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À Paris, des militants écolos dont Greta Thunberg interpellent États et multinationales

Les quelque 200 militants présents ont réclamé de mettre fin au financement des énergies fossiles et faire payer les pollueurs.

Près de 200 militants écologistes ont réclamé aux multinationales et aux États de stopper leurs financements dans les énergies fossiles, le 23 juin à Paris.

Paris, reportage

« C’est aux multinationales qui nous ont menés à cette crise de payer pour la transition ! » La revendication, clamée au micro place de la République, à Paris, dans la matinée du vendredi 23 juin, était soutenue par quelque 200 activistes venus de nombreux pays, dont la militante ougandaise Vanessa Nakate ou l’iconique Greta Thunberg, et issus de nombreuses organisations, dont Fridays for Future, Avaaz, Glasgow Actions Team, Oxfam, Attac, Alternatiba Paris ou 350.org. Leur double exigence : mettre fin au financement des énergies fossiles et faire payer les pollueurs.

« Au cours des trois dernières années, au moins 9,8 milliards de dollars de fonds des banques multilatérales de développement sont allés directement à des projets d’énergies fossiles », dénonce sur place la coalition The Big Shift Global. Au total, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime à plus de 1 000 milliards de dollars les investissements dans les énergies fossiles en 2022, un montant record. Une dynamique à rebours de l’urgence climatique qui impose de sortir le plus rapidement possible des énergies fossiles : la même AIE appelait ainsi dès 2021 à l’arrêt immédiat de tout nouveau projet d’exploration de projets gaziers ou pétroliers.

Jealousy Mugisha a été exproprié de chez lui en raison du pipeline Eacop, le projet climaticide de TotalÉnergies. © Hugo Duchesne

Symbole de ces investissements mortifères, le projet de TotalÉnergies de forer 400 nouveaux puits de pétrole en Ouganda et d’exporter cet or noir via la construction d’un gigantesque oléoduc, baptisé Eacop, concentrait la colère des manifestants parisiens.

Parmi eux, Jealousy Mugisha, habitant du village ougandais de Kasenyi, était venu porter la parole de sa communauté : « Ce projet Eacop a pris beaucoup de nos terres, beaucoup de gens sont expropriés de leur maison, moi y compris. Ils nous proposent une compensation financière dérisoire et qui nous oblige à renoncer à l’endroit où nous voulons vivre. En plus de cela, ce projet climaticide menace notre avenir, nos enfants : qu’allons-nous faire en tant qu’agriculteurs s’il pleut de moins en moins ? »

Aider le Sud face aux crises climatiques et la dette

Rétablir une justice climatique et financière entre pays du Nord et du Sud était au cœur des revendications. « C’est la responsabilité des pays ayant historiquement émis le plus de gaz à effet de serre d’agir rapidement et de sortir la finance des énergies fossiles. C’est à leur gouvernement et aux banques de développement d’aider les pays du Sud à s’attaquer à la crise climatique », plaidait Fran Witt, directrice de campagne de l’ONG Recourse.

En creux revenait la dénonciation de la promesse non tenue des pays développés, qui s’étaient engagés à Copenhague en 2009 à mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour les pays en développement. Somme qui n’est pas encore atteinte, trois ans après l’échéance. La question du financement de l’adaptation au changement climatique et de la transition était encore au centre des tensions entre pays du Nord et du Sud lors de la conférence de Bonn (Allemagne), la semaine dernière, qui a préparé laborieusement la prochaine COP28.

La militante suédoise Greta Thunberg était également présente le 23 juin à Paris. © Christophe Petit-Tesson / EPA for Glasgow Actions Team

Dans ce contexte, le rassemblement place de la République visait aussi à mettre la pression sur le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé au même moment à Paris autour de plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernement, avec l’objectif de mieux « lutter contre les inégalités, de financer la transition climatique, et de nous rapprocher de l’atteinte des objectifs du développement durable ».

Beaucoup de militants, toutefois, étaient plus que sceptiques quant à la sincérité de l’initiative. « Macron tient de très bons discours, mais continue dans le même temps de soutenir les investissements dans les énergies fossiles et dans des projets comme l’oléoduc Eacop. Je viens de la ville d’Antipolo, aux Philippines : la montée des eaux et la multiplication des typhons dévastateurs, c’est très concret pour nous », insistait par exemple Mitzi Jonelle Tan, militante de Youth Advocates for Climate Action Philippines.

« Multiplier les actions en sous-terrain »

« Il y a quand même des signes positifs. La Banque mondiale a annoncé qu’elle allait aider davantage les pays les plus pauvres face au changement climatique. On espère que ce Sommet sera un premier pas vers une transformation profonde de la finance mondiale et de la manière d’aider le Sud à surmonter la crise de la dette », veut croire Fran Witt.

« Hier [le 22 juin], j’ai vu le président du Kenya parler avec le président colombien de partenariats énergétiques avec l’Allemagne, indique Theresia Crone, militante allemande de Fridays for Future. Ce genre de rencontres peut créer des choses bénéfiques, même si l’on sait que ce n’est pas en deux jours de Sommet que l’on va révolutionner les choses. Emmanuel Macron sera en Allemagne en juillet, on sera là pour lui rappeler ses engagements. »

« Faire payer les pollueurs » indique la banderole déployée par les activistes sur la place de la République. © Hugo Duchesne

Malgré l’énergie des militants et les chants scandés sous le soleil de la place parisienne, une certaine morosité planait sur le rassemblement. L’annonce, le 21 juin, de la dissolution des Soulèvements de la Terre, était omniprésente dans les têtes, les slogans et sur les visages, en partie ornés du logo du collectif. « Comment peut-on encore croire en la volonté des politiciens d’agir pour la transition après ça ? Ce Sommet, c’est du vent. Je ne sais plus comment agir, il va falloir multiplier les actions en sous-terrain », réfléchissait à haute voix Joël, militant d’Attac.

« Si le président Macron veut vraiment “Make our planet great again”, il devrait se prononcer contre le projet de TotalÉnergies de construire une bombe à carbone dans mon pays », concluait Patience Nabukalu, activiste pour Stop Eacop et Fridays for Future Uganda. Les militants devraient savoir d’ici ce soir et la fin du Sommet, organisé Palais Brongniart, à moins de 2 km de la place, si leur message a été entendu.

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