Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

EntretienLuttes

Un écolo perturbe le match PSG-OM : « Je devais alerter les gens »

Le militant de Dernière rénovation durant le match PSG-OM, le 16 octobre 2022.

Le 16 octobre, un militant écologiste a fait irruption sur la pelouse du Parc des Princes, lors d’un match de football entre Paris et Marseille. Après 40 heures garde à vue, il témoigne.

Loïc a 32 ans. Primo militant écologiste, il a tenté de s’accrocher aux cages de but lors d’un match de Ligue 1, opposant le Paris Saint-Germain (PSG) à l’Olympique de Marseille (OM). Une action organisée par le collectif Dernière rénovation, créé il y a quelques mois pour exiger au gouvernement de financer la rénovation des logements des ménages en situation de précarité énergétique.



Reporterre — Avant ce 16 octobre, jamais vous n’aviez participé à une action de désobéissance civile. Quels sentiments vous ont traversé à l’approche du stade ?

Loïc — Les jours précédant l’action n’ont pas été les plus sereins de ma vie. J’ai rarement connu des périodes de stress aussi intenses. Il faut dire que je suis un primo militant. Il y a quelques mois encore, je n’avais jamais mis les pieds dans une manifestation.

Juste avant de pénétrer sur la pelouse, j’ai eu une sorte de moment de lucidité. Je me suis dit : « Qu’est-ce que tu fais là ? Rentre chez toi ! Ne saute pas cette barrière. » J’ai pensé à ma mère et ma petite sœur, qui sont ce que j’ai de plus cher au monde. Or, on court vers un avenir où elles ne seront plus en sécurité. Un avenir où les calanques de Marseille, dans lesquelles j’ai tant vadrouillé avec mes amis, sont vouées à disparaître. Ce n’est pas en restant sagement assis dans les gradins que je sers à quelque chose. Il fallait que je fasse tout mon possible pour alerter les gens, les éveiller et les pousser à rejoindre la résistance civile.

Alors à ce moment-là, fini l’hésitation. Dès que j’ai franchi la barrière, j’ai senti que j’étais exactement là où je devais être. Je n’avais pas un seul regret. La pression s’était envolée instantanément.


Vous êtes finalement parvenu à fouler la pelouse du Parc des Princes, mais au moment de vous accrocher aux cages du gardien, les agents de sécurité vous ont rattrapé...

Oui. Ils m’ont immédiatement sorti du stade et emmené auprès de la police. J’ai ensuite été placé en garde à vue pendant près de quarante heures. Ils m’ont transféré de commissariat en commissariat jusqu’à ce que je finisse au tribunal de grande instance. Je serai jugé en avril.

J’ai du mal à comprendre que notre pays pénalise à ce point les citoyens qui tentent simplement d’alerter le public d’un danger, sans faire de mal à qui que ce soit. C’est le signe qu’on marche vraiment dans le mauvais sens. La justice et le gouvernement se trompent de cible.


Quel message vouliez-vous faire passer à travers cette action ?

Nous voulions nous adresser aux fans de football, nombreux ce soir-là à regarder s’affronter le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille. Nous voulions les interpeller, ne serait-ce qu’une seconde, pour qu’ils s’interrogent. Qu’est-ce qui pousse quelqu’un, d’a priori normal, à se jeter comme ça sur un terrain de foot et finir quarante heures en cellule avec un procès en prime ?

La réponse ? Ma colère contre l’attentisme du gouvernement, qui a été condamné il y a un an par le tribunal administratif de Paris pour son retard dans la lutte contre le dérèglement climatique. Cet hiver, ce sont 12 millions de personnes en situation de précarité énergétique qui devront choisir entre se chauffer et manger à leur faim. Nous demandons le lancement immédiat d’un plan de rénovation globale et performante du parc immobilier à la hauteur de l’urgence climatique et sociale dans laquelle se trouve notre pays.


Le Tour de France, le périphérique parisien, Roland-Garros et désormais la Ligue 1... Dernière rénovation entend-elle continuer ces actions chocs ?

Jusqu’à preuve du contraire, les enjeux climatiques ne sont pas suffisamment pris au sérieux par le gouvernement. Tant que ce ne sera pas le cas, nous serons obligés de poursuivre notre combat. Mon irruption au Parc des Princes, c’est le début d’une grande vague d’actions que nous mènerons jusqu’en décembre. Ça va être un des mouvements de résistance civile les plus importants de toute l’histoire moderne française.

J’invite tous les gens qui ne supportent plus de voir ces sujets négligés par le gouvernement à s’engager. Ne restez plus chez vous sans rien faire. Ne doutons plus de notre capacité à faire la différence en tant que simple citoyen. J’étais un véritable écoanxieux et l’action m’a profondément apaisé.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende