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Politique

Des écologistes cherchent à exister en politique hors d’EELV

Nombre de parlementaires écologistes ne supportent pas la ligne de leur parti hostile à une participation au gouvernement de Manuel Valls. Ils se réunissaient samedi 4 avril avec de petites formations. Objectif : créer une structure pouvant concurrencer EELV. Conclusion : il y a loin de la coupe aux lèvres.

-  de droite à gauche sur la photo : Corinne Lepage, Antoine Waechter, François de Rugy, Barbara Pompili, Jean-Vincent Placé, François-Michel Lambert, Marie-Pierre Bresson, Véronique Massoneau, Christophe Rossignol.


On allait voir ce qu’on allait voir ! Et on a vu... une intéressante réunion d’écologistes regrettant que ne soit pas fait ce qu’il faudrait faire sans pouvoir faire ce qu’ils voudraient faire. Heu... compris ? C’est que les subtilités de la politique écologiste ne sont pas aisément décelables, en tout cas par un observateur candide.

Donc, samedi 4 avril, à l’invitation de parlementaires EELV (Europe Ecologie Les Verts) mécontents que leur parti ait quitté le gouvernement brutalement et regrettant le rapprochement qui s’opère avec le Parti de gauche, on se retrouvait dans la salle Colbert de l’Assemblée nationale. Denis Baupin (député de Paris) introduisait la séance, qu’allait ponctuer Barbara Pompili (députée de la Somme) et François de Rugy (député de Loire-Atlantique), avant que Jean-Vincent Placé (sénateur de l’Essonne et homme de la journée à en juger le nombre de photographes qui tiraient son portrait) conclue l’après-midi.

Etaient conviés à cette réunion Corinne Lepage, (ex-ministre d’Alain Juppé et présidente de Cap 21), Jean-Luc Bennahmias (anciennement des Verts, passé au Modem et maintenant au modeste Front démocrate), Antoine Waechter, lui aussi historique des Verts et désormais président du Mouvement écologiste indépendant, et Yves Pietrasanta, non moins président de Génération écologie. L’union des mécontents et des groupuscules pourrait-elle former un nouveau pôle écologiste capable de peser ? L’après-midi ne permettrait pas de le conclure.

Antoine Waechter, Corinne Lepage, Denis Baupin, Jean-Luc Bennahmias

Dans la salle comble de 250 personnes - « On a dû en refuser autant », se réjouissait François de Rugy -, la politique dut attendre que le supplément d’âme écologiste se soit exprimé par la société civile. C’était, au demeurant, souvent intéressant.

Géraud Guibert, de la Fabrique écologique, expliquait qu’il est essentiel « de renforcer le rapport de forces entre productivistes et anti-productivistes ». Mais pour la CFDT, Dominique Olivier jugeait « provocant » le concept d’anti-productivisme, préférant parler d’« efficacité globale des facteurs de production », pas vraiment plus pédagogique.

Au demeurant, les entreprises et « l’écologie des solutions », l’« écologie positive », étaient fréquemment applaudies lorsqu’un orateur les mentionnait. Le sociologue Serge Guérin soulignait que nous vivions dans une période d’abondance du temps : avec une espérance de vie croissante, « on gagne tous les ans trois mois de vie ». Il faut donc « penser une société du temps, qui est peut-être une alternative ».

Bruno Rebelle, ex-Greenpeace et consultant d’entreprises, indiquait qu’EELV devait « formuler une vision. Elle existe peut-être, mais elle n’est pas incarnée, pas audible. » L’avocat Arnaud Gossement jugeait de même qu’il faut « opposer les discours enthousiasmants aux discours déprimants ». Et par ailleurs, que « le jour où le gouvernement sera écologique, les écologistes n’auront plus besoin d’y rentrer ».

