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Justice

Lutte à Saclay : en procès pour avoir posé une banderole

La ligne 18 du métro doit traverser les terres agricoles du plateau de Saclay, les ouvrant à l’urbanisation, selon le collectif.

Deux militants opposés à la ligne 18 du métro parisien sont en procès le 13 janvier. En 2021, ils avaient accroché une banderole sur un engin de chantier du plateau de Saclay, dénonçant la bétonisation.

Il le reconnaît volontiers, c’est loin d’être l’action de désobéissance civile la plus spectaculaire qui ait eu lieu. Le 15 octobre 2021, Happy — c’est le surnom utilisé par ce militant — a escaladé avec un collègue la grue d’un chantier du plateau de Saclay pour y accrocher une banderole « SOS Stop L18 ». Une démonstration d’opposition à la ligne 18 du Grand Paris Express. Ce métro doit traverser les terres agricoles du plateau de Saclay, au sud de la capitale, les ouvrant à l’urbanisation, dénoncent les membres du Collectif contre la ligne 18.

« On a fait zéro dégradation, on est restés deux heures, raconte-t-il. Le but était surtout de toucher les étudiants de l’ENS Paris-Saclay, dont les locaux sont situés en face du chantier. » Résultat : les deux activistes, descendus de la grue de leur plein gré, ont été placés en garde à vue, l’entreprise conductrice des travaux a porté plainte. On leur reproche d’avoir bloqué le chantier.

Le 15 octobre 2021, deux militants ont accroché une banderole « SOS Stop L18 » sur la grue d’un chantier du plateau de Saclay. © DafCall

Le procès doit se tenir le vendredi 13 janvier à 9 heures au tribunal judiciaire d’Évry. « D’après ce que j’ai compris, on risque essentiellement une grosse amende. Et l’entreprise estime qu’elle a perdu 10 000 euros en raison de l’arrêt du chantier et parce qu’ils ont dû faire appel à une expertise pour redémarrer la grue, poursuit Happy. C’était vraiment une petite action, on ne s’attendait pas à un procès pour ça. Des banderoles on en a mis plein partout. »

Un rassemblement de soutien est également prévu dès 9 heures, non loin du tribunal. Une pièce de théâtre, de la musique et des prises de parole d’experts sont annoncées. C’est la première fois que des militants de cette lutte se retrouvent devant la justice. « Comme la mobilisation monte, les autorités répondent par une criminalisation des actions du mouvement écologiste, dénonce Roland Kara, du Collectif contre la ligne 18. La répression s’accroît par la judiciarisation, et aussi dans les discours. Je pense aux déclarations de M. Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui qualifie d’“écoterrorisme” des actions de sauvegarde de l’environnement. »

« L’état de nécessité »

La lutte contre l’urbanisation du plateau de Saclay dure depuis plus de quinze ans. Le projet date de 2006. À l’époque, c’était Jacques Chirac qui avait lancé le cluster Paris-Saclay, une Silicon Valley à la française, censée regrouper dans un même lieu des grandes écoles, l’université Paris-Saclay et la recherche de haut niveau afin de rivaliser dans les classements universitaires internationaux. Les travaux sont bien entamés. « Parmi les derniers territoires agricoles d’Île-de-France, le plateau de Saclay a déjà perdu 400 hectares de terres sous le béton ces dernières années », rappelle le collectif.

Les travaux de la ligne 18, eux aussi, ont bien avancé. « La partie Orly-Massy est construite, et on voit les pylônes de la partie aérienne jusqu’à Saclay fleurir de semaine en semaine », observe Roland Kara. Mais après Saclay, pour la poursuite vers l’ouest de la ligne, les travaux n’ont pas commencé. Cette partie de la ligne doit traverser une zone agricole protégée aux terres très fertiles. C’est celle-ci que les militants contestent particulièrement. « Ils veulent construire une ligne inutile au milieu des champs », proteste Roland Kara. Ce nouveau métro serait pour eux le cheval de Troie d’une urbanisation du secteur. « Au total et à moyen terme, 2 300 hectares de terres nourricières sont menacés », estime le collectif.

© Gaëlle Sutton / Reporterre

La communauté d’agglomération de Paris-Saclay défend à l’inverse que le choix d’un « aménagement dense et compact » permet « de préserver un espace naturel et agricole de grande qualité ». Elle rappelle que le cluster Paris-Saclay est déjà « l’un des huit pôles d’innovation les plus importants au monde ». La ligne 18, elle, « offrira une alternative à la voiture et contribuera ainsi à préserver l’environnement en favorisant la transition vers une ville durable », ajoute la ville de Palaiseau.

Contre ces discours rassurants, les associations ont joué le jeu des concertations et ont mené des actions en justice. « On a essayé plein de choses, on est allés au bout des recours juridiques, c’est pour cela que j’ai choisi d’aller plus loin avec la désobéissance civile », explique Happy. Au tribunal, il compte plaider « l’état de nécessité » — permettant d’exempter de poursuites des personnes commettant des actions illégales pour se prémunir d’un danger. « Certes, l’entreprise a subi un préjudice économique. Mais il est extrêmement faible au regard des conséquences de ces travaux », dit-il. Il espère que le procès offrira une nouvelle tribune à ses arguments. Quelle qu’en soit l’issue, il estime avoir déjà réussi l’essentiel : « Avec cette action, on voulait toucher les étudiants et ça a marché, on en a recruté ! »

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