Ils ont bloqué un train de céréales : huit militants mis en examen

Axel Lopez, 26 ans, a participé à l'action de blocage du train de céréales en mars 2022. Il fait partie des quatre premiers mis en examen et vit sous contrôle judiciaire depuis juin 2022. Ici, devant le tribunal de Lorient, le 27 juin 2023. - © Elsa Gautier / Reporterre
Axel Lopez, 26 ans, a participé à l'action de blocage du train de céréales en mars 2022. Il fait partie des quatre premiers mis en examen et vit sous contrôle judiciaire depuis juin 2022. Ici, devant le tribunal de Lorient, le 27 juin 2023. - © Elsa Gautier / Reporterre
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Justice Luttes AgricultureQuatre militants ont été mis en examen le 27 juin pour avoir bloqué et partiellement vidé en 2022 un train de céréales destiné à l’élevage hors-sol en Bretagne. Tous veulent faire le procès de l’agro-industrie.
Lorient (Morbihan), reportage
Deux parasols et des étals de produits paysans donnent un air de place du marché au parvis du tribunal de Lorient, ce mardi 27 juin. Rassemblés autour de la « cantine paysanne », les membres du collectif Bretagne contre les fermes-usines et leurs soutiens applaudissent à chaque fois que l’un des leurs ressort de son entretien avec le juge d’instruction. Quatre personnes ont été convoquées ce matin, en vue d’une mise en examen, dans l’affaire du « train bloqué » qui a mis le monde agricole breton en émoi au printemps 2022.
Le 19 mars 2022, des membres du collectif Bretagne contre les fermes-usines, qui réunit notamment des Faucheurs volontaires, des syndicalistes de la Confédération paysanne ou encore des activistes d’Extinction Rebellion, ont en effet stoppé un train de céréales dans le Morbihan. Sur la commune de Saint-Gérand précisément, où sont installées plusieurs usines d’aliments dédiés à l’élevage hors-sol, dont celle de la multinationale Sanders. En combinaisons blanches, une cinquantaine de militants a alors construit à la hâte un muret de parpaings sur les rails et vidé une partie de la cargaison de blé des vingt-deux wagons-silos.

Qualifiée de « terroriste » par la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) 56, cette action spectaculaire de « désarmement » visant le système agro-industriel a donné lieu dès juin 2022 à l’interpellation et à la mise en examen de quatre premières personnes.
Parmi elles, Axel Lopez, 26 ans, futur éleveur de porcs plein air, qui vit sous contrôle judiciaire depuis un an. « J’ai interdiction d’aller en manif en Bretagne et je dois pointer toutes les deux semaines à la gendarmerie du Faouët, témoigne-t-il. L’idée, c’était de faire une action spectaculaire. Le volume de blé qu’on a touché est négligeable. » Le blocage du train a par ailleurs valu au collectif Bretagne contre les fermes-usines d’être cité dans la note des Services de renseignement français de novembre 2022 dédiée à la radicalisation des luttes écologistes.
« Ce procès, ça va être celui de l’agro-industrie »
« On avait quatre personnes de mises en examen, on en a désormais huit. Le procès s’élargit », dénonce Me Jérôme Bouquet-Elkaïm, leur avocat. Les quatre militants convoqués ont en effet été mis en examen pour entrave à la circulation d’un train, dépôt de matériel sur la voie ferrée, pénétration sur les voies ainsi que dégradation du bien d’autrui en réunion.
Parmi les nouveaux inculpés, Julien Hamon ressort déterminé du tribunal. « L’action du train n’a pas fait l’unanimité à la Conf’, indique le maraîcher bio, porte-parole de la Confédération paysanne 56 et cosecrétaire général du syndicat en Bretagne. Mais j’y suis allé comme citoyen et comme père de famille. » Car malgré les annonces répétées des pouvoirs publics, le paysan, installé avec un associé à Sarzeau depuis 2007, ne voit pas évoluer le modèle agricole. « En tant que responsable syndical, je fais un travail institutionnel, avec les élus locaux, les parlementaires. On rencontre le préfet et les élus régionaux par exemple sur la question de l’eau. Mais ça ne suffit pas. »

Julien Hamon en veut pour preuve le « fiasco » du plan Écophyto, visant la diminution des pesticides. Mais aussi l’échec du plan contre les algues vertes, ou encore celui du plan Protéines végétales, destiné à réduire la dépendance des éleveurs aux importations. « Quand on voit que les importations de soja au port de Lorient connaissent une croissance à deux chiffres... Ce plan, c’est de l’argent du contribuable balancé par les fenêtres ! » Le constat de l’insuffisance des voies légales, qu’elles soient syndicales ou associatives, est largement partagé au sein du collectif. « Nous sommes aujourd’hui contraints à chercher d’autres formes de protestation et d’alerte face au danger pour la vie et à l’urgence à agir », affirme Annick Le Mentec, au nom de Bretagne contre les fermes-usines.
Les activistes comptent en tout cas profiter de l’audience à venir pour faire bouger les lignes. « Ce procès va être celui de l’agro-industrie en Bretagne », prédit Me Jérôme Bouquet-Elkaïm. D’autant que la FNSEA, syndicat dominant, s’est constituée partie civile. Tout comme la puissante Association générale des producteurs de blé (AGPB), lobby des grands céréaliers. « On voit qu’il y a une volonté de tous les acteurs majeurs de l’agro-industrie de se greffer à ce procès. Il y a une volonté d’en découdre, d’éliminer toute forme d’opposition », analyse l’avocat. De nouvelles mises en examen doivent encore avoir lieu prochainement. Le procès, qui promet d’être tendu, devrait s’ouvrir en 2024.