Peu à peu, d’ailleurs, on commençait à parler franchement politique. La sénatrice EELV Leila Aichi s’affirmait « ni de gauche ni de droite », recueillant des applaudissements, tandis que la députée écologiste Véronique Massoneau notait que, « dans certains cantons du nord de la Vienne, le Front national fait 41 %. C’est une région en insécurité économique où les gens ne pensent pas que l’écologie puisse être une solution à leurs problèmes ».

Mais « quand en vient-on au fait ? », s’exclamait un auditeur. « On a eu deux heures d’introduction, quand est-ce qu’on commence ? » Commencer quoi ? La fondation d’autre chose qu’EELV. Il allait être déçu.

François de Rugy expliquait que la journée marquait « le début d’un moment de clarificaiton ». Corinne Lepage, tout en se réjouissant du « moment de bonheur » à « se retrouver et à essayer de retrouver l’essentiel », jugeait que « nous ne sommes pas mûrs pour parler de structures ». Elle proposait de « créer un réseau, comme le Comité Roosevelt l’avait fait ». C’était ensuite à Yves Pietrasanta de s’exprimer : on retenait de sa péroraison qu’il était nécessaire de développer les forêts pour en tirer les huiles essentielles, et qu’« il faut soutenir ce gouvernement progressiste ».

Yves Pietrasanta, Antoine Waechter, François de Rugy et Corinne Lepage

Plus ambitieux, Antoine Waechter proposait une Assemblée constituante, et avertissait par ailleurs que les « aventures personnelles » ne pouvaient servir la cause. Mais qui pouvait ici se sentir visé ?

Jean-Luc Bennahmias ? « Nous sommes partants », posait celui-ci sans barguigner, rappelant cependant avec bon sens que « ce n’est pas nous qui décidons, mais Manuel Valls ». Quoi qu’il en soit, face à la montée du Front national, « notre responsabilité est de faire alliance avec les socio-démocrates et les progressistes, sur des bases réalistes et pragmatiques ».

Jean-Luc Bennahmias

Mais c’était au tour d’Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV, très bien accueillie par la salle, de parler. Entre la chèvre et le chou, elle pesait soigneusement les arguments pour conclure que si la porte n’était pas fermée, il n’y avait pas urgence à l’ouvrir. Elle dressait le bilan écologique des gouvernements Ayrault et Valls. Au passif, l’abandon de l’écotaxe, la promotion du gaz de schiste par Arnaud Montebourg, le recul sur l’agriculture bio, le cadeau aux sociétés d’autoroutes, le laxisme face à la pollution de l’air, la « provocation constante » sur Notre-Dame-des-Landes, le drame de Sivens, Fessenheim qui n’en finit pas de ne pas fermer.

A l’actif, la loi sur les indicateurs de richesse, la loi sur les ondes, la baisse de l’incitation fiscale sur le diesel, la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire, la loi de transition énergétique - certes inachevée - et les travaux préliminaires sur la démocratie et les enquêtes publiques... Pas franchement enthousiasmant.

« L’objectif d’être dans les institutions ne vaut que s’il est adossé à un programme et à un système de valeurs », notait-elle, signifiant que le temps n’était pas mûr pour une rentrée au gouvernement.

Jean-Vincent Placé, l’homme le plus ouvertement désireux de devenir ministre, concluait, parlant le plus longtemps, mais sans dire grand chose. Sinon pour juger qu’il « faut relancer le réseau, la coopérative. La France partidaire est morte ».

Jean-Vincent Placé

Et après ? On se retrouvera en juin, annonce Denis Baupin, pour une grande convention sur le changement climatique. Un thème intelligemment fédérateur.

Mais d’ici là, réseau, confédération, coopérative avanceront-ils ? Et le gouvernement s’élargira-t-il, alors que François Hollande a juré de ne rien changer à sa ligne ? Les écologistes n’ont pas fini d’en discuter. Car si les pro-gouvernements ne semblent pas peser assez pour bousculer EELV, ce parti ne peut plus rester immobile. La « clarification » est nécessaire, le mouvement va continuer.

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