« Total jamais » : des activistes refusent un projet du pétrolier dans le Lot

Plus de 300 personnes ont manifesté dans le Lot contre le projet solaire de TotalÉnergies, le 13 août 2023. - © Emma Conquet / Reporterre
Plus de 300 personnes ont manifesté dans le Lot contre le projet solaire de TotalÉnergies, le 13 août 2023. - © Emma Conquet / Reporterre
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Luttes ÉnergiePlus de 300 personnes ont manifesté le 13 août dans le Lot, sur les causses du Quercy, contre un projet agrivoltaïque de 19 hectares, porté par le géant pétrolier.
Causses du Quercy (Lot), reportage
L’ombre entre les falaises offre une halte fraîche aux marcheurs matinaux, ce dimanche 13 août, sur la route troglodyte de la vallée du Lot. Gourdes, chapeaux, vaporisateurs et crèmes solaires dépassent des sacs à dos de plus de 300 manifestants, prêts à braver le soleil pour s’opposer au solaire.
Emmenés par l’Association environnementale Lot Célé (AELC), ils défilent contre l’implantation par TotalÉnergies de 44 000 ombrières photovoltaïques sur la commune de Tour-de-Faure, au pied du village médiéval de Saint-Cirq-Lapopie et en plein cœur d’un parc naturel régional des causses du Quercy, classé géoparc de l’Unesco. Pour produire de l’énergie « verte », le géant pétrolier compte défricher 19 hectares de bois et pelouses sèches, soit l’équivalent de 26 terrains de foot couverts de 7 000 arbres.
« Total jamais, causse toujours », flotte au-dessus des têtes, lors de cette déambulation de 18 kilomètres, le long de la dorsale de raccordement électrique prévue entre le site et la commune de Cajarc. Une marche qui dépasse les frontières. Chapeau jaune sur la tête, Iona, 24 ans, vient tout droit d’Australie. Habituée à s’opposer aux extractions minières en Tasmanie, la militante en voyage dans le Lot a tenu à participer à la lutte : « Les multinationales veulent détruire la nature et je m’y oppose, quel que soit le lieu dans le monde. »

Des espèces menacées
L’œdicnème criard et la coronelle girondine font aussi partie du cortège. Dessinés sur des pancartes, ces animaux représentent les espèces protégées menacées par le parc solaire. « On veut un territoire à énergie positive, pas à biodiversité négative », dénonce Catherine Marlas, présidente du Parc naturel régional. Ce dernier, ainsi que le département du Lot et de nombreux maires locaux ont émis un avis défavorable au projet, jugé dangereux pour l’écosystème local.
Contactée par courriel, Élodie Billerey, responsable communication de TotalÉnergies, assure qu’une compensation est prévue : « Dans la conception du projet, nous appliquons la séquence Éviter, Réduire et Compenser. Celle-ci permet d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire celles qui sont inéluctables et de compenser les conséquences notables qui n’ont pu être évitées ou réduites. »

Un argument qui ne passe pas auprès des opposants. « Les arbres sont nécessaires pour la biodiversité et le remplissage des nappes phréatiques, rétorquent Lydia et Claude Bourguignon, sous un chapiteau planté dans le bourg du village d’arrivée. Cela fait quarante ans qu’on se bat pour protéger la planète, alors quand on voit Total balayer d’un coup de pied les scientifiques pour raser des bois, on trouve ça aberrant. » Le couple d’agronomes spécialistes du microbiote du sol est venu apporter son soutien lors d’une journée ponctuée de conférences, projections et concerts.
« Sur les toits, pas dans les bois »
Pour Chantale Menet, de l’AELC, l’altération des paysages « va mettre en péril l’équilibre du territoire », dont l’économie repose sur le tourisme, mais aussi sur l’agriculture. D’autres industriels convoitent déjà les terres voisines.
Selon elle, certains habitants ont déjà reçu des propositions par courrier et gèlent la location de leurs parcelles. « Ça exerce une grosse pression foncière », constate Pierre Dufour, membre de la Confédération paysanne du Lot. Car la multinationale de l’énergie prévoit d’indemniser les propriétaires des terres à hauteur de 2 000 euros par hectare et par an. Or, dans ce territoire minéral, le prix du fermage ne dépasse pas 50 euros. « Total s’avère 40 fois plus rentable », reprend le Lotois, dont on peut lire sur le tee-shirt : « Les panneaux sur les toits, pas dans les bois. »
Comme d’autres militants locaux, favorables aux énergies renouvelables, ce paysan est souscripteur de Céléwatt, une coopérative lotoise d’agrivoltaïsme à petite échelle. Mais il n’accepte pas que « des colonisateurs viennent massacrer les sols des causses et d’ailleurs ». Les tronçonneuses ne doivent démarrer qu’après le recours porté par l’AELC, soit fin novembre. En attendant, l’association reste déterminée et se prépare « à bloquer les machines ».