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Quotidien

Allumer la clim’ ? Une mauvaise idée pour le climat

Un climatiseur.

Gourmande en électricité et émettrice de gaz à effet de serre, la climatisation est néfaste pour le climat. L’État n’encadre pas assez son utilisation et traîne sur des chantiers majeurs, tels que la rénovation des bâtiments.

S’ils aident à supporter les températures de cette nouvelle semaine caniculaire, notamment pour les plus fragiles, les climatiseurs sont loin d’être inoffensifs : ils représentent — avec les ventilateurs — 20 % de la consommation électrique des bâtiments, selon l’Agence internationale de l’énergie au niveau mondial. En France, ces appareils séduisent de plus en plus les particuliers. 25 % des ménages étaient équipés de climatiseurs en 2020, contre 14 % en 2016, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Du côté des entreprises aussi, le taux d’équipement grimpe.

En plus de la consommation d’électricité, les climatiseurs contiennent des fluides frigorigènes « très polluants », rappelle Michel Dubromer, ingénieur et expert énergie chez France Nature Environnement. Comme tout équipement de ce type, les climatiseurs produisent « des petites fuites, avec des produits de synthèse qui se retrouvent dans l’atmosphère alors qu’ils n’ont rien à y faire ». En 2020, la climatisation a été responsable de 5 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment, a évalué l’Ademe.

La France « merveilleusement en retard »

Comment limiter le recours à ces appareils qui, tout en aidant les citoyens à faire face aux vagues de chaleur, aggrave le phénomène ? La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a rappelé la semaine dernière que les climatiseurs ne devaient pas être utilisés en deçà de 26 °C. Mais il s’agit d’une simple recommandation, provenant d’un article du Code de l’énergie introduit en 2007. Au niveau de France Nature Environnement, « on souhaite depuis longtemps que cela s’inscrive dans la loi, par un décret d’obligation », dit Michel Dubromer. C’est déjà le cas en Italie, avec un seuil à 25 °C en dessous duquel l’usage de la climatisation est interdit. 

L’enjeu est surtout d’intervenir en amont, au moment de la construction de bâtiments neufs. La RE2020, nouvelle réglementation issue de la loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) de 2018, oblige à la construction d’habitats passifs. Ceux-ci n’ont « pas besoin d’être climatisés en été ni chauffés en hiver », rappelle Michel Dubromer. Or, « la France est merveilleusement en retard là- dessus ». La RE2020 vient tout juste d’entrer en vigueur, en janvier. « Les consommateurs et associations environnementalistes étaient extrêmement enthousiastes, mais les promoteurs immobiliers ont freiné pour reporter sa mise en place », raconte le responsable, qui a fait partie d’un conseil consultatif sur le sujet auprès du ministère. « On ne sentait aucune volonté gouvernementale pour l’appliquer. »

Accélérer la rénovation et l’écoconception

L’autre chantier où la France a pris du retard est celui de la rénovation des bâtiments. « Il s’agit d’améliorer leur isolation, et de réduire le nombre de passoires thermiques », dit Isabelle Gasquet, responsable de projets efficacité énergétique au Cler (réseau pour la transition énergétique). On compte près de 5 millions de passoires thermiques aujourd’hui, pour 12 millions d’habitants concernés. Atteindre les objectifs climatiques et de réduction de la précarité énergétique impliquerait, selon Isabelle Gasquet, « un rythme de 700 000 rénovations par an. Or, on est à 70 000 rénovations performantes par an ».

Un autre levier pour limiter l’impact des climatiseurs consiste à les rendre plus performants. L’Union européenne avait adopté en 2012 une réglementation sur l’écoconception d’appareils comme les climatiseurs « pour contraindre les fabricants à améliorer leurs performances », dit Isabelle Gasquet. Mais ces objectifs sont désormais obsolètes. Sur une étiquette énergétique de A à G, « les appareils les moins performants du marché parviennent à être en classe A » pointe la responsable du Cler. Une révision de la réglementation est en cours, mais elle traîne à se concrétiser. Une coalition d’ONG internationales milite en ce sens, via la campagne « Cool Products »

Un arbre = cinq climatiseurs

Pour les particuliers, il existe plusieurs gestes à réaliser pour limiter le recours à la climatisation : fermer les volets en journée, aérer pendant la nuit… « Il y a la sobriété chez soi, l’adaptation de notre mode de vie. Mais on ne peut pas empêcher les gens d’acheter des climatiseurs. Ce qu’on peut leur dire, c’est d’éviter de se précipiter sur des appareils peu performants ; et leur expliquer quelles alternatives il peut y avoir », soutient Isabelle Gasquet.

À Rennes, une cour d’école végétalisée pour lutter contre le changement climatique. © Quentin Vernault/Reporterre

Il existe par exemple le puits canadien, un échangeur géothermique souterrain ; le bioclimatiseur, un système basé sur l’évaporation de l’eau ; ou encore la climatisation solaire photovoltaïque. Toutes ces initiatives restent rares dans les foyers : elles reposent sur des démarches volontaires « La réglementation française ne va pas assez vite, elle pourrait mettre plus en avant les solutions basées sur la nature. Pour le moment, cela coûte cher aux gens en entretien », déplore Michel Dubromer.

Reste un enjeu de taille : la végétalisation des villes, des quartiers, voire des bâtiments eux-mêmes. « Un seul arbre évapore 450 litres d’eau par jour », rappelle Michel Dubromer. Soit l’équivalent, selon l’Ademe, de cinq climatiseurs qui tournent pendant 20 heures.

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