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TotalÉnergies, allié de Poutine, ne peut être sponsor de la Coupe du monde de rugby

Le stade de rugby de Lyon.

Dans cette lettre ouverte adressée au directeur général de la Coupe du monde de rugby 2023, Jean-François Julliard de Greenpeace France lui demande de rompre son partenariat avec TotalÉnergies.

Jean-François Julliard est directeur général de Greenpeace France.

Jean-François Julliard. © Joseph Melin / Greenpeace


À l’attention de Claude Atcher,
directeur général de la Coupe du monde de rugby 2023

Objet : demande de rupture du partenariat entre la Coupe du monde de rugby 2023 et TotalÉnergies

Cher Claude Atcher,

Comme vous, nous sommes atterrées et attristées par la guerre dans laquelle s’est lancé le régime russe à l’encontre du peuple ukrainien. Toutes nos pensées vont aux civils qui craignent actuellement pour leur vie ou sont obligés de fuir les combats. Ce conflit est une tragédie en premier lieu pour les Ukrainiens et Ukrainiennes, mais aussi pour la population russe, qui va être durement affectée par ses conséquences.

Le monde du sport, et particulièrement du rugby, s’est ému de la situation et a réagi rapidement : quatre jours seulement après le début de la guerre, World Rugby prenait des sanctions envers la Russie et la Biélorussie. Dans la foulée, le conseil d’administration de la Coupe du monde de rugby 2023 annonçait la suspension des équipes russe et biélorusse des matchs de qualification pour la compétition. La Russie et la Biélorussie ne participeront donc pas à la Coupe du monde de rugby 2023.

Nous vous écrivons aujourd’hui suite à cette décision, afin d’attirer votre attention sur une incohérence qui demeure : celle de la présence de TotalÉnergies parmi les sponsors de cette grande compétition sportive internationale. Vous n’êtes pas sans savoir que l’argent du pétrole et du gaz alimente l’État russe et que TotalÉnergies est la seule major pétrogazière qui refuse de cesser ses activités en Russie. De ce fait, la multinationale prend le risque de participer au financement de la guerre de Vladimir Poutine.

Nous ne vous apprenons rien de nouveau non plus en vous disant que TotalÉnergies est l’un des plus gros émetteurs de CO₂ au monde, et que cette situation n’est pas près de changer puisque 90 % de son activité et 80 % de ses investissements concernent les énergies fossiles. Nous en avions déjà parlé en novembre dernier. En effet, vous nous aviez sollicitées dans le cadre de votre volonté de faire de la Coupe du monde de Rugby un événement respectueux de l’environnement et engagé pour le climat. Vous nous aviez précisé que la participation financière de TotalÉnergies à cet événement s’élevait à 1 %. Un pour cent qui va permettre à TotalÉnergies d’associer son logo à un événement sportif très apprécié, de renommée internationale. Comme nous vous l’avions alors dit, il n’y a pas de « Coupe du monde verte » possible avec TotalÉnergies comme sponsor.

Le sponsoring sportif est l’une des stratégies utilisées par TotalÉnergies pour assurer l’acceptabilité sociale de ses activités industrielles destructrices en se faisant passer pour une entreprise philanthrope, au service de la société et du sport. La multinationale se sert de l’image populaire et sympathique dont bénéficie le rugby pour redorer un blason terni. Des contreparties en nature, comme des invitations dans les loges officielles et les soirées prestigieuses, au même titre que des chefs d’État ou des décideurs politiques et économiques, permettraient également à la major d’étendre son pouvoir d’influence [1].

Suite à notre rencontre, vous nous aviez promis d’étudier la question. Ce partenariat était inacceptable hier, il est aujourd’hui honteux et entache l’image de la compétition à venir. Accepter l’argent de TotalÉnergies, c’est cautionner les activités climaticides de la major pétrogazière, qui opère aujourd’hui dans un pays dont le régime est coupable de crimes de guerre. Est-ce à ces activités que le monde du rugby veut associer ses valeurs ?

Ne laissez pas TotalÉnergies profiter de votre image et de votre popularité. Ne lui donnez pas une tribune pour racheter sa conduite. Ne lui servez pas de nouveaux contrats climaticides sur un plateau. Excluez TotalÉnergies de vos sponsors. Plusieurs événements ont déjà franchi le pas, à l’image de la Ville de Paris, qui a refusé que l’entreprise sponsorise les Jeux olympiques de 2024. Nous nous tenons à votre entière disposition pour en discuter.

Veuillez croire, Monsieur Atcher, en l’expression de notre considération respectueuse.

Jean-François Julliard,
directeur général de Greenpeace France

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