Loi Climat : trop de dérogations affaiblissent la lutte contre l’artificialisation des sols

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Étalement urbain Convention citoyenne pour le climat Politique Loi ClimatDu 15 au 17 mars, la commission spéciale s’est penchée sur le chapitre trois de la loi Climat concernant l’artificialisation des sols. Les députés écologistes dénoncent des dérogations en pagaille et s’insurgent que le e-commerce soit épargné.
Lundi 15, mardi 16 et mercredi 17 mars, la commission spéciale s’est penchée sur le chapitre trois de la loi Climat concernant l’artificialisation des sols. Cette thématique est essentielle, alors que « l’équivalent de quatre terrains de foot sont artificialisés chaque heure en France » selon le député de l’Essonne Cédric Villani.
La loi Climat définit notamment dans son article 48 la notion d’artificialisation : « Un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions. »
Sur Twitter, la présidente de la commission Laurence Maillart-Méhaignerie s’est félicitée de l’adoption des articles 47 à 55, dont l’objectif est de « mettre la France sur la trajectoire du zéro artificialisation nette, pour mettre fin aux 20.000 à 30.000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers qui disparaissent chaque année en France, dont la moitié du fait de l’étalement des logements ». Ces articles devraient permettre de réduire de moitié les nouvelles surfaces artificialisées d’ici à dix ans.
Ces articles sont néanmoins loin de satisfaire l’opposition. Sur Twitter, le député du Maine-et Loire Matthieu Orphelin s’interroge : « Pourquoi faire si peu ? » Les députés écologistes étaient particulièrement attentifs à l’article 52, qui vise à interdire les nouvelles surfaces commerciales de plus de 10.000 mètres carrés entraînant une artificialisation des sols. Pour M. Orphelin, cet article présente trop de dérogations. « Le seuil de 10.000 mètres carrés est bien trop haut puisque 80 % des projets de surface commerciale font en moyenne 2.000 mètres carrés », s’indigne-t-il.
D’autres dérogations prévoient notamment une autorisation d’implantation si le projet s’inscrit dans « une opération de revitalisation du territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville », ou si le projet « répond aux besoins du territoire ».
Delphine Batho, députée écologiste des Deux-Sèvres et ancienne ministre de l’Écologie, a également regretté en commission que cet article ne s’applique pas aux entrepôts de e-commerce :
Il y a deux problèmes à l’article 52. Le premier, ce sont les multiples dérogations ; le deuxième, c’est que vous refusez de l’appliquer au e-commerce […]. L’empreinte carbone du e-commerce est catastrophique et contribue à la délocalisation de l’économie. »
Les députés de l’opposition ont tenté de supprimer ou d’édulcorer ces dérogations par amendements, sans succès. Comme depuis le début de l’examen de la loi Climat en commission, le 8 mars, une grande partie des amendements sont jugés irrecevables. « Sans surprise, tous nos amendements sur l’artificialisation des sols ont été rejetés », s’indigne sur Twitter M. Villani.
« L’article permet une dérogation quasi-systématique »
Mme Batho a également proposé « une zone de protection naturelle agricole et forestière des terres de Gonesse en Île-de-France », alors que le projet Europacity a été abandonné mais que les travaux pour la nouvelle gare se poursuivent. L’amendement à été rejeté par la commission.
Durant les débats, le député socialiste de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier a dénoncé sur La chaîne parlementaire (LCP) un article 52 « pour rien », qui « permet une dérogation quasi-systématique » et « qui fait semblant au lieu de faire », avant de conclure « qu’on prépare le monde d’avant, mais en pire ».
Le travail de la commission spéciale s’achèvera vendredi 19 mars. Les députés ont encore deux chapitres à étudier : « se nourrir », et « renforcer la protection judiciaire de l’environnement ». Les débats en séance plénière débuteront le 29 mars.
- Source : Justin Carrette pour Reporterre
- Photo : Capture d’écran de l’étude de la loi Climat le 18 mars 2021 à l’Assemblée nationale.