Pour l’ASN, la prolongation de la durée de vie des réacteurs à 50 ans est possible sous conditions

« L’ASN [Autorité de sûreté nucléaire] considère que l’ensemble des dispositions prévues par EDF et celles qu’elle prescrit ouvrent la perspective d’une poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 mégawatts pour les dix ans suivant leur quatrième réexamen périodique », a annoncé le gendarme du nucléaire dans un communiqué diffusé le jeudi 3 décembre 2020. Autrement dit, moyennant quelques travaux, l’électricien pourra en principe faire tourner ses trente-deux réacteurs les plus anciens au-delà de quarante ans — la durée de fonctionnement prévue lors de leur conception.
Cette déclaration accompagne un projet de décision [1] dévoilé le même jour, qui liste sur une vingtaine de pages les essais et études complémentaires à réaliser par EDF pour obtenir le feu vert final. Ces derniers portent sur plusieurs points cruciaux pour la sûreté nucléaire : les risques associés aux agressions (intrusions, projectiles...), les accidents affectant le réacteur ou la piscine d’entreposage du combustible, les accidents avec fusion du cœur, etc.
Outre ce document très technique, l’ASN a produit un ensemble de fiches d’information détaillant ses prises de position par rapport aux améliorations prévues par EDF. Par exemple, un système d’appoint en eau et un système de refroidissement complémentaire des piscines d’entreposage de combustible — mais pas la bunkérisation réclamée par plusieurs associations et experts antinucléaires.
« L’ASN considère que les dispositions prévues par EDF, complétées par les réponses aux prescriptions formulées par l’ASN, permettront d’atteindre les objectifs du réexamen et de rapprocher le niveau de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts de celui des réacteurs les plus récents (troisième génération) », écrit le gendarme du nucléaire.
EDF pourra-t-il faire face à autant de chantiers de remise à niveau simultanés, à la fois techniques et très coûteux ?
Pour autant, pour EDF, l’autorisation de prolonger de dix ans le fonctionnement de ses réacteurs n’est pas acquise. L’ASN a ouvert ce jeudi 3 décembre une consultation du public sur son projet de décision, qui s’achèvera le 15 janvier prochain. Par ailleurs, cette décision ne concerne que le pan « générique » du réexamen décennal — générique car comme les trente-deux réacteurs de 900 mégawatts ont été construits sur le même modèle, certaines préconisations les concernent tous.
En parallèle, jusqu’à 2030, chacun d’entre eux fera l’objet d’examens individuels approfondis destiné à vérifier leur aptitude au service. Le réacteur 1 de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme) a été le premier à passer sa visite décennale en 2019, et la poursuite de son fonctionnement est encore suspendue à l’examen d’un imposant dossier le concernant ainsi qu’à une enquête publique.
Reste à savoir si EDF pourra faire face à autant de chantiers de remise à niveau simultanés, à la fois techniques et très coûteux. « Nous serons très vigilants sur la capacité industrielle à faire d’EDF et des intervenants de la filière nucléaire, a indiqué au quotidien Le Monde le président de l’ASN Bernard Doroszczuk, qui souligne que le calendrier est particulièrement serré. Dès 2021, « quatre ou cinq réacteurs sont concernés chaque année par les réexamens. C’est considérable. Il y a une véritable vigilance à avoir sur la programmation des travaux et sur la capacité industrielle de la filière à se mobiliser, avec le niveau de qualité attendu, sur des travaux qui concernent le parc en exploitation. »
Source : Reporterre et communiqué de l’ASN.
Photo : La centrale nucléaire du Tricastin (les deux tours de refroidissement font partie de l’usine Georges-Besse fermée en 2012 et en cours de démantèlement). Par Marianne Casamance — Travail personnel, CC BY-SA 4.0