À la COP27, poussons les pays riches à dédommager le Sud

Des inondations vues du ciel, au Brésil, en 2021. - CC BY 2.0 / Isac Nóbrega/PR / Flickr via Wikimedia Commons
Des inondations vues du ciel, au Brésil, en 2021. - CC BY 2.0 / Isac Nóbrega/PR / Flickr via Wikimedia Commons
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COP27 Climat : de COP en COPPour la première fois, un mécanisme de financement des « pertes et dommages » dans les pays du Sud est discuté lors d’une COP. Des ONG tentent de convaincre les pays du Nord qui ne veulent pas en entendre parler.
Aurore Mathieu est responsable politiques internationales au sein du Réseau Action Climat (RAC), qui fédère les associations impliquées dans la lutte contre le dérèglement climatique. Elle nous fait vivre « sa » COP27, en direct de Charm el-Cheikh, en Égypte.
La deuxième semaine de négociations commence en Égypte. Pour le Réseau Action Climat, le gros sujet politique que nous suivons est celui des « pertes et dommages ».
Concrètement, il s’agit des conséquences irréversibles du changement climatique. Cela recouvre par exemple la destruction d’habitations ou de terres agricoles lors de catastrophes naturelles ; ou lorsque les habitants doivent se déplacer à cause de la montée des eaux et qu’ils risquent de perdre leur capital culturel, leur langue, leurs habitudes…
Cela fait à peu près trente ans que les petits États insulaires, menacés de disparition à cause de la montée du niveau de la mer, réclament la mise en place d’un mécanisme financier pour répondre à ces pertes et dommages. Un mécanisme qui serait notamment financé par les pays développés les plus pollueurs, ceux qui sont responsables du changement climatique. Aujourd’hui, cette revendication est de plus en plus soutenue par des pays en Amérique latine, en Asie et en Afrique qui subissent aussi des pertes et dommages dûs au changement climatique.

Ce qui existe aujourd’hui dans la « finance climat », ce sont des fonds pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ou pour aider les pays à s’adapter. Mais il n’y a pas de fonds pour aider les communautés à se reconstruire, une fois les capacités d’adaptation dépassées. C’est la première fois que ce sujet de la finance pour les pertes et dommages est mis à l’agenda d’une COP. Enfin !
Depuis la semaine dernière, des « consultations » ont donc lieu tous les jours environ, pendant une à deux heures, parfois plus. Tous les pays sont réunis autour de la table, et un facilitateur leur donne la parole à tour de rôle pour qu’ils expliquent leur position. Globalement, les pays du Sud déclarent qu’ils attendent la création d’un mécanisme de financement, et les pays du Nord rétorquent qu’il faut plutôt renforcer les mécanismes existants — des mécanismes en dehors des Nations-Unies, qui présentent pourtant énormément de limites. Le boulot des facilitateurs est ensuite d’essayer de faire converger les différentes positions vers une décision commune.
La France bloque
Nous, notre travail, c’est d’aller dans ces négociations. On observe ce qui se dit, on prend note des positions des pays, puis on rencontre ceux qui sont récalcitrants pour essayer de les faire changer de position. Typiquement, on fait souvent des réunions avec la France, qui est un des pays qui bloque la création de ce mécanisme de financement.
La France estime qu’il serait plus intéressant de renforcer des mécanismes existants, comme ceux d’alerte précoce pour les événements météorologiques extrêmes. Oui, savoir à l’avance qu’une tempête arrive permet de se préparer et de sauver des vies. Mais cela ne permet pas de réparer les préjudices ! Ce n’est qu’une partie de la réponse à ce problème.
L’idée de mettre en place des assurances qui interviendraient lors d’une catastrophe naturelle n’est pas plus pertinente : cela ne couvre qu’une partie infime des dommages. Et cela interroge sur le rôle des pays du Nord, qui tentent d’esquiver leur responsabilité historique en reposant sur des mécanismes de marché.

En plus de ces réunions, on réalise des actions. Samedi dernier, nous avons participé à une mobilisation de la société civile pour faire entendre notre voix sur ce principe de justice climatique fondamental.
Il y a eu du chemin de parcouru, c’est la première fois que ce sujet est autant sur la place publique. Mais les négociations ne sont pas très bien parties. On reste sur une position très polarisée, des États-Unis et de l’Union européenne notamment, qui ne souhaitent pas la création de ce mécanisme de financement.
« On a encore quelques jours pour faire changer d’avis les pays récalcitrants »
Ils essaient de la repousser à 2024, en disant qu’ils ont d’abord besoin d’en discuter, d’identifier les besoins – alors que cela fait trente ans que les pays du Sud la réclament ! Et pendant ce temps, des gens meurent à cause de la multiplication et de l’intensification de catastrophes naturelles, comme celle au Pakistan par exemple. Ce sont des pays laissés à eux-mêmes face au changement climatique et à ses impacts, alors qu’ils n’y ont quasiment pas contribué.
Au Réseau Action Climat, on ne se fait pas d’illusions. On s’attend à ce que les pays du Nord continuent de bloquer. Mais on a encore quelques jours pour les faire changer d’avis, pour leur montrer le gain politique de créer ce mécanisme et permettre aux communautés les plus vulnérables de recevoir des ressources pour répondre aux impacts.