Panneaux solaires : ça y est, les Français les adoptent !

La demande croit mais la France reste un mauvais élève en Europe : elle installe trop peu de panneaux photovoltaïques. - Pexels / CC
La demande croit mais la France reste un mauvais élève en Europe : elle installe trop peu de panneaux photovoltaïques. - Pexels / CC
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Énergie AlternativesBoostée par la crise des prix de l’énergie, l’autoconsommation photovoltaïque progresse énormément en France : +77 % en un an. Mais le pays a du retard sur ses voisins européens.
Produire sa propre électricité depuis chez soi, grâce au soleil : l’idée séduit de plus en plus de Françaises et de Français. Au 30 juin, le pays comptait 325 939 autoconsommateurs individuels, soit une progression de 77 % en un an. Le nombre d’installations chez des particuliers a plus que doublé depuis mi-2022. « Un phénomène en très nette accélération », selon Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution. Une puissance de 1 629 mégawatts est désormais installée sur nos toits, soit une capacité de production d’environ un demi réacteur nucléaire, compte tenu des différences de rendements entre les deux techniques.
Flambée des prix de l’énergie, aggravation du dérèglement climatique... « Cette progression n’est pas une surprise, les installateurs croulent sous les demandes depuis plusieurs mois, relate Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, le syndicat du secteur. Avec la crise de l’énergie, les gens veulent avoir un bouclier solaire plus durable que le bouclier tarifaire : le photovoltaïque procure aujourd’hui une électricité verte et compétitive. »
Consommer l’électricité que l’on produit peut en effet permettre des baisses substantielles sur la facture d’électricité. Selon Richard Loyen, le kilowattheure autoconsommé revient à 15 centimes environ – moins que les tarifs actuels d’EDF. Les témoignages de propriétaires ravis affluent. Grâce à de petites installations développées par la coopérative citoyenne Solarcoop, certains foyers économisent jusqu’à 225 euros d’électricité par an, indique-t-elle.

« Ce qui coûte cher, c’est l’investissement de départ », précise Christophe Ménézo, directeur de la Fédération de recherche sur l’énergie solaire. Bien que le prix des panneaux ait été divisé par dix entre 2010 et 2020, il faut compter entre 6 000 et 10 000 euros pour couvrir sa toiture – malgré des primes incitatives.
Même une fois l’installation réalisée, très peu de foyers sont 100 % autonomes. Notamment parce que l’on consomme beaucoup le soir et le matin… au moment où l’énergie solaire est la plus faible. L’écrasante majorité des autoconsommateurs continuent donc d’être raccordée au réseau national. « En général, une installation de 3 kilowatts peut tout de même couvrir de 50 à 80 % des besoins d’un foyer », rassure Christophe Ménézo.
Entreprises et collectivités s’y mettent
Au-delà des particuliers, de plus en plus d’entreprises et de collectivités passent le cap, observe aussi Richard Loyen : « Avec le photovoltaïque, elles peuvent réduire drastiquement leur facture ». Les projets d’autoconsommation collective – où des immeubles, des lotissements, des quartiers mutualisent la production de l’énergie – se développent aussi. « Alors qu’en 2018, [on] recensait seulement six opérations d’autoconsommation collective, le rythme de son développement s’est progressivement accéléré, indique Enedis. La France compte désormais 195 opérations d’autoconsommation collective à fin avril 2023. »
« La dynamique n’est pas prête de s’arrêter », s’enthousiasme l’opérateur. Selon les projections de RTE, le gestionnaire du Réseau de transport d’électricité, quatre millions de logements pourraient participer au mouvement d’ici 2030.
Mais pas de quoi rattraper notre retard en matière solaire. Avec 18 gigawatts installés en énergie photovoltaïque, la France est l’un des pays les plus retardataires de l’Union européenne. L’Allemagne, pourtant moins ensoleillée, a une capacité cinq fois supérieure.

D’abord, parce que les installations en autoconsommation sont de petite puissance. « Même si l’autoconsommation représente près de 35 % du parc raccordé, elle ne correspond cependant qu’à 3 % de sa puissance », constate ainsi l’Observatoire français de la transition écologique. Pour réaliser nos objectifs – entre 92 et 144 GW de puissance solaire installée en 2050 – couvrir les toits ne suffira donc pas. « On va avoir besoin de toutes les sources possibles », abonde Richard Loyen. Bâtiments, parkings, mais aussi panneaux au sol, notamment sur les friches.
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Reste qu’on pourrait mettre les bouchées doubles côté toiture. Quelque 600 000 bâtiments seraient aujourd’hui équipés de panneaux : il y a encore de la marge, la France comptant près de vingt millions d’édifices ! « Il y a encore des freins à lever pour promouvoir l’autoconsommation, dit Richard Loyen. Il faut notamment former les professionnels, les jeunes et ceux en reconversion, car on manque de bras ! » Autre obstacle selon lui : les aides de l’État, qui pourraient être « renforcées, à destination des plus modestes et des bailleurs sociaux ».
Dernière difficulté, et non des moindres : les restrictions des architectes des bâtiments de France. « À partir du moment où vous vivez près d’un périmètre de protection des monuments historiques, l’installation de panneaux peut être interdite ou très compliquée et coûteuse », dit Richard Loyen, estimant que près de la moitié de la population française serait ainsi concernée par ces limitations.
L’Europe pourrait venir donner un coup de fouet à la France. Une directive, actuellement en négociation, prévoit de rendre obligatoire l’installation de panneaux sur toutes les nouvelles constructions de plus d’une centaine de mètres carrés. « Le potentiel est énorme, il faut accélérer », résume Richard Loyen.