Contre le nucléaire, ils ont marché 550 kilomètres à pied

Mercredi 25 août à 10 heures, les marcheurs du jour s'étaient réunis devant la tour EDF à La Défense. - © Émilie Massemin/Reporterre
Mercredi 25 août à 10 heures, les marcheurs du jour s'étaient réunis devant la tour EDF à La Défense. - © Émilie Massemin/Reporterre
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Déchets nucléaires Nucléaire Catastrophes nucléairesUn mois après leur départ de la Normandie, et après plus de 500 kilomètres à pied, les militants de l’association Nucléaire en questions sont arrivés à Paris. L’objet de cette Grande Marche : réclamer la sortie du nucléaire et sensibiliser les citoyens.
550 kilomètres à pied pour réclamer la sortie du nucléaire. Partie le samedi 24 juillet, la Grande Marche entre La Hague (Manche) et Paris organisée par l’association Nucléaire en questions s’est achevée mercredi 25 août vers 17 heures devant l’Assemblée nationale. Fatiguée mais satisfaite, l’une des organisatrices, l’enseignante et conseillère municipale caennaise Béatrice Hovnanian, égrène les chiffres comme autant de petites victoires contre l’industrie de l’atome : « 2 000 personnes croisées en route, dont 500 avec qui nous avons eu de véritables échanges ; 600 personnes qui ont assisté à nos 38 conférences thématiques, lesquelles ont fait plus de 33 000 vues sur Facebook ; plus de 200 personnes qui se sont relayées aux côtés de notre noyau dur de 7 marcheurs ! »
Mercredi matin, neuf marcheurs s’étaient donné rendez-vous à 10 heures devant la tour EDF de La Défense, à Puteaux (Hauts-de-Seine). Leurs banderoles, drapeaux et tee-shirts jaune vif n’ont pas manqué d’interpeller deux salariées d’EDF en petites robes noires descendues fumer une cigarette. « Les gens ne sont pas prêts à se limiter dans leur mode de vie, assure l’une d’elle. Et puis le nucléaire n’est pas si polluant, 90 % des combustibles usés sont recyclés ! » « C’est faux ! », lui rétorque Michel, un des militants, avant de se lancer dans un exposé sur la saturation prochaine des piscines d’entreposage du centre de retraitement de La Hague et sur le volume croissant de déchets radioactifs qui s’entassent sur le territoire. « Toutes nos conférences sont visibles sur notre page Facebook, n’hésitez pas à aller y jeter un coup d’œil ! » leur lance-t-il alors qu’elles regagnent la tour.

Se réapproprier la question de l’énergie
Sur la route de Paris, les premiers échanges avec les passants ont été plus cordiaux. Kevin, serveur dans un bistrot de La Défense pour financer son master en architecture et construction durable à l’École spéciale des travaux publics (ESTP) de Paris, se saisit avec enthousiasme du tract tendu par Daniel, un des marcheurs. « 550 kilomètres, c’est un long trajet ! Lors de vos conférences, avez-vous évoqué le problème des émissions de gaz à effet de serre et les solutions de remplacement au nucléaire — hydraulique, énergie solaire ? C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup, je vais aller voir ! »

Marie-Claude, originaire d’un village voisin de Liège, en Belgique, et en séjour touristique à Paris avec sa petite-fille, se montre tout aussi amicale, quoique plus circonspecte : « Il faut un peu de tout, y compris du nucléaire. Dans notre campagne, de nombreux panneaux photovoltaïques et des éoliennes ont été installés, ce qui pose plein de problèmes : il y a trop d’énergie produite près des habitations, les enfants tombent malades, etc. Plus globalement, en Belgique, on ferme des centrales nucléaires pour ouvrir des centrales à gaz qui polluent encore plus ! Je vote écolo, mais je ne suis pas d’accord avec cette politique. » En réponse, Béatrice Hovnanian l’invite à regarder les conférences mises en ligne par l’association. « Plusieurs organisations, comme l’Agence internationale de l’énergie, l’Ademe et RTE en France ont affirmé que des mix 100 % énergies renouvelables étaient possibles », rappelle-t-elle.
Les propos tenus par cette grand-mère belge n’étonnent guère Béatrice Hovnanian. « Nous avons beaucoup rencontré cette idée que le nucléaire était décarboné et allait nous sauver du changement climatique, raconte-t-elle. Ou alors, certains nous demandaient ce qu’on proposait à la place. Le nucléaire et son système très centralisé et opaque ont dépossédé les gens de la question de l’énergie. »

Nucléarisation du territoire
Combattre ces croyances et idées reçues, telle est la vocation de la marche, explique à Reporterre la cofondatrice de Nucléaire en questions : « Une première marche a été organisée en 2018. Notre idée était de dissoudre l’association juste après, en 2019. Mais quand nous avons vu monter l’offensive médiatique des défenseurs du nucléaire, parmi lesquels Jean-Marc Jancovici, nous nous sommes ravisés et avons plutôt décidé d’organiser une nouvelle marche. » Pas question pour les antinucléaires de les laisser occuper le devant de la scène, alors que des décisions importantes telles que la construction ou non de nouveaux EPR doivent être prises dans les années à venir, insiste-t-elle. « On a tellement répété au citoyen lambda que le nucléaire était l’avenir que cela a créé une forme d’acceptation. Mais il faut qu’il sache que c’est dangereux, plus coûteux que les énergies renouvelables et polluant pour des centaines de milliers d’années ! »
Le choix d’un départ en Normandie s’est fait naturellement. « Cette région a accepté de devenir l’une des plus nucléarisées au monde. L’équivalent de 110 cœurs de réacteurs de combustible nucléaire usés s’entasse aujourd’hui dans l’usine de La Hague. » Et la nucléarisation du territoire pourrait se poursuivre, avec la construction d’une piscine supplémentaire d’entreposage du combustible usé à La Hague et une paire d’EPR envisagée à Penly (Seine-Maritime).
Daniel Sessa, adhérent de l’association Enfants de Tchernobyl Belarus et membre du réseau Sortir du nucléaire, a participé à la marche pour la première fois. « Ce que j’ai le plus apprécié, c’est la convivialité et les échanges dans le groupe et avec les personnes extérieures, dit-il à Reporterre. Je souhaite d’autres marches, je trouve ça puissant. Qu’on marche ensemble vers un autre destin ! »