Salon du Bourget : « L’avion vert n’existe pas »

Emmanuel Macron au-dessus d'une maquette d'avion à propulsion hybride, au salon du Bourget, le 19 juin 2023. - © Michel Euler / POOL / AFP
Emmanuel Macron au-dessus d'une maquette d'avion à propulsion hybride, au salon du Bourget, le 19 juin 2023. - © Michel Euler / POOL / AFP
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TransportsAu salon du Bourget, l’industrie aéronautique le jure, la technologie va bientôt verdir l’aviation. Des promesses trompeuses, selon le réseau Rester sur Terre, pour qui c’est dès aujourd’hui qu’il faut moins voler.
C’est écrit noir sur blanc sur son site internet : pour sa 54ᵉ édition, le Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE) entend montrer comment le « transport aérien [est] aujourd’hui pleinement mobilisé face au défi de la décarbonation ».
Organisé au Bourget (Seine-Saint-Denis) du 19 au 25 juin, cet événement est l’occasion pour le secteur de vanter les mérites des innovations technologiques, celles-ci étant présentées comme la solution magique pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Développement d’avions électriques ou à hydrogène, recours aux agro-carburants… L’industrie aéronautique l’assure : notre salut face à l’urgence climatique résiderait dans les avions dits « verts ».
50 millions pour des « petits avions »
Des éléments de langage repris allègrement par Emmanuel Macron qui, le 16 juin, a annoncé des aides financières conséquentes à destination de ce secteur responsable de 3 à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Sur la période 2024-2030, 300 millions d’euros par an vont ainsi être alloués à la conception d’avions plus légers et de nouveaux moteurs, tandis que 50 millions d’euros vont être investis pour la construction de « petits avions hybrides, électriques ou à hydrogène ».
En outre, le président de la République a indiqué qu’une enveloppe de 200 millions d’euros allait bénéficier au développement des agrocarburants, avec notamment l’installation d’une usine de « carburants durables » à Lacq (Pyrénées-Atlantiques).
« Pour respecter l’Accord de Paris, c’est dès aujourd’hui qu’il faut réduire nos émissions »
Pourtant, comme l’a raconté Reporterre à de nombreuses reprises, une aviation écologiquement responsable relève du fantasme. « L’avion vert, ça n’existe pas. Tout cela n’est que du greenwashing », abonde Charlène Fleury, coordinatrice du réseau citoyen Rester sur Terre/Stay Grounded France.
Pour la spécialiste du secteur aéronautique, les annonces du président de la République sont « extrêmement problématiques », et ce à plus d’un titre : « Premièrement, ces technologies ne sont pas matures ni suffisamment efficaces pour décarboner le trafic aérien dès maintenant. Or, les scientifiques nous avertissent depuis longtemps : pour respecter l’Accord de Paris, c’est dès aujourd’hui qu’il faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre ».
Autre pierre d’achoppement, selon elle : les effets néfastes des agrocarburants sur le climat et la biodiversité. En décembre 2022, un rapport de la Cour des comptes estimait en effet que ces carburants dits durables présentaient un « bilan environnemental négatif et un bilan climatique décevant ».

Alors qu’Airbus a affirmé que le nombre d’avions devrait doubler d’ici à 2042, Charlène Fleury note que « le secteur reste sur sa lancée de croissance du trafic aérien, ce qui montre qu’il a décidé de ne pas faire sa part dans la réduction des émissions ».
Et d’ajouter : « Cela pose un problème démocratique mais aussi de justice sociale. À quel moment a-t-on décidé collectivement d’accorder davantage de temps et d’argent public à l’industrie aéronautique pour se décarboner, alors que l’avion ne profite qu’à une petite minorité ? »
En France, seulement 36 % de la population voyage dans les airs chaque année, tandis que, à l’échelle mondiale, seulement 1 % de la population est responsable de 50 % des émissions liées au secteur de l’aviation.
« Il faut avant tout réguler et diminuer le trafic aérien »
Pour la coordinatrice de Rester sur Terre, Emmanuel Macron serait donc bien avisé de lire le rapport sur le transport aérien publié en septembre 2022 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Cette étude propose trois voies pour « accélérer la transition écologique du secteur ». L’un des scénarios proposés par l’Ademe étant la « modération du trafic ». « Il s’agit évidemment du scénario le plus sûr, le plus efficace et le plus rapide. Il faut avant tout réguler et diminuer le trafic aérien, et pour cela, il existe de nombreux moyens : plafonner le nombre de vols, taxer le kérosène, instaurer une écocontribution plus forte sur les billets d’avions, etc. », énumère Charlène Fleury. En bref, résume-t-elle, « les solutions pour décarboner le secteur aérien ne sont pas technologiques, mais politiques ».