L’Élysée soutient en catimini le projet de méga-mine d’or

En 2019, le Fonds mondial pour la nature (WWF) lançait une campagne #StopMontagned'or. - © WWF
En 2019, le Fonds mondial pour la nature (WWF) lançait une campagne #StopMontagned'or. - © WWF
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Énergie Pollutions Mines et métauxEnterré, le projet Montagne d’or ? Pas vraiment, selon un courrier de l’Élysée que Reporterre révèle aujourd’hui. Malgré les promesses gouvernementales, une version remaniée de ce très polluant projet de mine d’or en Guyane pourrait ainsi voir le jour.
Cayenne (Guyane), correspondance
Voilà des années qu’il s’y oppose, certes mollement. Mais le gouvernement n’a, en réalité, pas enterré le projet minier Montagne d’or. Début septembre, la compagnie minière annonçait « un nouveau projet Montagne d’or », suscitant une vague d’inquiétude parmi les opposants. Le député écologiste du Maine-et-Loire, Matthieu Orphelin, a alors demandé au président de la République de clarifier la position française sur ce projet. Dans sa réponse en date du 21 septembre, et que publie Reporterre, l’Élysée affirme que la nouvelle version du projet « n’est pas de nature à modifier la position du gouvernement » et que « le chef de l’État et le gouvernement sont opposés au projet Montagne d’or tel qu’il a été déposé ». Mais — et là est la subtilité — l’Élysée ne ferme pas la porte à un projet Montagne d’or remanié qui respecterait les nouvelles dispositions du droit minier contenues dans la loi Climat adoptée le 22 août.

Donc, si le projet respecte les prescriptions de la loi, il sera autorisé. Ce qui est en contradiction avec la déclaration en mai 2019 du ministre de la Transition écologique, François de Rugy, qu’avait confirmée ensuite sa secrétaire d’Etat, Brune Poirson : « Le projet ne se fera pas ». L’Élysée revient donc sur le choix gouvernemental affirmé naguère.
De plus, la loi Climat évoquée par la présidence de la République contient des mesures transitoires qui font qu’elle ne pourra pas s’appliquer à des dossiers en cours d’instruction comme celui de Montagne d’or. Le gouvernement ne se donne même pas les moyens de limiter les dégâts : la loi qu’il a lui même adopté ne lui donne aucun moyen de pression sur la compagnie minière. « Par ces mesures transitoires, le gouvernement s’est privé de la possibilité de faire application du nouveau texte » sur le dossier Montagne d’or, résume Olivier Gourbinot, juriste pour France Nature Environnement. Si le Conseil d’État venait à demander à l’administration de réexaminer l’octroi des concessions de la Montagne d’or, cela se ferait à partir de l’ancien droit minier duquel les considérations environnementales sont totalement absentes.
Contacté par Reporterre, le ministère de la Transition écologique ne nous a pas répondu.
Le Fonds mondial pour la nature (WWF) détaille qu’outre le déboisement total de 1 513 hectares, « l’extraction de l’or nécessiterait des milliers de tonnes d’explosifs et de cyanure et 195 millions de litres de fuel durant les douze années de vie du projet ».

Le projet de mine d’or industrielle Montagne d’or est donc toujours d’actualité. Voilà qui vient confirmer ce que plus de deux ans d’une communication en désaccord croissant avec l’avancement réel du projet laissaient supposer.
« Quand on dit qu’un projet est arrêté, il faut que ce soit vraiment le cas »
Cette divergence a commencé avec une formulation prononcée le 23 mai 2019, et qui déjà avait fait tiquer le député Matthieu Orphelin : le ministre de la Transition écologique de l’époque, François De Rugy, constatait l’« incompatibilité du projet actuel avec les exigences de protection environnementale », , à l’issue du premier Conseil de défense écologique qui se tenait trois jours avant les élections européennes.
« On parlait alors du projet en l’état », dit à Reporterre Matthieu Orphelin, pour qui « il fallait dès le début supprimer cette phrase qui semait le doute ». C’est bien ce qu’avaient dû faire les membres du gouvernement sous la pression médiatique, finissant par affirmer, tout court, que « le projet ne se fera pas ». Las, le doute était semé : un projet remanié pourrait-il un jour obtenir les faveurs du gouvernement ? Sollicité à maintes reprises par Reporterre, le ministère de la Transition écologique n’a jamais clairement défini ses « exigences environnementales ». S’installaient ainsi les conditions d’un jeu de dupes, dit le député Matthieu Orphelin : « Quand on dit qu’un projet est arrêté, il faut que ce soit vraiment le cas ; mais s’il n’est pas vraiment arrêté, il faut assumer cette décision. »
Le gouvernement ne s’est pas donné les moyens d’empêcher le projet Montagne d’or de voir le jour
Or le gouvernement ne s’est pas donné les moyens d’arrêter définitivement ce projet minier. Interdire le recours au cyanure, indispensable à la rentabilité économique de ce type de mégamine d’or ? La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, s’est, au contraire, faite le chantre de ce produit hautement toxique lors des débats sur la loi Climat contenant une réforme minière. Refuser la prolongation des concessions sans lesquels le gisement aurifère ne pourrait être exploité ? Lorsque la compagnie minière a attaqué l’État pour lui enjoindre de délivrer ces titres miniers pour une durée de vingt-cinq ans, il s’est très faiblement défendu devant le juge administratif de Cayenne. Le tribunal n’a pas manqué de le remarquer, donnant raison à la compagnie minière. Et cette décision a été confirmée en juillet dernier par la cour d’appel administrative de Bordeaux. L’État s’est toutefois pourvu en cassation devant le Conseil d’État.
Lire aussi : Montagne d’or en Guyane : l’hypocrite opposition du gouvernement
Signe de la bataille de communication dans lequel il est pris, le dossier Montagne d’or est plein de coïncidences de calendrier. La dernière en date ? C’est à la veille de l’ouverture à Marseille du Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) que la compagnie minière Orea mining (ex-Colombus Gold) a annoncé avoir mis au point « un nouveau projet Montagne d’or avec un impact environnemental significativement réduit ». Les changements annoncés portent principalement sur l’approvisionnement en électricité du site minier avec une part renforcée en énergie solaire. Le recours au cyanure est maintenu et les principales caractéristiques de ce projet minier restent inchangées.