Yannick Jadot en campagne : « Le rassemblement se fera autour de l’écologie »

Yannick Jadot le 11 décembre 2021 à Laon (Aisne). - © Amélie Quentel/Reporterre
Yannick Jadot le 11 décembre 2021 à Laon (Aisne). - © Amélie Quentel/Reporterre
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Politique PrésidentielleLe candidat écologiste à la présidentielle était en déplacement à Laon (Aisne), là où il a grandi, samedi 11 décembre. Après une visite du centre hospitalier de la ville, il a donné une réunion publique.
Laon (Aisne), reportage
Devant le petit gymnase Gilbert Lavoine, à Laon (Aisne), Pauline, César et Robin, à peine 70 ans à eux trois, repeignent en vert un grand carton. La première, peinture couleur sapin sur le visage, s’emploie ensuite, avec application, à écrire sur l’affiche un message d’encouragement : « Yannick Jadore. »

Ces jeunes gens, qui avaient voté Éric Piolle lors de la primaire écologiste, ont pris le car depuis Paris et Lille pour venir soutenir Yannick Jadot, candidat d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) à l’élection présidentielle, en déplacement samedi 11 septembre dans cette ville où il a grandi. Une « réunion publique » censée relancer une campagne compliquée, l’ex-dirigeant de Greenpeace ne dépassant pas les 6 à 8 % d’intentions de vote dans les sondages. Les organisateurs assurant avoir sciemment choisi une petite jauge en raison de la crise sanitaire, quelque 400 personnes ont fait le déplacement pour cet événement intitulé « le forum des possibles ». Loin, donc, des milliers de personnes venues écouter d’autres aspirants chefs de l’État la semaine précédente (le leader des insoumis Jean-Luc Mélenchon à Paris, le candidat d’extrême droite Éric Zemmour à Villepinte).
« Le rassemblement se fera autour de l’écologie, et la maison de l’écologie est ouverte à tout le monde »
À l’intérieur de la salle, sous les panneaux de basket, la réunion a débuté d’une drôle de manière en début d’après-midi. Alors que tout le monde, Yannick Jadot et ses soutiens inclus (Sandrine Rousseau, Julien Bayou…), était assis sur des plots en carton disposés autour d’une petite scène, la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak a retenti durant de longues minutes, le tout sous le regard un peu interloqué du public (au début, par défaut de culture générale, on croyait que c’était Un nouvel espoir : la musique de la force de Star Wars IV – de l’espoir, il va en effet en falloir à gauche dans les prochains moins). Trois personnes ont ensuite pris la parole de façon touchante : Fabienne, enseignante d’histoire-géo, Marjorie, infirmière libérale et Jean-Luc (pas Mélenchon, on y reviendra), agriculteur bio.
Des allocutions pour raconter leurs quotidiens, difficultés et aspirations à des lendemains qui chantent — croisée dans le gymnase peu de temps avant le début de ce forum, Delphine Batho, porte-parole de Yannick Jadot depuis l’éviction de Matthieu Orphelin, mis en retrait dans la foulée de l’affaire Nicolas Hulot, nous a dit ceci : « Cette réunion vise à remettre le réel au centre des débats, et à donner la parole à celles et ceux qui ont tenu le pays lors du premier confinement. Si la France a tenu, c’est par le bas et non pas par le haut. Il y a eu une dégradation du débat public durant cette campagne : fantasmes, création de boucs émissaires, haine. C’est complètement décalé avec les préoccupations réelles des Françaises et Français, et ce sont ces sujets que l’on veut mettre au cœur de la campagne. »
Quid de la proposition d’Anne Hidalgo (Parti socialiste) ou encore d’Arnaud Montebourg d’organiser une primaire de la gauche pour une candidature unique, à laquelle Yannick Jadot a opposé une fin de non-recevoir ? « On (les écologistes) a déjà fait une primaire — là, c’est trop tard. L’élection présidentielle, c’est quelque chose de sérieux. Le rassemblement se fera autour de l’écologie, et la maison de l’écologie est ouverte à tout le monde. » Traduction : 1. pas de primaire 2. le rassemblement se fera derrière Yannick Jadot, ou ne se fera pas — au sein du parti, plusieurs personnes sont pourtant favorables à une telle primaire, le porte-parole d’EELV Alain Coulombel en tête. Yannick Jadot, qui s’est posé lors de son discours en « président du climat » éveillé à « l’amour des arbres et des oiseaux » durant son enfance picarde, était très attendu sur cette question.
« Si l’on veut gagner, c’est avec la France insoumise qu’il faut discuter »
Après quelques mots peu amènes envers Emmanuel Macron — « En accroissant les injustices en semant la désespérance sociale, il a monté l’extrême droite à 30 % dans les sondages » — ou encore sur l’écologie comme « alternative heureuse » et « force de vie » face aux « pulsions mortifères » de la droite et de l’extrême droite, le député européen a de nouveau dit non à une primaire. « La maison de l’écologie et de la justice sociale est grande ouverte. J’appelle aujourd’hui tous les progressistes et tous les humanistes à nous rejoindre et à venir travailler avec nous. C’est autour du projet écologiste qu’il faut se retrouver (…) Aujourd’hui, tout commence », a-t-il lancé, mettant en avant plusieurs mesures de son projet, qui devrait être dévoilé à la mi-janvier : ISF climatique, lutte pour les droits des femmes comme « priorité de tous les instants », accueil des réfugiés, hausse des salaires, plan de « sauvetage » de l’hôpital public et de ses soignants, actuellement malmenés par les logiques de « rentabilité »… Yannick Jadot s’est d’ailleurs rendu au centre hospitalier de Laon le matin même ; devant l’hôpital, un monsieur en fauteuil roulant observait du coin de l’œil la horde de journalistes venus suivre cette visite. « Ça ne m’intéresse pas », nous a-t-il dit, sans que l’on sache vraiment s’il parlait de nos questions ou bien de la venue de Yannick Jadot en elle-même — sans doute un peu des deux.

À la fin de la réunion au gymnase, on a recroisé en tout cas Pauline, la jeune femme à la peinture verte. « Yannick Jadot a été bon dans son discours, exactement dans la ligne et le programme des écolos — les gens qui disent qu’il est le Macron vert, c’est de la caricature. » Cela étant dit, celle qui est par ailleurs conseillère municipale EELV à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) souhaiterait à présent une chose : que le candidat écologiste discute sérieusement avec Jean-Luc Mélenchon. « À la base, j’étais favorable à l’idée d’union, de primaire populaire, etc. Mais si c’est pour sauver le PS (référence à la proposition d’Anne Hidalgo), c’est non ! Je pense que si l’on veut gagner, c’est avec la France insoumise qu’il faut discuter. » Même son de cloche chez une dame venue de Noyon, à 50 kilomètres de là : « J’aimerais que Jadot et Mélenchon s’allient. Ça a l’air mal parti, mais sait-on jamais ! » Le leader insoumis, crédité de 10 % d’intentions de vote, a lui aussi refusé de participer à une primaire de la gauche.
Pendant l’heure de midi, dans une sandwicherie de Laon, on avait déjà discuté de tout cela avec Nordine et Habib alors qu’ils préparaient notre jambon beurre. Si les deux jeunes hommes, l’amabilité incarnée, n’étaient pas au courant de la venue de Yannick Jadot sur sa terre natale, ils avaient en revanche conscience d’une chose : « En face, à l’extrême droite, il y a deux monstres qui arrivent. »