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OGM

OGM : le professeur Séralini prend sa revanche

Après deux ans de bataille contre la censure des lobbys agro-industriels, l’équipe du Professeur Séralini republie son étude sur les effets à long terme du Roundup et du maïs transgénique NK603. L’étude, publiée par Environmental Science Europe, sera désormais disponible en open source, et pourra servir de base à de futurs travaux scientifiques sur la toxicité des OGM


Ne pas relancer la polémique, mais lutter contre la censure : c’est la démarche que met en avant le Criigen, le Comité de recherche et d’informations indépendantes sur le génie génétique, dont fait partie le Pr. Séralini, au moment où il republie l’étude phare qu’il avait publié fin 2012. Mais après deux ans de bataille, cette republication dans la revue scientifique Environmental science Europe a les couleurs de la victoire et un goût de revanche.

-  Lien vers l’étude republiée : « Republished study : long-term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize »

Rappelons l’histoire exceptionnelle d’une étude importante soumise à une censure scientifique jamais vue.

En novembre 2012, Gilles-Eric Séralini et son équipe publient dans la revue Food and Chemical Toxicology (FCT) une étude menée penant deux ans et analysant sur un groupe d’animaux l’effet d’une alimentation de maïs transgénique, étude qui suscite immédiatement une vive controverse quant à sa validité scientifique. Elle conclut à la toxicité à long terme du pesticide Roundup et du maïs NK603 sur les rats. La recherche est inédite, tant par sa durée d’expérimentation que par son ampleur, de nombreux paramètres ayant été observés.

-  A écouter : Gilles-Eric Séralini, quels sont les principaux résultats de cette étude ?

-  A écouter : Joël Spiroux, président du Criigen, quels sont les conséquences sanitaires de cette étude ?

- Joël Spiroux -

Sa publication, portée par une opération médiatique intense, a un écho énorme. Mais dès le surlendemain, d’autres scientifiques la critiquent vivement, et peu après, les autorités sanitaires françaises et européennes en rejettent les conclusions, affirmant qu’elles sont peu solides.

En sous-main, les lobbys pro-OGM organisent la contre-offensive. Un ex-employé de Monsanto (qui commercialise le Roundup et le maïs NK603), Richard Goodman, entre au comité scientifique de FCT. Fin novembre 2013, la revue annonce unilatéralement le retrait de l’article. Séralini ne s’avoue pas vaincu pour autant : il obtient après plusieurs mois un droit de réponse, tandis que le Committee on publication ethics (Comité sur l’éthique des publications) adopte une position de neutralité. Des scientifiques du monde entier prennent leur plume pour dénoncer une « censure » qui entrave les progrès de la recherche. Finalement, le mardi 24 juin 2014, l’étude est republiée dans une autre revue scientifique.

-  A écouter : Gilles-Eric Séralini, qu’est-ce qui a amené à la republication de cette étude ?

-  L’histoire visible en frise interactive :

Quoi de nouveau ?

Sur le papier, rien d’inédit : pas de recherche supplémentaire, ni d’informations exclusives. L’étude a simplement été réécrite, pour mettre en avant les effets du Roundup plutôt que ceux des OGM. Une précision importante. Car la polémique est née du lien supposément établi par les chercheurs entre cancer et OGM - alors que Gilles-Eric Séralini souligne que le mot « cancer » n’était pas écrit dans le texte de l’article.

Oui, les résultats montrent une augmentation des tumeurs chez les rats ayant consommé du maïs transgénique, mais une tumeur n’est pas un cancer ! Le pesticide serait responsable de déficiences au niveau des reins et du foie, ainsi que d’une perturbation du système hormonal.

Des effets comparables ont également été notés lors de la consommation régulière du maïs NK603, tolérant au Roundup. Toxique donc, mais pas cancérogène. Une différence de taille, mais négligée par le traitement médiatique, et instrumentalisée par les détracteurs de Séralini.

Autre nouveauté : l’étude sera désormais en libre accès, est publiée dans une revue scientifique en "open source". Le but est ici que tout un chacun puisse accéder directement au texte, pour se faire sa propre idée des résultats. Surtout, fait important pour les lecteurs scientifiques, les données brutes sont également consultables.

