Tribune — Mille Vaches et fermes-usines
Mille vaches : Notre art de vivre ne se monnaie pas !

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Mille Vaches et fermes-usinesPorte-parole de la Confédération paysanne de Savoie, Thierry Bonnamour est un des cinq interpellés à la suite de l’action contre la ferme-usine des Mille vaches. Leur procès commencera le 1er juillet à Amiens. Il explique sa position sur ce projet aberrant.
Un acte politique ramené par la justice à un vol
Sortir un fait de son contexte peut lui faire dire tout et son contraire. Une des fonctions de la justice est de restituer le contexte pour juger des mobiles, des faits.
Nous mettre en cause pour vol aggravé ou recel de vol, c’est comme si une personne, placée au pied d’une falaise, dit voir un mur alors qu’il s’agit d’une chaîne de montagnes.
Il est évident que les actions syndicales du mercredi 28 mai 2014 dépassent de loin la relation entre M. Michel Ramery et nous-mêmes. En fait, l’acte syndical posé le mercredi 28 est un acte politique, un acte d’interpellation des citoyens.

- Thierry Bonnamour à sa sortie de garde à vue -
Des usines à vaches à la place des fermes
En effet, aujourd’hui, nous sommes à un tournant de notre histoire nationale. La France est de par le monde entier le pays de l’excellence gastronomique. La France, dont la cuisine est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, doit se prononcer sur l’avenir d’un pilier de son identité culturelle. Chaque année, le salon international de l’agriculture de Paris en est la vitrine mondiale. Tout le savoir-faire paysan de chaque petit coin de France y est exposé, l’ingouvernable aux trois cents fromages.
Si le choix de la France est d’industrialiser et de standardiser son agriculture, ce salon deviendra un musée, des pans entiers de notre économie en pâtiront. Notamment le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, les campings souffriront des paysages monotones, et l’attrait de leurs produits typiques disparaîtra petit à petit.
Avec la puissance et la rapidité des machines actuelles, il se peut que dans dix ans, avec le papy boom et le changement de génération d’agriculteurs, les Français ne reconnaissent plus leur pays avec des usines à vaches à la place des fermes.
Aujourd’hui, les actifs agricoles représentent 3 % de la population. Par rapport à il y a 50-60 ans, c’est l’hécatombe ! Avec des usines à mille vaches ou plus, ce sera leur anéantissement ! Est-ce le projet des Français de vider les campagnes de leur population ? Les Français souhaitent-ils s’amasser dans les grosses villes ? Est-ce cela, le projet de société de demain : des villes surpeuplées et des campagnes désertes ?

- Ferme-usine des Mille vaches -
Un autre projet de société
Nous, la cinquantaine de personnes présentes sur le site de l’usine à mille vaches, sommes des lanceurs d’alerte et non des voleurs ! Par nos actes, nous interpellons tous les citoyens, afin qu’ils sachent ce qui se prépare. Nous interpellons le gouvernement pour le mettre en face de ses contradictions : des usines ou l’agro-écologie, les deux à la fois, c’est impossible.
Si certains dirigeants haranguent que leur mode de vie n’est pas négociable, nous, les lanceurs d’alerte, engageons tout notre corps pour crier que l’art de vivre à la française est grandement mis en danger par le rouleau compresseur de l’agro-business.
La France, premier territoire agricole européen, est le terrain de tous les enjeux. C’est à nous, les Français, qui avons été souvent les pionniers des luttes sociales, des libertés publiques et individuelles, de montrer à l’Europe que, tout en gardant l’esprit de l’innovation, nous pouvons mettre en place des fermes à taille humaine.
Des fermes où travailleront des paysans qui auront la liberté d’organiser leurs journées à leur guise et non pas des salariés soumis aux ordres d’un patron.
Des fermes diversifiées, bien réparties sur tout le territoire rural, des fermes qui répondent aux défis écologiques d’aujourd’hui et de demain, des fermes qui dégagent des revenus pour leurs travailleurs.
L’emploi paysan peut (pourra ?) être l’emploi de demain, sauf avec des usines à vaches !
Alors, je vous le demande : pourquoi mille vaches ?
Ça n’a pas de sens. Pourquoi pas dix mille vaches ?

Nous, les lanceurs d’alerte, demandons la relaxe, demandons un débat parlementaire sur les fermes-usines, demandons le respect des règles d’urbanisme, demandons une justice qui traite les faibles et les puissants de la même manière, demandons un arrêt immédiat des travaux jusqu’à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire qui sent le gaz...
Paysan, Paysanne, Ouvrier, Ouvrière, Madame, Monsieur,
de partout, luttez, combattez, résistez, notre art de vivre ne se monnaie pas !!!!