L’université des mouvements sociaux prépare la rentrée des luttes

L'Université d'été des mouvements sociaux et des solidarités dure cinq jours, à Bobigny (93). - © Scandola Graziani / Reporterre
L'Université d'été des mouvements sociaux et des solidarités dure cinq jours, à Bobigny (93). - © Scandola Graziani / Reporterre
L’université des mouvements sociaux et de la solidarité se tient jusqu’au 27 août, à l’Université Paris 8 (Bobigny). Le but : s’organiser collectivement face à une répression grandissante.
Bobigny (Seine-Saint-Denis), reportage
Mobilisations contre la réforme des retraites, révoltes urbaines à la suite de la mort du jeune Nahel, lutte contre les mégabassines à Sainte-Soline… Après une année marquée par d’intenses mouvements sociaux, le monde du militantisme se rassemble pendant cinq jours du 23 au 27 août à la fac de Paris 8 (Bobigny) à l’occasion de l’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités (UEMSS).
L’enjeu de cette édition 2023 ? Faire un bilan collectif des récentes mobilisations pour mieux repenser « l’après ». « Même si on n’a pas gagné, beaucoup de personnes ont été politisées par la séquence des retraites, dit Alice Picard, porte-parole d’Attac. Dans les cortèges, souvent festifs et joyeux, les gens ont trouvé de nouvelles formes de sociabilité et de solidarité. L’Université d’été permet de s’interroger sur ce qu’on va faire de tout ça face à un gouvernement qui n’entend rien et qui réprime à tour de bras », poursuit celle qui co-anime le comité de pilotage de l’évènement avec le Crid, un collectif d’organisations de solidarité internationale et de mobilisation citoyenne. « C’est aussi un moment où on sort de notre zone de confort pour se frotter à des sujets auxquels on est moins habitués et qui nourrissent notre militantisme », complète Céline Méresse, présidente du Crid.

Plus de 400 organisations participent à l’événement, et entre 1 500 et 2 000 personnes sont attendues sur les cinq jours. « On espère faire plus qu’à Nantes en 2021, où 1 800 personnes étaient venues malgré les contraintes sanitaires », assure Alice Picard d’Attac. Au programme : des débats, ateliers, conférences, plénières et projections. « Lutter contre la criminalisation des sans-logis », « Quelle alimentation pour quelle société ? », « Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat », « Liberté associatives : comment se défendre »... Autant de matière à penser pour un public militant que la chaleur suffocante des salles de cours de Paris 8 ne parvient pas à décourager.
« On est venues pour participer à la réflexion collective sur comment organiser la suite après les mobilisations contre la réforme des retraites, en rencontrant les organisations qui se sont greffées au mouvement », déclarent Jeanick et Angeline, respectivement 70 et 73 ans. Originaires du Gard, les deux amies ont participé à chaque journée de mobilisation contre la réforme des retraites : « On a fait les quatorze ! » Leurs cinquante ans d’amitié se sont construits autour des luttes et des mobilisations. « On s’est tellement battues pour le droit à l’IVG », se souviennent-elles, mélancoliques. Car aujourd’hui, les choses ont changé : « Le gouvernement fait peur aux gens avec la répression policière, ça ne donne pas envie de descendre dans la rue, surtout quand on est une personne âgée… Il faut qu’on s’organise pour surmonter ça, et relancer la machine dès septembre. »

« Les mouvements sociaux sont de plus en plus réprimés et criminalisés »
Les jeunes militants partagent aussi cette inquiétude, comme Inès, 20 ans, étudiante à Paris 8 : « Les mouvements sociaux sont de plus en plus réprimés et criminalisés. On l’a vu avec la menace de dissolution des Soulèvements de la Terre, les violences urbaines qualifiées d’“émeutes” et la répression policière de manière générale. » Elle ajoute à cela la violence du 49.3, « qui rend le dialogue impossible et le combat perdu d’avance. C’est démotivant ».
Le climat répressif inquiète aussi les organisations syndicales, qui profitent de cette université d’été pour réaffirmer leur solidarité avec les associations concernées, notamment Les Soulèvements de la Terre. « On sait qu’on est aussi sur la liste, alors on essaye d’être présent au maximum pour aider les camarades, notamment en participant aux procédures judiciaires », déclare Cybèle David, secrétaire nationale chez Solidaires. Elle souligne que la répression touche aussi les plus précaires comme les sans-papiers, qui « n’ont même pas le droit d’être là où ils sont ».

Chez Solidaires, l’Université est perçue comme un moyen d’articuler les luttes sur les questions de précarité, de féminisme, d’international, d’accès à l’eau, de racisme, de violences policières… « C’est pour ça qu’on trouve ça bien que l’événement ait lieu dans le 93, parce que c’est un département symbolique sur ces différentes problématiques », souligne Cybèle David. « Une Université réussie, c’est quand on créé des alliances et de la complicité entre nous », conclut Alice Picard.