Pourquoi une republication ?

« Le progrès scientifique a besoin de débats et de controverses afin d’améliorer ces méthodes sur la base de résultats objectifs », explique l’éditeur de la revue. « Permettre une discussion rationnelle », tel est l’objectif annoncé par l’équipe de Séralini. Car une étude non publiée n’a aucune valeur scientifique. Impossible de la discuter, ou de l’approfondir par de nouvelles recherches.

Par exemple, l’étude pourra désormais être citée lors de l’évaluation des risques des OGM et du Roundup. En février dernier, le maïs transgénique TC1507 a été autorisé par la Commission européenne. Parmi les motifs, l’absence d’étude démontrant la toxicité du produit. L’étude de Séralini se trouvait alors reléguée dans les limbes des connaissances scientifiques.

Autre revendication : favoriser la transparence. « Le choix de l’open source n’a rien d’anodin, explique le Criigen. Il faut que toutes les données brutes, y compris celles des industries, soient en accès libre. » Car Monsanto ou Pioneer ne veulent pas divulguer les détails des recherches soutenant les autorisations de mise sur le marché de leur produit. « Secret commercial » oblige.

Même si la revue où est republiée l’étude est peu connue car nouvelle, elle présente l’avantage d’être accessible sur internet.

Mais déjà les critiques se font entendre : pourquoi une revue si peu installée parmi les chercheurs ? Cela ne confirme-t-il pas le caractère douteux de la recherche ? Sauf que la publication appartient au groupe Springer, grand éditeur de travaux scientifiques, et principal concurrent d’Elsevier, propriétaire de.... Food and Chemical Toxicology.

Défendre l’honneur scientifique

La republication sonne aussi comme un pied de nez aux nombreux détracteurs de Séralini. Ce dernier vient d’ailleurs de publier un commentaire intitulé sans équivoque : « Conflits d’intérêt, confidentialité et censure dans l’évaluation des risques pour la santé ».

-  Article sur les conflits d’intérêt, à télécharger :

Billet doux adressé notamment à Paul Christou, chercheur en biologie végétale, très critique voire injurieux à l’égard de Séralini. « Il est aussi lié à Monsanto. Il est l’inventeur déclaré de plusieurs brevets sur des plantes génétiquement modifiées, dont Monsanto, pour la plupart, détient les droits de propriété », écrit le chercheur dans son article.

Si l’étude n’est ni parfaite, ni irréprochable, l’ampleur des critiques qu’elle a subi est en effet démesurée. Car les principaux reproches, à savoir la taille trop restreinte de l’échantillon et la race de rats, connue pour être sensible aux tumeurs, peuvent être adressés à d’autres recherches similaires. Ainsi, une étude commanditée par Monsanto, utilisant la même race et le même nombre de rongeurs, mais ne portant que sur trois mois, a également été publiée par la revue FCT, sans que la communauté scientifique ne s’en émeuve.


Tous les épisodes de la saga dans Reporterre :

-  Après le retrait de son étude, le Pr. Séralini a enfin accès à un droit de réponse
-  OGM : si on leur appliquait les mêmes critères qu’à l’étude de Séralini, les autres études devraient être annulées
-  Contre la censure scientifique, Reporterre place en ligne l’étude originale de Gilles-Eric Séralini et de son équipe
-  OGM : une nouvelle offensive est lancée contre l’étude de l’équipe Séralini
-  EXCLUSIF : l’article de Séralini sur les OGM traduit en français
-  Pourquoi l’étude de Gilles-Eric Séralini sur les OGM suscite-t-elle des réactions aussi violentes ?
-  Exclusif : Séralini répond à ses détracteurs
-  Etude OGM : bras de fer entre Séralini et l’EFSA
-  OGM : 9 critiques et 9 réponses sur l’étude de Séralini
-  Gilles-Eric Séralini, un scientifique engagé
-  OGM : ils sont dangereux, conclut l’étude scientifique la plus complète jamais menée

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