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Agriculture

Trompeur, le label HVE attaqué par l’agriculture bio

Jugé comme étant une opération de « greenwashing », le label HVE a été attaque en justice par UFC-Que choisir, Générations futures et la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab).

Plusieurs organisations ont attaqué en justice le 23 janvier le label « Haute valeur environnementale ». Jugé trompeur, il serait un concurrent déloyal à l’agriculture biologique.

Un petit papillon survolant une ferme ensoleillée et une promesse condensée en trois mots : « Haute valeur environnementale ». Depuis quelque temps, le macaron couleur cuivre du label HVE envahit les étals des supermarchés. Apposé sur des produits aussi variés que la viande, les légumes ou le vin, il garantit que les pratiques agricoles utilisées préservent les écosystèmes et réduisent autant que possible la pression sur l’environnement.

Le 23 janvier, réunies en collectif, des associations de consommateurs, de défense de l’environnement et de la santé, d’agriculteurs et d’entreprises biologiques, ont toutefois saisi le Conseil d’État pour mettre fin à ce qu’ils considèrent comme une dangereuse opération de « greenwashing ». « La justice doit arbitrer une bonne fois pour toutes ce débat et condamner cette tromperie qui dure depuis onze ans », plaide Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab).

L’étiquette HVE peut être collée sur des produits tels que la viande, les légumes ou le vin.

Si, à en croire sur parole la communication qui l’accompagne, cette certification semble être un honorable homologue du célèbre label Agriculture biologique (AB) vert et blanc, il n’en est rien. Le recours aux intrants chimiques n’y est notamment pas exclu : « Ces engrais et pesticides de synthèse sont nocifs pour les pollinisateurs, la biodiversité, l’eau, l’air et les sols, explique Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations futures. Même les plus toxiques pour la santé humaine, classés cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), restent autorisés. »

Certaines règles environnementales de base de la Politique agricole commune (PAC) échappent également au cahier des charges de ce prétendu label écologique. Les producteurs concernés peuvent notamment s’affranchir des exigences de la PAC concernant l’établissement d’infrastructures agroécologiques. Ces espaces semi-naturels bordant les cultures, comme les haies, les lisières de forêt ou les mares, fournissent pourtant des services écosystémiques primordiaux à la survie des espèces sauvages.

« Aucun bénéfice environnemental »

« Ce triste constat ne sort pas de nos bouches, mais de celles des autorités compétentes », poursuit Philippe Camburet. En 2020, une note confidentielle de l’Office français de la biodiversité (OFB) avait en effet été remise aux ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique. Cette étude de l’agence publique confirmait que le label agricole ne présentait pas de bénéfice environnemental dans une grande majorité des cas : « Les seuils retenus ne permettent pas de sélectionner des exploitations particulièrement vertueuses », détaillait le rapport. Un avis partagé par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Le label HVE n’exclut pas le recours aux intrants chimiques. © Anne Speltz / Reporterre

« Quand l’idée de ce label a émergé en 2007, nous-même avons soutenu cette volonté de créer une troisième voie de transition entre le conventionnel et le bio », reconnaît aujourd’hui Nadine Lauverjat. Seulement, quinze ans plus tard, force est de constater l’échec de cette politique. Menée en octobre dernier par l’OFB, une autre évaluation des performances de la certification concluait que le label HVE constituait « assez rarement une évolution vers d’autres certifications ». Et la modeste révision du référentiel, entreprise par le gouvernement à l’automne passé, n’a pas amélioré la situation.

« Une concurrence malhonnête »

Méconnu des agriculteurs, le label HVE est resté confidentiel de longues années. Petit à petit, les grands distributeurs y ont toutefois décelé l’opportunité économique de vendre à moindres frais des produits perçus comme vertueux pour la planète. Dès lors, la filière est montée en puissance, brouillant la perception des clients : « Des études ont montré qu’une bonne partie des consommateurs accordait autant de crédit au HVE qu’au label AB, s’agace Philippe Camburet. Une confusion s’installe et les répercussions sont déjà là pour les agriculteurs bio, avec des demandes en berne. »

En saisissant le Conseil d’État, le collectif entend faire reconnaître les difficultés rencontrées par l’agriculture biologique. « Mettre ces deux labels sur un pied d’égalité, comme le fait le ministère de l’Agriculture, est une aberration, insiste la porte-parole de Générations futures. Cette concurrence est malhonnête. » En mars dernier, la Commission européenne avait d’ailleurs reproché à l’exécutif français de ne pas différencier les niveaux de rémunération des deux labels, dans l’attribution des aides publiques.

Contacté par Reporterre, le ministère de l’Agriculture assure avoir revu « à la hausse les exigences sur les indicateurs de protection de la biodiversité, de limitation de l’usage des produits phytosanitaires, et de gestion raisonnée de la fertilisation ». Il maintient que la certification HVE « représente aujourd’hui un outil utile pour accompagner le changement de pratiques de nos agriculteurs ».

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