Reportage — Climat et quartiers populaires
Canicule : en banlieue de Lyon, les habitants obligés de s’enfermer

Tous les volets de cet immeuble de Saint-Fons, près de Lyon, sont clos pour tenter d'affronter les fortes chaleurs de fin août 2023. - © Moran Kerinec / Reporterre
Tous les volets de cet immeuble de Saint-Fons, près de Lyon, sont clos pour tenter d'affronter les fortes chaleurs de fin août 2023. - © Moran Kerinec / Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
Climat et quartiers populaires ClimatDans la commune de Saint-Fons, en périphérie de Lyon, les températures atteignent désormais les 39 °C. Accablés par la chaleur, les habitants s’enferment chez eux ou fuient la banlieue.
Saint-Fons (Rhône), reportage
Les feuilles mortes crépitent à chaque pas. Le tapis végétal jaune-orange qui couvre les trottoirs de Saint-Fons a repeint cette banlieue de Lyon aux couleurs de l’automne. Ce n’est pas le changement de saison, mais la canicule qui a fané les arbres de l’agglomération. Voici dix jours que les températures du Rhône ne descendent plus sous les 20 °C la nuit. La bascule est historique : c’est la première fois que l’alerte canicule rouge est déclenchée dans le département. Au plus chaud de l’après-midi, le mercure grimpe désormais jusqu’à 39 °C.
Dans le quartier de L’Arsenal, des draps ont été tendus sur des balcons pour abriter les logements de la chaleur. Des bouches de climatiseurs portables crachent de l’air chaud par les fenêtres. Tous les volets sont clos. Sur la place des Quatre Chemins, les mères de famille pestent contre les températures et s’échangent leurs astuces pour rester au frais. « J’ai ouvert toutes les fenêtres dès 5 heures et j’ai 30 °C partout dans l’appartement quand même », soupire Safwa. « Moi, je profite de chaque machine pour mettre du linge humide près des fenêtres et de mon ventilateur, ça aide tu devrais essayer ! » lui conseille son amie Nour.

Sur un banc à l’ombre du bureau de poste, Jeannine et Hélène papotent. Les deux retraités saint-foniardes profitent de l’air « frais » et matinal à 25 °C pour quitter leurs appartements où elles se calfeutrent chaque après-midi dans le noir. Pour les deux dames âgées, la climatisation — pourtant gourmande en électricité et émettrice de gaz à effet de serre — est une nécessité pour passer l’été dans les passoires thermiques qu’elles habitent.
Orientée plein sud et à peine protégée par des volets en bois, Hélène combine deux ventilateurs et une climatisation portable pour supporter les fortes températures. « C’est une question de survie, pour ne pas mourir », justifie-t-elle.
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Jeannine a fait installer la sienne sans prévenir son propriétaire. « T’as pas le droit », la rabroue Hélène. « J’ai pris le droit ! rétorque son amie. Quand j’ai entendu tous ceux qui sont morts [lors de la canicule] en 2003 et qu’après il faisait 32 °C chez moi… À 86 ans, ils ne vont pas me refuser la clim’ pour vivre. »
Certains moments « c’est dur de respirer »
Les logements bien isolés ne sont pas épargnés. Chez Franck, 68 ans, c’est même « trop bien isolé, la preuve : j’allume pas mon chauffage en hiver ». Résultat, « tous les matins il fait 29 °C chez moi. Il y a des moments dans la journée, c’est dur de respirer ». Le bruit des ventilations et l’obscurité jouent sur les nerfs des habitants. « J’ai une climatisation sur roulettes, le boucan que ça fait est intenable. Entre ça et la chaleur, je ne dors plus », se désole Franck. Devant la poste, Jeannine abonde : « On est tout le temps enfermés. Il y a des jours je ne sais pas comment je fais pour ne pas disjoncter. »
Ceux qui le peuvent fuient la fournaise. Une bouteille de soda fraîche entre les mains, Sonia attend le bus C12 qui relie la banlieue sud de Lyon au centre-ville. La jeune femme a fixé le cap vers le centre commercial Westfield La Part-Dieu et ses allées climatisées. Pas tant pour le shopping que pour le moral. « Rester à la maison dans le noir me déprime trop », dit-elle avant de sauter dans la fraîcheur du bus et de son air conditionné.
Tous n’ont pas cette chance. La chaleur n’entrave pas les travaux et face au théâtre Jean Marais, des ouvriers du bâtiment travaillent sous le soleil. « On fait un peu plus de pauses aujourd’hui et on fait attention à rester hydratés, mais il y a des délais à tenir donc on essaie d’en abattre un maximum avant l’après-midi quand ça crame, confie l’un d’eux. On souffre, alors on attend la fin de la semaine avec impatience. » Météo-France ne prévoit pas de baisse des températures avant le week-end.