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Des scientifiques documentent les blessures oculaires causées par la police en France

Dans une lettre publié par le journal scientifique médical The Lancet, des chercheurs français ont documenté le nombre de blessures à l’oeil provoqués en France depuis 2016 par les armes utilisées par la police, LBD (lanceur de balle de défense) et grenades. Ils constatent une forte augmentation de ces blessures graves en 2018 et 2019, coïncidant avec la répression brutale du mouvement des Gilets jaunes. Voici la traduction de leur lettre :

« Depuis l’introduction des armes dites moins meurtrières en France à la fin des années 1990, il n’existe aucune obligation légale de collecter des données sur les blessures induites par des projectiles à impact cinétique, et aucune enquête épidémiologique n’est prévue. Pour estimer le nombre de patients atteints de lésions oculaires causées par l’utilisation de ces outils de défense, une enquête rétrospective a été envoyée à tous les directeurs de départements d’ophtalmologie des hôpitaux universitaires français, où sont traités les cas les plus sévères. Les données démographiques, la date du traumatisme, l’examen ophtalmologique initial et toute investigation spécialisée, la prise en charge chirurgicale initiale et immédiate de la blessure, le suivi et le pronostic visuel ont été documentés et transmis anonymement.

Nous avons compilé les données des patients vus entre février 2016 et août 2019 (figure). 43 cas ont été identifiés, dont 20 (47 %) ont été gérés à Paris. Les cas comprenaient 38 hommes et cinq femmes, dont l’âge médian était de 26 ans (de 15 à 59 ans). »

Lésions oculaires d’impact cinétique provoquées par des projectiles en France entre février 2016 et août 2019 : « bruising », contusion, « open globe » : globe oculaire ouvert.

« Les lésions oculaires étaient unilatérales et touchaient toutes les parties de l’œil. Les armes moins meurtrières (lance-projectiles en caoutchouc de 40 mm et grenades à balles piquantes) étaient la cause présumée de la plupart des lésions oculaires, avec 25 cas de lésions au lobe ouvert et 18 cas de contusions. Les principaux types de lésions oculaires contondantes étaient les ecchymoses rétiniennes (n=10), l’hyphème (n=10), l’iridodialyse (n=3), la dislocation du cristallin (n=1) et la cataracte (n=2).

Les tomodensitogrammes ont révélé 25 cas de fractures orbitales, 12 cas de fractures faciales simples ou complexes et deux cas de lésions cérébrales. Il est à noter que tous les patients ayant subi une lésion à lobe ouvert n’avaient aucune perception de la lumière au moment de l’aiguillage. L’acuité visuelle initiale était inférieure à 20/100 pour les autres patients, à l’exception de cinq personnes qui avaient conservé leur acuité visuelle. 30 des 43 patients blessés ont dû subir une ou plusieurs interventions chirurgicales pour réparer le globe oculaire, les paupières, l’orbite ou la tête. Une chirurgie oculaire retardée a été nécessaire dans 15 cas, y compris l’énucléation (n = 9), la chirurgie de la rétine (n = 3), la chirurgie de la cataracte (n = 2) et le lambeau conjonctival (n = 1).

L’augmentation du nombre de traumatismes oculaires graves, aveuglants et traumatiques en France au cours des 10 derniers mois pourrait être liée à l’utilisation d’armes à feu pour contrôler la foule.
Des projectiles à impact cinétique ont été signalés comme des armes potentiellement dangereuses pour l’œil dans divers pays et régions, notamment aux États-Unis, au Moyen-Orient, en Europe et en Chine2.

A ce jour, ces résultats n’ont pas conduit à un moratoire sur l’utilisation de ces armes. »

-  Source : The Lancet

-  Photo : Jérôme Rodrigues (©Emilie Massemin/Reporterre)

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