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Pêche

Où acheter du poisson sans favoriser la surpêche

Vente directe de poissons dans le Gard, au Grau du Roi. Ce système permet de mieux rémunérer les pêcheurs, qui réduisent ainsi leur activité.

Poissons et crustacés pâtissent de la surpêche et de l’élevage industriel. Pour limiter les dégâts, une entreprise met à l’honneur les espèces oubliées et une association recense tous les points de vente directe sur une carte.

Saumons fumés, coquilles Saint-Jacques, huîtres de Cancale... Les produits de la mer vont être les stars des tables de fin d’année. Pour les écolos, c’est un véritable dilemme gustatif : selon l’association Bloom, les Français mangent en moyenne 24 kilos de poissons par an, soit trois fois plus que ce que la mer peut supporter. Par ailleurs, 31 % des stocks halieutiques sont surexploités dans le monde. Un chiffre qui grimpe à 82 % en Méditerranée. La situation n’est pas beaucoup plus rose en France : selon un récent rapport de l’Ifremer, 11 % des populations y sont surpêchées, et 10 % déjà classés comme « effondrées ». Alors, que faire si l’on souhaite tout de même en consommer ? Reporterre vous avait déjà expliqué quels produits choisir, on vous indique aujourd’hui où faire vos emplettes.

1 — Essayez Poiscaille, le circuit court du poisson

Lancé en 2015, Poiscaille achète en direct la pêche de 250 bateaux ainsi que la production d’élevages d’huîtres et de moules. Les clients s’abonnent à un casier (fréquence hebdomadaire, quinzomadaire ou mensuelle) et le récupèrent auprès de 1 600 points de vente en France. Deux jours avant la livraison, le client reçoit un mail pour choisir ses poissons, coquillages ou crustacés. Parfois, il aura du homard, parfois des poissons plus insolites, comme le maquereau espagnol, le rouget-barbet ou le tacaud. Des espèces fragiles, qui se conservent mal, boudées par une filière habituée à congeler ou garder au frais sa production. « Beaucoup de poissons sont consommés parfois trois semaines après leur capture. La plupart en pâtissent en termes de goût », explique Charles Guirriec, le fondateur de Poiscaille. En garantissant un délai de 72 heures maximum entre la pêche et l’assiette, le site livre du poisson frais comme un gardon. « Cela réconcilie les consommateurs avec certaines espèces. »

Cette vente en circuit court rémunère les pêcheurs 20 % de plus que le marché, selon l’entreprise. Quels sont les effets sur les populations de poissons ? Mieux rémunérés, les pêcheurs pêchent moins, estime Charles Guirriec : « Nous travaillons avec des scientifiques de l’Inra afin de savoir si ces meilleurs prix d’achat engendrent réellement une activité de pêche inférieure. Est-ce qu’il n’y a pas d’autres bateaux qui vont prendre ce que nos pêcheurs laissent ? »

Un pêcheur à la ligne en mer d’Iroise, en juin 2018. © Tien Trân/Reporterre

Poiscaille compte aujourd’hui 23 000 clients et a un chiffre d’affaires de sept millions d’euros. Il vient de réaliser une levée de fonds de huit millions d’euros pour continuer son développement. « Nous voulons être une solution à la surpêche et être plus rapides qu’une éventuelle législation », conclut Charles Guirriec.

Une autre entreprise propose une pêche plus responsable : Côté fish, créée en 2017. Giovanni Garini et Mathieu Chapel travaillent au Grau du Roi en Camargue avec une dizaine de pêcheurs qui naviguent dans de petits bateaux de moins de douze mètres. Leur pêche est livrée en direct aux consommateurs qui passent commande sur leur site internet. Ils veulent court-circuiter les intermédiaires afin de mieux rémunérer les pêcheurs et les inciter à pêcher en moins grande quantité.

2 — Une carte recense les points de vente directe

Si vous habitez à proximité des côtes, la carte de la pêche locale élaborée par l’association Pleine mer est faite pour vous. Calais, Le Havre, Vannes, La Rochelle, Montpellier, mais aussi Angers et Levallois-Perret… Elle répertorie plus de 630 points de vente de produits de la mer « en direct » de pêcheurs artisans. Une alternative prometteuse aux ravages de la pêche industrielle. « Un pêcheur qui fait de la vente directe pêche moins qu’un pêcheur qui n’en fait pas », dit Thibault Josse, chargé de mission au sein de Pleine mer. À la criée, le système de vente aux enchères auxquels ont recours la plupart des pêcheurs, « les prix sont très fluctuants et tirés vers le bas, ce qui pousse les pêcheurs à pêcher le plus possible pour être sûr d’avoir du fric à la fin. En vente directe, c’est l’inverse ». Parce qu’ils connaissent leurs clients et fixent eux-mêmes leurs prix, les pêcheurs qui vendent leurs poissons dès leur retour à terre peuvent se permettre de limiter leurs prises à leurs besoins réels. « Les consommateurs ont des exigences, ajoute Thibault Josse. Ils leur demandent quand ils ont pêché, comment... Les pêcheurs sont obligés de rentrer dans une logique de qualité. » Le temps passé à organiser les ventes réduit également celui passé en mer. « En moyenne, l’effort de pêche diminue de 30 %. » Au bénéfice des populations de poissons.

« Évitez le saumon, la morue et la crevette rose »

Vous habitez loin de la mer, mais ne souhaitez pas pour autant financer son saccage pour les fêtes ? Thibault Josse recommande d’éviter trois espèces : le saumon d’élevage, la morue et la crevette rose. Bourré d’antibiotiques et de colorants, le premier est un « massacre » écologique, explique-t-il. Les populations de morues sont quant à elles en très mauvais état dans toutes les mers du monde. « On peut les remplacer par du thon blanc ou du mulet fumé, qui sont très bons et pas plus chers. » Aux crevettes roses et suremballées, dont l’élevage dépend de la déforestation des mangroves, le spécialiste de la pêche conseille enfin de préférer les crevettes locales, bouquet ou grises. « C’est important de redécouvrir d’autres espèces. Les poissonniers artisans aiment la pêche locale, mais s’ils arrêtent la morue et le saumon, ils perdent 80 % de leur clientèle. Il faut essayer d’aller voir ailleurs. »

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