En Angleterre, 3 ans de prison pour le blocage d’un pont

Morgan Trowland et Marcus Decker ont été condamnés à des peines de trois ans et deux ans et sept mois de prison suite au blocage d'un pont. - © Just Stop Oil
Morgan Trowland et Marcus Decker ont été condamnés à des peines de trois ans et deux ans et sept mois de prison suite au blocage d'un pont. - © Just Stop Oil
Durée de lecture : 4 minutes
Luttes JusticeDeux militants anglais du collectif Just Stop Oil ont été condamnés jusqu’à trois ans de prison pour avoir participé au blocage du pont Elizabeth II, près de Londres.
C’est une peine sévère et historique. Le 13 avril dernier, deux militants britanniques membres de Just Stop Oil ont été condamnés à des peines de respectivement trois ans et deux ans et sept mois de prison. Ils ont été jugés coupables d’avoir causé une « nuisance publique » pour avoir participé à une action de blocage du pont Elizabeth II, qui traverse la Tamise à l’est de Londres.
Le 17 octobre 2022, Morgan Trowland et Marcus Decker s’étaient juchés en haut de deux piliers du pont pour y déployer une banderole « Just Stop Oil », forçant la police à arrêter la circulation. Cette action s’inscrivait dans le cadre d’une campagne organisée par leur collectif pour demander au gouvernement britannique de suspendre toute nouvelle licence et autorisation d’exploitation pétrolière et gazière.
« Vous devez être punis pour le chaos que vous avez causé »
Ce pont, l’un des plus fréquentés du Royaume-Uni, avec en moyenne 130 000 véhicules par jour, avait été bloqué une quarantaine d’heures, provoquant d’importants embouteillages.
Durant le procès, le juge a été particulièrement hostile à l’encontre des deux militants. « Vous devez être punis pour le chaos que vous avez causé et dissuader les autres de vous copier », a-t-il dit selon le Guardian.

Au tribunal, la police a listé les personnes qui auraient été victimes de ces embouteillages, notamment « une femme très enceinte qui avait besoin d’une aide médicale urgente ». Une autre personne aurait manqué les funérailles de son meilleur ami. Une entreprise aurait perdu plus de 160 000 £ de revenus (180 685 euros) rapporte le Daily Mail.
Ce n’était pas la première action pour ces deux activistes. Morgan Trowland, 40 ans, ingénieur concepteur de ponts, avait déjà participé en 2020 au blocage d’une route menant à une imprimerie à Broxbourne, à une trentaine de kilomètres au nord de Londres. Durant l’audience, le juge a rappelé que Morgan Trowland avait déjà été condamné six fois pour participation à des manifestations.
« C’était un dernier recours désespéré après des années à essayer tout le reste »
Son compagnon Marcus Decker, musicien de 33 ans, a publié une tribune dans laquelle il a justifié son geste. « C’était un dernier recours désespéré après avoir passé des années à essayer tout le reste », explique ce père de deux enfants.
Il a dénoncé certaines fausses informations concernant le blocage d’ambulances. « Quand Morgan et moi étions sur le pont, nous n’avons pas bloqué la route. Des véhicules d’urgence passaient sous nous […] Le service d’ambulance a publié un communiqué précisant que son équipage n’avait pas été retardé et est arrivé sur le lieu [d’un accident]. » L’activiste a également rappelé la répression subie par le mouvement écologiste en Grande-Bretagne.

En janvier dernier, le gouvernement britannique a ajouté un amendement à un projet de loi permettant aux policiers d’arrêter des militants avant qu’ils soient passés à l’action, s’ils ont de bonnes raisons de penser que ces individus ont l’intention de participer à une opération de « blocage sérieux » ou à une « marche lente » pour ralentir la circulation, comme l’explique Le Monde.
« En utilisant ces lois, le gouvernement, les médias favorables à l’État, les tribunaux et la police tentent de faire fi de la légitimité des motivations politiques des manifestants et de leurs objections conscientes à l’injustice. Ils font de leur mieux pour les dépeindre comme des criminels qui menacent inconsidérément la vie de personnes soi-disant ordinaires », poursuit Marcus Decker dans sa tribune.
2 000 militants arrêtés
Depuis le début de la campagne Just Stop Oil le 1ᵉʳ avril 2022, plus de 2 000 militants ont été arrêtés et 138 personnes emprisonnées. Mais c’est la première fois que ses membres sont condamnés à des peines aussi lourdes.
Un rassemblement est organisé ce samedi 29 avril à Londres pour les soutenir et dénoncer cette répression. Sur le tract d’appel, on peut lire : « Ils pensent que des peines de prison injustes nous feront taire, mais cet acte d’oppression n’est pas dissuasif, c’est une honte. Pourquoi des juges lâches choisissent-ils d’emprisonner des personnes qui défendent la vie, plutôt que de traduire en justice notre gouvernement criminel ? […] Nous n’abandonnerons pas nos amis. Nous sommes aux côtés de Marcus et Morgan. »