Mégabassines : des militants du monde entier rejoignent la lutte

Les organisations antibassines militent pour un juste partage de la ressource en eau. - Twitter/Bassines non merci
Les organisations antibassines militent pour un juste partage de la ressource en eau. - Twitter/Bassines non merci
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Luttes Eau et rivièresDes activistes du monde entier se mobilisent pour soutenir la lutte contre les mégabassines, qui se tiendra du 25 au 26 mars dans le Marais poitevin.
Chili, Canada, Colombie, Mali. Des militants du monde entier sont actuellement en France pour soutenir le collectif Bassines non merci dans sa lutte contre les mégabassines et pour un juste partage de l’eau. Invités à l’Assemblée nationale le 22 mars, quelques jours avant la mobilisation du 25 et 26 mars dans les Deux-Sèvres, ils ont détaillé les problématiques auxquelles ils font face dans leurs pays. Au Chili par exemple, les premières mégabassines ont été construites il y a trente-cinq ans afin d’irriguer les plantations d’avocats. « Ces retenues sont l’occasion de questionner notre rapport à l’eau et à la nature. De proposer un nouveau projet de société où cette ressource deviendrait un bien commun », explique Manuela Royo, historienne et avocate chilienne, membre du collectif Modatima.
Le Chili est en effet l’unique pays du monde où l’eau est privatisée. « Les fleuves, les rivières, tout est propriété privée. L’eau s’échange sur un marché où le profit prime », poursuit Manuela Royo. Plus au nord de l’Amérique latine, à cheval entre la Colombie et le Venezuela, le peuple indigène Yukpa est menacé de disparition, car son territoire est dévasté par l’exploitation minière. « Les rivières sont polluées par ces mines et les poissons disparaissent. Nous ne pouvons plus pêcher et sommes obligés d’aller en acheter », témoigne Juan Pablo Gutierrez, professeur d’études décoloniales, délégué international de l’Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC) et du peuple indigène Yukpa.

Les conséquences de ces bouleversements ne sont pas uniquement matérielles, elles sont aussi spirituelles. « Pour nous, l’eau relève à la fois du tangible et de l’intangible. Sans rivières, les femmes ne peuvent plus parler à l’esprit de l’eau. Et toute une nouvelle génération ne pourra pas apprendre nos traditions. Nous sommes en pleine destruction physique et culturelle. »
Les puits asséchés et pollués par les multinationales
Au nord du continent, au cœur du Canada, la nation mohawk subit les mêmes logiques extractivistes polluantes, notamment avec l’exploitation de mines et la construction de gigantesques pipelines. « Nous sommes également confrontés aux manipulations des compagnies comme Nestlé, qui pompe de l’eau dans les nappes phréatiques et la revend ensuite, s’accaparant un bien qui devrait être commun », explique Layla Staats, activiste mohawk et réalisatrice du film Blood and water (Le sang et l’eau), qui raconte les liens entre la nation mohawk et l’eau.
Un avis partagé par le Malien Massa Koné, paysan et coordinateur NO-VOX Afrique, un réseau de luttes sociales. Il assure que dans son pays « aucune norme ne limite l’utilisation de l’eau par les multinationales ». Après avoir pompé et pollué les fleuves, ces grandes entreprises s’attaquent désormais aux nappes phréatiques, asséchant les puits des populations rurales. Une problématique que peinent à comprendre les citadins. « Les politiques promettent de tout faire pour assurer la distribution de l’eau au robinet. Mais il n’y pas que l’eau qu’on boit, il y a aussi celle qu’on utilise pour la culture, pour les animaux. Celle-ci est de plus en plus polluée. »

Se réunir pour mieux lutter
Pour l’Europe, Ercan Jan Aktaş, sociologue et militant écologiste kurde, est venu dénoncer la mainmise de la Turquie sur l’eau via la construction de barrages. « L’État planifie ces projets depuis la capitale, mais n’a jamais consulté les populations rurales ou urbaines, les municipalités ou les organisations de la société civile », s’indigne-t-il. Ces immenses réservoirs construits sur l’Euphrate et le Tigre sont aussi utilisés par Ankara comme des armes contre les peuples syriens et irakiens, puisque le gouvernement peut « couper les vannes » à son bon vouloir, assure Ercan Jan Aktaş.
Ces militantes et militants vont profiter de leur passage en France pour échanger des conseils et bonnes pratiques afin de mieux lutter. « Nous devons nous réunir ensemble pour porter une seule voix. Car il ne s’agit pas d’un problème isolé sur un seul territoire, tout est connecté », dit Layla Staats. Ils aimeraient également pousser à l’adoption d’une législation internationale sur l’eau, alors que se tient à New York du 22 au 24 mars la première Conférence des Nations unies sur l’eau depuis près de cinquante ans.