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ReportageLuttes

« Une provocation » : la venue de Macron passe mal dans les Hautes-Alpes

De nombreux habitants ont manifesté contre la venue du président à Savines-le-Lac, le 30 mars 2023.

Dans un contexte de forte répression, la venue du président dans les Hautes-Alpes pour présenter le plan eau, est rejetée par les habitants. Ils ont manifesté leur colère.

Savines-le-Lac (Hautes-Alpes), reportage

Il est à peine 9 heures du matin ce jeudi 30 mars et les militants de l’intersyndicale du département des Hautes-Alpes ont déjà commencé à se rassembler à la sortie du pont qui enjambe le lac de Serre-Ponçon. Le lieu choisi par Emmanuel Macron pour dévoiler son plan eau est évidemment hautement symbolique, puisque d’année en année le niveau du lac baisse de façon très préoccupante, en raison du manque de pluie et de neige sur les montagnes environnantes du parc national des Écrins.

Dans la foule de drapeaux brandis par les 200 à 300 personnes présentes, ceux de la Confédération paysanne sont particulièrement visibles. Véronique Dubourg, porte-parole du syndicat du département, se dit très motivée : « Bien sûr que nous sommes nombreux au rendez-vous, d’autant que le week-end dernier [les 25 et 26 mars] la problématique de l’eau a été au centre de la mobilisation à Sainte-Soline [dans les Deux-Sèvres]. Je suis là pour redire que nous avons des propositions à faire pour une agriculture beaucoup moins gourmande en eau. C’est la raison d’être de l’agriculture paysanne que de s’adapter au changement climatique, d’être résiliente, de favoriser l’autonomie des paysans et l’autonomie en semences. »

« Un mépris absolu »

Pour elle, le parallèle avec la mobilisation contre la réforme des retraites est évident : « C’est trop facile de venir nous parler de l’eau, alors qu’on a le nez dans le dossier des retraites. Moi, j’ai pris ma retraite à 67 ans et demi et j’ai 900 euros par mois. Alors je soutiens la lutte contre cette réforme, contre cette volonté hallucinante de subordonner le peuple jusqu’à la fin de sa vie. »

Dans ce contexte de mobilisation contre la réforme des retraites, et alors qu’« il y a encore des millions de gens dans la rue », la présence d’Emmanuel Macron est perçue comme « une provocation » par Philippe Assaiante, cosecrétaire général de l’union départementale de la CGT des Hautes-Alpes. D’autant que sur le domaine de l’eau, « rien n’a jamais été fait de sérieux » par le gouvernement. « Alors, bien sûr, Macron va nous annoncer des mesures, mais est-ce que ce sera encore aux citoyens de devoir payer pour la récupération des eaux usées et la rénovation des canalisations d’eau ? » interroge Philippe Assaiante.

Déplacement en hélicoptère

Quelques jeunes sont également présents dans la petite foule rassemblée à l’entrée du village de Savines, de 1 000 habitants. Cindy, en classe de terminale au lycée d’Embrun, fustige la visite du président au bord d’un lac dont le niveau ne cesse de baisser. Vincent, d’Embrun lui aussi, est plus caustique : « Macron vient ici pour nous dire que le lac est vide, mais le lac est vide tous les hivers ! Pourquoi doit-il traverser toute la France pour nous dire des trucs qu’on sait déjà ? Et, en plus, il se déplace en hélicoptère. » Le président a en effet utilisé ce moyen de transport pour venir dans les Hautes-Alpes.

Venu en voisin, Léo Walter, député LFI/Nupes des Alpes de Haute-Provence, arbore son écharpe tricolore. Bien qu’invité par la préfecture à assister au discours du président, il a choisi d’apporter son soutien aux manifestants et de vérifier que tout se passe bien : « Le maintien de l’ordre connaît ces derniers temps des dérives particulièrement inquiétantes. J’ai d’ailleurs interpellé Gérald Darmanin à l’ouverture de la session parlementaire la semaine dernière pour exiger l’interdiction des nasses qui sont illégales depuis 2021, la fin des charges violentes sur les cortèges pacifiques, la fin des agressions de journalistes et l’interdiction des Brav-M. » Durant la manifestation à Savigne, deux personnes ont été interpellées.

A l’origine, ce n’était pas Emmanuel Macron qui devait présenter ce plan eau, mais Christophe Béchu, le ministre de la transition écologique. Initialement prévue pour le 26 janvier, sa présentation avait été maintes fois reportée. La venue du président dans ce village des Hautes-Alpes est donc hautement symbolique. Une volonté de se refaire une virginité écologique en pleine contestation sociale ?

Pour le député Léo Walter : « Ce déplacement est un mépris absolu pour le pays, qui s’exprime depuis deux mois maintenant contre la réforme des retraites. C’est du mépris aussi vis-à-vis de l’eau pour laquelle il faudrait une politique globale, pensée, planifiée. Aujourd’hui, on continue notre combat pour le droit de manifester, pour le droit de revendiquer, pour nos retraites et pour une vraie politique de l’eau. »

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