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EnquêteAgriculture

Avec les pénuries, des poules nourries aux OGM

En raison des tensions sur les cours mondiaux, les œufs ou la volaille sans aliments transgéniques se raréfient. Les exigences de certains Labels rouges sont dégradées.

Mauvaise passe pour les volailles. Confinées en raison de l’influenza aviaire, elles sont aussi confrontées à une pénurie d’aliments protéinés. « Il est de plus en plus compliqué de se fournir en soja non OGM. Les filières sont peu nombreuses, explique Loïc Coulombel, du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO). Et son prix flambe. Il a plus que doublé au cours des derniers mois. »

Le tourteau de soja, très largement utilisé dans les élevages comme source d’apport en protéines, subit d’énormes tensions sur les cours mondiaux. La pénurie se fait particulièrement sentir depuis le début de la guerre en Ukraine. La Russie était l’un des principaux pays exportateurs de soja non OGM vers la France. Et une grosse part du tournesol HiPro (riche en protéines) non OGM, qui pouvait le remplacer, est produit — et donc bloqué — en Ukraine.

Une filière française de soja sans OGM très insuffisante

Il existe bien une filière de soja non OGM française, mais très insuffisante pour couvrir les besoins des élevages. « Près de 80 % des tourteaux de soja non OGM vendus en France sont produits à l’étranger, en utilisant des graines cultivées elles aussi à l’étranger », notait l’Autorité de la concurrence dans sa décision du 18 août 2022, autorisant la prise de contrôle de la société Solteam, importateur de soja sans OGM, par le groupe Avril, leader de l’alimentation animale en France.

La Russie est l’un des principaux pays exportateurs de soja sans OGM vers la France. Pexels/CC/Magda Ehlers

Des producteurs sont donc contraints de se fournir en soja issu de la filière conventionnelle, en provenance des États-Unis ou encore du Brésil, et susceptible d’être transgénique. Dès le mois de mai dernier, Auchan a été confronté au problème : plusieurs références d’œufs sous sa marque affichaient l’allégation « poules nourries sans OGM ». Mais le grand distributeur ne pouvait plus garantir cette absence d’OGM. Il a alors réclamé une dérogation pour pouvoir continuer à vendre ses œufs dans les boîtes estampillées « sans OGM » pendant trois mois. En attendant la modification de l’emballage, la mention « Alimentation sans OGM non garantie » était apposée dans un coin de la boîte pour informer les Français.

Rétropédalage sur les œufs Label rouge

Depuis mai 2021, les œufs de poules élevées en plein air doivent obligatoirement provenir de poules nourries sans OGM (< 0,9 %) pour obtenir le Label rouge. Mais dès le printemps 2022, face aux difficultés d’approvisionnement d’aliments sans OGM, le Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf) a souhaité revenir en arrière. Il a demandé à l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) une modification des conditions de production communes (CPC). « Cette demande a été examinée au mois de juin dernier par les instances de l’Inao, qui ont décidé compte tenu de l’absence de visibilité sur la résolution des difficultés liées à ces approvisionnements de [lui] donner une suite favorable », confirme l’Institut.

Le projet était d’imposer de la nourriture sans OGM à toutes les volailles de chair Label rouge. Une obligation finalement non retenue dans les nouvelles CPC publiées en août dernier. Cependant, certaines filières, comme le Label rouge Volailles de Bourgogne et le Label rouge Volailles de l’Ain, avaient déjà fait le choix d’une alimentation garantie sans OGM. Elles ont dû revoir ce critère et, désormais, le consommateur ne verra plus la mention « nourrie sans OGM » sur les étiquettes de ces produits.

Seule bonne nouvelle : l’approvisionnement en aliments non OGM semble assuré pour les poules pondeuses et volailles bio. « Nous avons suffisamment de matières premières agricoles bio ou en conversion pour fournir les besoins des monogastriques en aliment cette année », précise l’Agence bio. La récolte a été satisfaisante et les besoins sont moindres en raison de l’influenza aviaire et du basculement de certains élevages bio vers le Label rouge. « En aucun cas, un élevage bio ne peut nourrir ses volailles avec des aliments non bio, encore moins avec des OGM, rappelle la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). Il s’agirait d’une non-conformité grave. »

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