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Pesticides

Sortie du glyphosate : les députés de la majorité enterrent la promesse de M. Macron

Promesse du président Emmanuel Macron en novembre dernier, l’interdiction du glyphosate « au plus tard dans trois ans » tarde à être suivie d’effet. A l’Assemblée nationale, dans la nuit du 28 au 29 mai, le gouvernement a pesé pour que l’interdiction de l’herbicide ne soit pas inscrite dans la loi.

  • Actualisation - Mardi 29 mai 2018 - Dans la nuit de lundi 28 à mardi, lors des discussions à l’Assemblée nationale sur le projet de loi Agriculture et Alimentation, l’ensemble des amendements visant à inscrire dans la loi l’interdiction du glyphosate d’ici trois ans ont été rejetés. Même l’amendement porté par le député LREM Matthieu Orphelin, et co-signé par une cinquantaine de députés de la majorité, a été retoqué. "Il n’y a pas besoin d’inscrire cela dans la loi, le gouvernement peut prendre la décision quand il le souhaite en suspendant l’Autorisation de mise sur le marché, a justifié auprès de Reporterre le rapporteur du texte Jean-Baptiste Moreau. J’ai confiance en la parole du Président, il reste engagé sur les trois ans, le gouvernement veut le faire en convaincant les partenaires européens et en trouvant des solutions aux impasses techniques."

  • Article original publié le 15 mai 2018 :

La France sortira du glyphosate « au plus tard dans 3 ans », avait annoncé Emmanuel Macron dans un tweet, le 27 novembre dernier. Cinq mois plus tard, le gouvernement assure que la promesse est maintenue, mais les défenseurs de l’environnement doutent : ils ne voient pas la couleur d’une interdiction dans les récentes mesures annoncées par l’exécutif. Alors, où en est-on ? Reporterre fait le point en quatre actes sur l’avenir de cet herbicide symbole de la lutte contre les pesticides.

Acte 1 : La promesse du président

27 novembre 2017, après deux ans d’atermoiements et de réunions européennes la décision tombe : une majorité d’États de l’Union européenne ont voté en faveur d’une prolongation de l’autorisation de l’herbicide pour cinq ans. L’Allemagne a fait basculer la décision, passant de l’abstention à un vote favorable. La France, elle, a voté contre, refusant toute nouvelle autorisation supérieure à trois ans.

Dans la soirée, Emmanuel Macron confirme cette position et annonce dans un tweet : « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. » Le président de la République place ainsi la France en leader de l’Union sur le sujet des pesticides et donne un gage fort aux défenseurs de l’environnement. Le principal syndicat agricole, la FNSEA, dénonce de son côté une « posture politique ». L’exécutif va-t-il tenir parole ?

Acte 2 : Nicolas Hulot évoque « des exceptions »

Le diable se cache dans les détails : M. Macron a écrit « sortie », pas « interdiction ». La fin du glyphosate en France pourrait ne pas être si proche… Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, mène la charge contre la promesse. Fin janvier, sur BFMTV, il y met quelques bémols. « La France a dit qu’il fallait que nous puissions essayer de faire tout ce qui était possible pour essayer de sortir de cette question du glyphosate dans les trois ans », tricote-t-il comme réponse à la question sur le glyphosate. On a vu plus vindicatif... « Tant qu’il n’y a pas de substitution, il n’y a pas de suppression », ajoute-t-il.

Fin février, Nicolas Hulot, qui s’est battu pour les trois ans au sein du gouvernement, lâche du lest dans une interview au JDD : « Je ne suis pas buté et personne ne doit être enfermé dans une impasse : si dans un secteur particulier ou une zone géographique, certains agriculteurs ne sont pas prêts en trois ans, on envisagera des exceptions. » Des exceptions qui devraient être mineures, cependant, puisque le ministre évoque la possibilité de voir disparaître 95 % des usages.

Les écolos dressent l’oreille : n’est-ce pas une façon de préparer les esprits à un recul sur la question ?

Pulvérisation de glyphosate dans le Yorkshire du Nord (Angleterre), en décembre 2014.

Acte 3 : les actes tardent

Le printemps voit fleurir les occasions de mettre en œuvre l’annonce présidentielle. Le projet de loi issu des états généraux de l’alimentation (Egalim) arrive entre les mains des parlementaires. Mais, en commission des Affaires économiques, aucun des amendements proposant l’interdiction du glyphosate ne passe. Même celui du rapporteur, le député LREM Jean-Baptiste Moreau, qui proposait une interdiction moyennant quelques exceptions, a été retiré. « Il a eu un avis défavorable du ministre Stéphane Travert, raconte François Veillerette, de l’association Générations futures. L’argument était que ce serait dans le plan pesticides du gouvernement… »

Justement, ce « plan d’action sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides » est présenté fin avril. Que comporte-t-il au chapitre glyphosate ? « Rien ! » s’exaspère François Veillerette. Précisément, le plan annonce une nouvelle étude sur les liens entre glyphosate et cancer, qui devrait être rendue en 2020. « On a déjà des centaines d’études universitaires, il faudrait surtout les prendre en compte, demande encore le président de l’association environnementale. Tout cela signifie que, pour le gouvernement, il est urgent d’attendre. »

Acte 4 : « Objectif maintenu. » Vraiment ?

La promesse a-t-elle flétri, telle une mauvaise herbe glyphosatée ? Non, assure Nicolas Hulot au micro de RTL, le 27 avril. « La décision du gouvernement d’interdire le glyphosate dans trois ans n’a pas changé, assure-t-il. On a assorti ces trois ans de dispositifs pour regarder toutes les alternatives et favoriser l’émergence du biocontrôle », ajoute-t-il. « L’objectif est maintenu et n’a jamais été remis en cause », précise quelques jours plus tard un conseiller du ministre à Reporterre. « Cela figurera peut-être dans la loi en discussion à l’Assemblée », évoque le ministre. Le prochain rendez-vous est donc fixé à l’Assemblée nationale, le 22 mai prochain, pour les discussions de la loi Alimentation en séance plénière.

Les défenseurs de l’environnement restent prudents. « Si c’est si clair, pourquoi n’est ce pas réaffirmé dans le plan [pesticides] ? » s’interroge Carmen Etcheverry, qui suit le dossier pour l’association France nature environnement. « En première lecture, on peut supposer que les arbitrages interministériels sont toujours en cours. » Elle promet, tout comme le fait Générations futures, d’être très vigilante aux débats parlementaires.

Plusieurs députés suivent également le dossier de près, notamment dans la majorité. « Si le rapporteur Jean-Baptiste Moreau ne dépose pas d’amendement, je le ferai », assure parmi eux la députée LREM Sandrine Le Feur. « Il faut apporter le débat dans l’hémicycle, poursuit celle qui est aussi agricultrice bio dans le Finistère. Je sais qu’il y a des solutions. Quand on s’est installé, on avait 10 hectares de pâtures pleines de chiendent, tout le monde nous disait d’utiliser du glyphosate. Mais on a refusé, on voulait être en bio tout de suite. Et on y est arrivé ! »

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