Vous êtes propriétaire d’une forêt ? Protégez-la

En Corrèze, des citoyens s'opposent à la coupe rase d'une hêtraie (photo d'illustration). - Baptiste Monsion / CC BY-NC-SA 2.0 / Flickr
En Corrèze, des citoyens s'opposent à la coupe rase d'une hêtraie (photo d'illustration). - Baptiste Monsion / CC BY-NC-SA 2.0 / Flickr
Une belle forêt du Limousin fait l’objet d’un conflit entre sa propriétaire, qui veut la raser, et des citoyens. Chloé Herzhaft, secrétaire régionale Europe Écologie-Les Verts, lui écrit pour l’inviter au dialogue.
Dans la région de Tarnac, en Corrèze, des citoyens s’opposent à la coupe rase d’une forêt de feuillus. Sa propriétaire aurait décidé de la raser pour replanter des résineux, dont les cours augmentent et dont la replantation est subventionnée par le gouvernement [1], dans le cadre de sa politique bois-énergie.
Le chantier a commencé mi-novembre 2022, s’est arrêté devant l’ampleur des mobilisations, puis a repris le 13 février sous escorte de la gendarmerie, avant d’être à nouveau stoppé par la présence de citoyens. Venue en soutien de cette lutte, Chloé Herzhaft, secrétaire régionale Europe Écologie-Les Verts Limousin et formatrice en intelligence territoriale (développement durable des territoires), a envoyé la lettre suivante à la propriétaire, restée jusque-là injoignable.
Madame,
Je vous écris suite à une manifestation organisée par les habitant(e)s de Tarnac et de ses environs pour demander, publiquement, devant les médias, qu’une coupe rase d’une forêt de feuillus soit suspendue. Nous étions présent(e)s, en soutien avec ces habitants, en soutien avec cette forêt connue pour sa beauté.
Nous n’étions pas à ce rassemblement par envie de manifester, de même que nous ne sommes pas venu(e)s jusqu’à cette forêt pour vous incriminer, en tant que propriétaire. Nous sommes venus parce que nous sommes sincèrement inquiets de la disparition majeure et massive de nos dernières forêts à réelle naturalité, partout dans nos territoires, en France et ailleurs.
Alors, bien sûr, disons-le tout de suite, nous ne remettons absolument pas en question la notion de droit de propriété. Personne ne souhaite fragiliser ce droit fondamental, qui a été intégré dès les origines dans l’article 2 des Droits de l’Homme et du citoyen. D’ailleurs, la devise française des origines s’est d’abord cherchée autour des mots liberté, égalité, propriété. La fraternité n’est arrivée que cinquante ans plus tard.
« Lions la volonté individuelle et la responsabilité universelle »
Aujourd’hui, le droit de propriété peut, en ce qui concerne le vivant, être un marqueur de notre prise de responsabilité. En effet, peut-on en tant que propriétaire, sans s’y sentir obligé ou contraint, prendre la décision de protéger le vivant au nom du bien commun ? Cela peut sembler contradictoire, mais en réalité c’est tout l’enjeu de notre époque en pleine mutation. Lier la responsabilité universelle et la volonté individuelle. En effet, la question du vivant, et plus largement de l’écologie, ne peut être résolue que sur la base de la volonté, de l’envie. Nous ne parviendrons pas à garantir à nos enfants un avenir serein sans avoir envie d’agir dans ce sens. À échelle personnelle et collectivement.
Nous parlons d’enfants mais, en réalité, nous y sommes aujourd’hui, déjà. Il suffit d’observer nos cours d’eau asséchés, les tempêtes qui se multiplient et forcissent, nos forêts qui se fragilisent et meurent, notre biodiversité qui s’effondre. Nous savons que cette forêt vous appartient. Que le choix de la remplacer par un champ d’arbres — de résineux probablement — vous revient. Mais nous souffrons, pour le dire le plus humblement possible, de voir disparaître ces espaces de vie indispensables pour notre résilience collective. Partout. En même temps.
Les habitant(e)s de Tarnac, des environs, et même de plus loin un peu partout en Limousin, ont souffert, déjà, de la multiplication des coupes rases de forêts de feuillus. Nous avons un rêve, parmi d’autres bien sûr, ce serait que Tarnac, qui a douloureusement marqué l’histoire récente, devienne en 2023 un exemple de ce que nous pouvons faire ensemble. Les habitant(e)s, les groupements forestiers, les bûcherons, le Parc naturel régional de Millevaches… Il n’appartient qu’à vous d’ouvrir la porte. Pour entamer une aventure humaine fraternelle et incarner un changement de cap historique.