Médine acclamé par les écolos lors des Journées d’été

Médine lors de la première journée des Universités d’été d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) au Havre. - © Jérémy Paoloni / Reporterre
Médine lors de la première journée des Universités d’été d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) au Havre. - © Jérémy Paoloni / Reporterre
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PolitiqueMalgré les polémiques, l’échange entre Médine et la patronne d’EELV Marine Tondelier lors des Journées d’été des Verts s’est déroulé dans la bonne humeur.
Le Havre (Normandie), reportage
« Je suis fier de vous accueillir dans ma ville du Havre », s’est exclamé Médine avec force sous les applaudissements de l’assemblée. Assis sur un sofa turquoise aux côtés d’une Marine Tondelier souriante, le rappeur s’est adressé à l’assemblée d’adhérents et de militants du parti des écologistes, venus nombreuses et nombreux pour assister à cet échange « canapé » qui a duré une heure. Les regards et les caméras étaient rivés sur l’artiste lors de cette première journée de l’université d’été d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) au Havre. La tension de la salle s’est dissipée dès les premiers mots accueillants du rappeur. Droit au but, il a affirmé « ne pas faire l’impasse sur les trois semaines qui ont remué l’actualité », évoqué de lui-même le tweet qui a mis le feu aux poudres (un jeu de mots jugé antisémite) et s’est excusé d’une « maladresse » pour laquelle il a réitéré excuses et regrets.
Très attendu, l’échange entre Marine Tondelier, cheffe de file des écologistes, et le rappeur Médine s’est déroulé dans la bonne humeur. Les adhérents, enthousiasmés par la discussion, restent néanmoins amers à cause des dissensions internes au parti provoquées par l’invitation. « Marine Tondelier a passé une grande partie de l’échange à insister sur des faits passés pour réclamer des excuses. On a eu peu de temps pour évoquer les quartiers populaires et la convergence des luttes », a soupiré Ben, 23 ans, à la sortie.
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Le ton du rappeur s’est durci lorsqu’il a évoqué l’ampleur prise par la controverse. « Le simple fait qu’un dialogue puisse avoir lieu entre vous et moi sur ce canapé a créé une levée de boucliers de l’extrême droite et d’autres opposants », a-t-il résumé à l’assemblée, qui l’a encouragé sous les applaudissements.
Ce à quoi Marine Tondelier a répondu en rappelant pourquoi l’artiste, connu pour son engagement à gauche, a été invité à discuter : « La force de la culture contre la culture de la force. » « C’est important pour moi de dialoguer avec les sensibilités de gauche mais je ne dialogue pas avec l’extrême droite », a-t-il précisé. Via ses textes de rap, Médine se positionne comme un artiste engagé dont l’art provoque pour amener le débat. « Il n’y a pas de révolutions sans bandes-son. Les mouvements sociaux sont toujours accompagnés d’artistes, a-t-il glissé à la salle. J’ai fait de ma musique un vecteur de déconstruction des clichés. Aussi bien sur l’antisémitisme, que sur le racisme antimusulmans. »

Dans le public, des drapeaux verts flottaient au rythme de l’échange. « Il faut libérer la parole, qu’elle vienne des artistes, des banlieues, des personnes issues de l’immigration », assurait le rappeur. « Mon cheminement militant m’a appris que les mécanismes de discrimination qui s’exercent sur les racisés et dans les quartiers populaires sont les mêmes qui s’exercent sur les populations LGBTQIA+ et sur les mouvements sociaux », a-t-il ajouté, en évoquant ses couplets demandant des droits politiques et sociaux pour les étrangers en France ou son morceau consacré aux violences faites aux femmes dans le monde.
Tout au long du débat, Marine Tondelier est revenue sur d’anciennes polémiques. Avec une amabilité affichée, la cheffe de file des écologistes justifiait ses questions : « Certains voudraient comprendre » ou « C’est important que l’assemblée le sache ». Elle faisait notamment référence au fait d’avoir, il y a dix ans, réalisé une « quenelle », un geste antisémite créé par l’humoriste raciste Dieudonné. Loin de se décontenancer, Médine est revenu sur « des erreurs » : « Je n’ai aucun problème à reconnaître que j’ai pu surréagir à un moment où ma parole m’a dépassé, c’est même salvateur de l’admettre. »
Un clin d’œil du rappeur a provoqué une standing ovation finale : « Pourquoi m’avez vous invité ? Puisque le maire [Édouard Philippe (droite)] n’est pas venu, j’assure l’intérim », a rigolé le Havrais, provocateur.
« Quand on l’entend, la polémique s’annule d’elle-même »
L’échange achevé, adhérents et militants de tous âges se sont bousculés pour discuter autour des tables et des foodtrucks. Une écharpe verte nouée fièrement autour du cou, Monique et Michel, cheveux argentés, se dégagaient de l’assemblée. Le couple normand est adhérent du parti écologiste depuis plus de trente ans. D’abord inquiets en apprenant la teneur de la polémique sur le rappeur Médine, ils se sont laissés surprendre par l’échange. « C’était très intéressant », s’est illuminée Monique, qui s’enthousiasmait de la découverte musicale, elle qui n’a jamais écouté l’artiste. « Il a bien expliqué son parcours, son cheminement personnel. Quand on entend ça, la polémique s’annule d’elle-même », a confirmé Michel.
Benjamin est bien de cet avis. Le jeune homme de 23 ans tenait encore un drapeau vert à la main quand Reporterre l’a interrogé. Il n’a cessé de l’agiter pendant l’échange. D’abord réjoui par l’invitation de Médine, il s’était vite assombri devant les prises de position médiatiques et les réactions internes au parti. Il est ressorti du débat apaisé, mais insatisfait. « Entre jeunes, on était consensuellement heureux de la venue de Médine. On a trouvé ça dommage qu’une partie d’EELV se soit pliée aux critiques de l’extrême droite au lieu de contre-attaquer », raconte ce membre du mouvement des Jeunes écologistes.
Fractures internes au parti
Dans l’assemblée, plusieurs ont critiqué la réaction du parti. Océane et Léa sont toutes deux attachées parlementaires pour des élus Verts. Elles ont été surprises par l’ampleur de la polémique et la violence des propos tenus sur les réseaux sociaux. « On n’a pas été très bons dans la communication de crise », a grimacé Océane en évoquant les interviews maladroites et les positionnements qui ont fracturé les écologistes : la députée Karima Delli a refusé d’assister au débat, tandis que les maires de Strasbourg et Bordeaux ont annulé leur venue. « Avec le boycott, on délimite Médine uniquement sur une phrase ou un propos, alors que c’est un artiste qui n’a cessé de revenir sur son parcours et d’accepter ses erreurs. Avec ce genre d’attitude, on ne va jamais rassembler et ouvrir le parti », s’agace Léa en rajustant une mèche blonde.
Elle n’est pas la seule à s’inquiéter de ces fractures internes, qui nuisent à la sortie de l’entre-soi attendue par les militantes et militants. Venu assister au débat avec un petit groupe d’amis, Ken se revendique « chômeur et précaire, fidèle du parti depuis trois ans ». L’invitation de Médine était pour lui une nécessité : « Polémiquer sur sa venue, c’est surtout diaboliser les quartiers populaires, dont on aime tant parler sans jamais leur donner la parole », dit le jeune homme d’une trentaine d’années. Il insiste : « On a un taux d’abstention fortement lié aux quartiers populaires. Médine cristallise et représente ça. Lui refuser l’entrée, c’était tout perdre pour nous. »