaisse la rénovation énergétique

Des transports au logement, la région Île-de-France dirigée par Valérie Pécresse n'a pas l'air encline à soutenir les infrastructures collectives et écologiques.

La région Île-de-France se prépare à abandonner son principal outil d’accompagnement à la rénovation globale des copropriétés. Une décision incompréhensible pour les spécialistes du secteur et les écologistes.

Après les transports publics, la rénovation des logements collectifs nouvelle victime de l’austérité budgétaire de Valérie Pécresse ? Depuis 2013, la société d’économie mixte (SEM) Île-de-France Énergies accompagne la rénovation collective dans la moyenne et la grande couronne francilienne. Et pas les plus aisées : la rénovation globale et performante des grandes copropriétés de plus de 50 lots.

Surprise : alors qu’IDF Énergies allait fêter ses dix ans, la SEM vient d’annoncer une bascule de ses activités. Le 14 décembre dernier, le conseil de surveillance d’Île-de-France Énergies a voté une délibération ouvrant la voie à une « réorientation » vers le tertiaire ainsi qu’un « rapprochement » et des « synergies » avec une autre entité régionale : la société foncière Île-de-France Investissements et Territoires, dont le directeur, Olivier Pagezy, est désormais président du conseil de surveillance d’IDF Énergies.

Direction rentabilité

En langage moins technocratique, le projet a tous les airs d’une mise au pas. IDF Énergies passerait sous contrôle d’une société spécialisée dans l’immobilier d’activité dirigée par un ancien directeur de cabinet de Valérie Pécresse. Dans le même temps, IDF Énergies abandonnerait ses activités à destination des copropriétés — une fois les projets en cours achevés — en se tournant dès 2023 vers le marché de la remise en état des bureaux, jugée plus rentable.

En désaccord de fond, le directeur actuel de la SEM, Raphaël Claustre, a aussitôt annoncé sa démission. L’inquiétude est également palpable pour la vingtaine de salariés d’IDF Énergies qui ont pointé dans un courrier interne que Reporterre a pu lire « un choix difficilement compréhensible » et appellent à « la continuité des activités copropriété » à court et long terme.

Dans les régions où la majorité des gens vivent en appartement comme l’Île-de-France, la rénovation des habitats collectifs est cruciale. © Nicolas Guyonnet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Principale motivation derrière ce changement de pied ? Budgétaire. Selon les conclusions de l’expertise comptable qui a entraîné cette décision, la SEM souffrirait d’un modèle économique toujours incertain et des déficits structurels. Avec un bilan honorable d’une centaine de copropriétés et 13 000 logements accompagnés, IDF Énergies ne ferait pas assez de chiffre. Et c’est logique.

Rénover des logements collectifs est fastidieux, compliqué et long — trois ans environ pour voir des résultats. Mais quand les trois quarts des Franciliens, pour beaucoup locataires, vivent en appartement, cela devient un enjeu social majeur.

Un outil forgé pour la complexité

Or, là où les rénovations se limitent souvent à un geste isolé — changement de chaudière — IDF Énergies a voulu pousser à des rénovations ambitieuses et globales. Après des années de batailles réglementaires, la SEM avait même obtenu en 2019 la possibilité d’être tiers financeurs pour permettre aux copropriétaires modestes ou trop âgés pour obtenir un crédit, d’entreprendre quand même des travaux avec leurs voisins. En contrepartie, IDF Énergies se rembourserait au fil du temps avec les 40 % à 50 % d’économies sur les factures d’énergie. Forcément, cela rapporte moins que d’enchaîner les projets plus simples.

Ce volontarisme tous azimuts « commençait justement à trouver son rythme » regrette Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER-Réseau pour la Transition énergétique, dont IDF Énergies est adhérent. « Un peu sidéré » par l’annonce de cet abandon en rase campagne des copropriétés franciliennes, il ne comprend pas que l’on « casse la compétence » d’un outil forgé précisément pour suivre les projets complexes.

« Une logique de rentabilité capitaliste pure »

Une « décision anachronique » abonde Aminata Niakate, porte-parole d’EELV, représentante de la ville de Paris au conseil de surveillance d’IDF Énergies. Pour elle, le choix de privilégier le tertiaire au détriment des logements collectifs reflète aussi « une logique de rentabilité capitaliste pure » car IDF Énergies venait justement « là où on attend les acteurs publics » : dans des projets pas forcément immédiatement rentables mais porteurs de sens.

C’est le choix inverse qui semble avoir été fait ici : remettre à disposition la puissance publique au service des entreprises. Les habitants des logements collectifs n’auront qu’à aller se chauffer au bureau.

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