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En brefÉnergie

Eau : le nucléaire va devoir s’adapter

Les réacteurs doivent être refroidis en permanence afin de pouvoir fonctionner en toute sûreté.

« On doit adapter nos centrales nucléaires au changement climatique en engageant un vaste programme d’investissement pour faire des économies d’eau et permettre de fonctionner beaucoup plus en circuit fermé », a annoncé Emmanuel Macron lors de la présentation du « plan Eau », le 30 mars dans les Hautes-Alpes.

Mais de quel niveau de consommation parle-t-on ? Car le gouvernement a mené une véritable guerre des chiffres avec les antinucléaires ces dernières semaines, en plein débat sur les usages de l’eau et la loi d’accélération du nucléaire. Le ministère de la Transition écologique a publié le 29 mars les nouveaux chiffres de consommation de l’eau du parc nucléaire français. Ils sont en baisse : les 56 réacteurs du parc pèseraient désormais pour 12 % de la consommation totale d’eau, au lieu des 31 % affichés précédemment.

Le nucléaire descend ainsi de la deuxième à la troisième place des activités les plus consommatrices d’eau, après l’agriculture (58 %) et l’eau potable (26 %). Comment le service des statistiques du ministère est-il arrivé à de tels résultats ? « Ces dernières semaines, nous avons travaillé plus finement avec les énergéticiens pour préciser les prélèvements et la consommation du parc nucléaire », s’est-il contenté d’expliquer.

De l’eau très chaude rejetée

Le ministère de la Transition écologique avait retiré en toute discrétion, vers le 10 mars, un document de synthèse portant sur la ressource et l’utilisation d’eau en France. Motif, ces chiffres, qui dataient d’une quinzaine d’années, « ne reflétaient pas la réalité des consommations », sous-entendu surestimaient la part attribuée au nucléaire.

Les réacteurs doivent être refroidis en permanence pour pouvoir fonctionner en toute sûreté. Ils ont donc été construits en bord de mer ou aux abords de fleuves ou de rivières, où ils puisent d’importantes quantités d’eau qu’ils rejettent soit directement, en totalité et très chaudes (dans le cas d’un refroidissement en circuit ouvert), soit après évaporation partielle et abaissement de la température dans des tours aéroréfrigérantes (en circuit fermé).

Des réacteurs trop gourmands

Or, les températures qui augmentent et les sécheresses qui se multiplient affectent ce processus et posent la question de la pertinence du nucléaire dans un contexte de changement climatique.

Cette inquiétude n’émane pas seulement d’antinucléaires convaincus. Dans son rapport du 21 mars, la Cour des comptes avait chiffré à 890 millions d’euros entre 2001 et 2022 le coût des pertes de production nucléaire liées aux épisodes de canicule et de sécheresse, dont 120 millions sur la seule année 2022. Les magistrats avaient conseillé à EDF de mieux anticiper l’évolution du débit des fleuves dans les prochaines années, de réinterroger scientifiquement les normes de rejets thermiques dans les cours d’eau et d’investir dans la recherche et développement pour des réacteurs moins gourmands en eau.

En janvier, c’était l’Autorité de sûreté nucléaire qui réclamait davantage d’anticipation des impacts du réchauffement climatique sur le parc nucléaire. « Il faut mieux tenir compte des effets de cumul. Il y a, par exemple, un sujet sur le réchauffement thermique de la ressource en eau après refroidissement », avait alerté son président Bernard Doroszczuk.

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