Congrès d’EELV : se relever, ou continuer à sombrer

Durée de lecture : 5 minutes
PolitiqueRéunis aujourd’hui à Pantin, les membres d’Europe Écologie - Les Verts cherchent à arrêter l’agonie de leur parti, scandée par des échecs électoraux, des scissions et l’hémorragie du nombre des militants. Sans parler de l’affaire Baupin ni des soucis financiers. Pas moins de cinq motions se disputent la direction, avec leur lot de calcul et d’arrangements.
En interne, on affirme vouloir « panser les plaies ». Ces derniers jours, à Europe Écologie - Les Verts, l’euphémisme est devenu un exercice de prédilection. Car la récente affaire Baupin puis la disparition du groupe écologiste à l’Assemblée nationale n’ont fait qu’accroître l’hémorragie. De fait, le congrès qui se conclut aujourd’hui à Pantin sonne plutôt comme celui de la dernière chance.
Depuis la dernière grand-messe qui s’était tenue à Caen il y a trois ans, c’est une lente agonie que connaît EELV.
- En mars 2014, les deux ministres écologistes Cécile Duflot et Pascal Canfin quittent le gouvernement à l’arrivée de Manuel Valls à la tête de celui-ci. Dans le parti, la fracture est consommée avec les tenants de la participation « malgré tout », comme Jean-Vincent Placé.
- Quelques semaines plus tard, les élections européennes sont une bérézina.
- mars 2015 : Les résultats des échéances suivantes, les départementales en mars 2015 n’apportent aucun regain.
- décembre 2015 : les listes EELV aux régionales en décembre frisent la débâcle.
- Emmanuelle Cosse trahit en 2016 pour un plat de lentilles - un poste de secrétaire d’Etat
- Pendant l’année 2015, la scission se concrétise un peu plus avec les départs séquencés de plusieurs députés : en juin 2015, Christophe Cavard et François-Michel Lambert quittent le parti avant d’être suivis à la rentrée par François de Rugy et Barbara Pompili, tous deux coprésidents du groupe au Palais-Bourbon, et Jean-Vincent Placé, président du groupe au Sénat.
- Mais le coup de poignard le plus brutal est sûrement intervenu le 11 février 2016 : dans le dos du parti qu’elle dirige officiellement, Emmanuelle Cosse devient ministre du Logement.
Moins d’adhérents que le Parti radical de gauche
Aujourd’hui, EELV a perdu plus de la moitié de ses députés européens et de ses conseillers régionaux, ainsi que son groupe à l’Assemblée nationale, où il ne reste plus que dix députés officiellement apparentés au parti. Le parti aurait perdu 3.000 adhérents en deux ans, et jusqu’à 60 % depuis sa création en 2009 : avec 6.000 encartés, EELV compte moins d’adhérents que le Parti radical de gauche ou le Parti chrétien démocrate, qui en revendiquent tous deux 10.000…
À la décrédibilisation politique s’ajoute la répercussion économique : exsangue, le parti a dû réduire sa masse salariale et vendre le siège qu’il occupait depuis 2003, la Chocolaterie, afin d’éponger une dette qui s’élèverait à trois millions d’euros. Un sacré caillou dans la chaussure d’une possible candidature à la présidentielle l’année prochaine.
Dans un tel contexte, la transformation s’est faite profession de foi et les promesses de renouveau inondent les discours des cadres. Mais on ne change pas les vieilles habitudes : pas moins de cinq motions sont ainsi candidates à la direction. Qu’importe la crise, le renouvellement de l’instance n’échappera pas à l’insondable règle des calculs de motions et autres jeux d’alliance. « C’est dans la culture même des Verts, je n’ai jamais vu un congrès à moins de 5 ou 6 motions. Ça fait partie des rites », confie un historique du parti.
Si la motion « Réinventer – Horizon 2025 » portée par l’actuel intérimaire au poste de secrétaire national, David Cormand, est sorti majoritaire du premier tour avec 35 % des votes, les résultats derrière s’avèrent plus serrés que prévu. La motion soutenue par Cécile Duflot et qu’a également rejointe Julien Bayou, actuel porte-parole du parti, devra donc faire alliance pour poursuivre à la tête du parti. « Ce serait la première fois qu’il n’y a pas de majorité », confie David Cormand, qui appelle au « rassemblement le plus large possible pour créer une culture commune ».
- David Cormand, secrétaire national intérimaire - à confirmer.
Mais l’homme cristallise l’opposition autour de lui. Ancien proche de Jean-Vincent Placé, il fut un cadre de la « firme », ce petit groupe accusé d’avoir fait la pluie et le beau temps dans le parti en se partageant le pouvoir pendant plusieurs années. Le « Monsieur élection » des dernières années dit assumer des erreurs, qu’il veut dépasser collectivement : « Il ne faut pas confondre clarification et épuration. L’histoire d’EELV n’est qu’une longue litanie de dénigrements et de juxtapositions d’ego. Il faut sortir de cette lutte des uns contre les autres. »
En face, la dissidence à l’aile gauche est divisée entre trois motions. Fusionnées, elles ne représentent pas 50 %. Mais la motion « L’écologie en commun » (24 %), portée notamment par Sandrine Rousseau, l’autre porte-parole actuelle du parti, ou celle de l’Imprévu (17 %), représentée entre autres par Karima Delli, députée européenne, peuvent devenir majoritaire en cas de fusion avec la liste en tête.
Résultats du vote des motions.
Une seule ligne commune s’est pour l’heure dégagée dans l’horizon d’EELV : terminées les alliances avec le PS. Exceptée la motion « Europa » et ses 17 % de suffrages au premier tour, les quatre autres motions partagent d’acter cette fin de cycle qui voyait le parti écologiste systématiquement négocier ses sièges avec le PS avant chaque grande élection.
Mais ces querelles de motion pourraient bien éteindre les derniers espoirs de guérison. Après avoir fini de fatiguer les derniers convaincus : au premier tour, ils étaient à peine plus de la moitié des adhérents restants à participer au scrutin — 3.277 votants, précisément. Il faudra un peu plus que le paracétamol qui s’échangera dans les couloirs, ce soir, pour guérir le mal.
TROIS POINTS DE VUE : RIVASI, PARTI de GAUCHE, MAMERE
- Michèle Rivasi : « Je propose une plate-forme citoyenne ».
- Parti de gauche : Les écolos du Parti de gauche aux écolos d’EELV et d’ailleurs : bossons ensemble !
- Noël Mamère : « Il est temps de refonder l’écologie politique ».