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ReportageLuttes

Dans les Landes, 400 000 volts de trop pour les dunes

À Capbreton, le 18 novembre 2023.

Dunes bétonnées, câbles à 400 000 volts… Plusieurs centaines d’opposants à un projet d’interconnexion électrique entre la France et l’Espagne se sont réunis le 18 novembre sur une plage landaise, à Capbreton.

Capbreton (Landes), reportage

Au sommet de la dune de la plage des Océanides, plus de 300 personnes, habitants et défenseurs de l’environnement, se sont réunis pour manifester leur opposition à un projet d’interconnexion électrique porté par RTE (Réseau de transport d’électricité). Ils croisent des surfeurs venus profiter des vagues et de la douceur des températures. Ici, les dunes sont enserrées de barrières de protection pour empêcher leurs piétinements en dehors des sentiers d’accès à la plage. Des mesures de protections bien respectées par les usagers des plages et habitants des Landes.

« La semaine prochaine, ils vont venir avec les machines et goudronner ces dunes sur lesquelles nous empêchons nos enfants de grimper depuis toujours », soupire Marie Darzacq, présidente de l’association Landes Aquitaine Environnement, une structure issue du collectif Stop THT 40, créée pour porter les recours contre le projet devant la justice.

Landes Aquitaine Environnement, Marie Darzacq en tête, s’oppose à la bétonisation de dunes protégées. © Chloé Rébillard / Reporterre

L’interconnexion électrique en question doit relier sur 400 kilomètres la France à l’Espagne à travers les fonds marins du golfe de Gascogne. Deux paires de câbles capables de transporter 400 000 volts entre Cubzenais (Gironde) et Gatixa, une petite ville basque située au nord de Bilbao.

Lorsque le projet, porté par RTE d’un côté et son équivalent espagnol REE (Red Electrica de Espana) de l’autre, a émergé, il devait passer exclusivement par les fonds marins de l’océan Atlantique. Quelques militants alertaient dès lors : comment RTE envisage-t-il de passer le gouf de Capbreton, un immense canyon sous-marin aux fonds particulièrement instables ? La société française a rassuré : elle a reçu une subvention européenne pour mener des recherches et trouver des solutions techniques.

Mais en 2019, elle est revenue avec un nouveau tracé sur la table : le gouf s’est avéré infranchissable, il faudra le contourner par voie terrestre. Un atterrage (passage par la terre) qui doit traverser plusieurs communes landaises, Seignosse, Hossegor, Capbreton, et qui demande de goudronner des dunes, raser une partie des pinèdes, passer à proximité d’écoles et de zones d’habitation. En 2021, le collectif Stop THT 40 s’est lancé et a réuni des habitants des zones concernées. Des associations de défense de l’environnement, à l’instar de la Sepanso ou de Sea Sherperd, ont rejoint la lutte.

La plage des Océanides a été choisie par RTE pour être le lieu où les câbles repartent sous l’océan. Cela nécessite de construire un coffre de béton sur les dunes. © Chloé Rébillard / Reporterre

Malgré les mobilisations, la déclaration d’utilité publique a été publiée au Journal officiel le 29 septembre dernier et les travaux ont déjà commencé derrière la plage des Casernes, à Seignosse. « C’est un véritable massacre sur une plage encore préservée et assez sauvage », déplore Sophie [*], une habitante engagée dans le collectif.

Les opposants ont deux mois pour déposer un recours contre la déclaration d’utilité publique, quatre mois pour attaquer les dérogations environnementales accordées. Ils peaufinent actuellement les dossiers juridiques. Mais en attendant, les machines avancent. Face au rouleau compresseur RTE, tout le monde fait front commun.

Le projet a reçu une déclaration d’utilité publique en dépit d’un avis défavorable du Conseil national de protection de la nature. © Chloé Rébillard / Reporterre

Certains, à l’image de Sophie, s’appuient sur le rapport rendu par le Conseil national de protection de la nature (CNPN), qui a délivré un avis défavorable au projet en 2022. Dans son rapport, l’instance du ministère de l’Environnement s’étonne que RTE n’ait pas considéré un tracé alternatif, passant le long de l’autoroute A63, une zone déjà artificialisée, comme une possibilité.

Ce trajet alternatif présenterait l’avantage de réduire fortement les impacts environnementaux de la ligne à haute tension, notamment sur la faune marine « particulièrement sensible aux champs électromagnétiques », note le CNPN.

Si les opposants ne sont pas unanimes entre simple changement de trajet et refus de l’ensemble du projet, tous s’accordent pour défendre ces écosystèmes préservés. © Chloé Rébillard / Reporterre

Pour Sophie, cette solution satisferait l’association Landes Aquitaine Environnement : « Pour nous, c’est l’alternative ! » D’autres vont plus loin et remettent en question l’intérêt même du projet. C’est le cas de Roland Legros, membre des Amis de la Terre 40 : « Ils expliquent que cela va permettre d’importer de l’énergie propre d’Espagne mais avec le fonctionnement du marché de l’électricité en Europe, ce qui va être importé, c’est l’électricité produite avec des énergies fossiles, pas le solaire ou l’éolien. Ce projet est bâti sur tout un tas de mensonges, il a tout d’un grand projet inutile ! »

L’urgence du moment pour tous les opposants est de faire cesser les travaux qui débutent. Les recours en justice sont en préparation. En parallèle, d’autres s’organisent. Une jeune femme fait une annonce au micro : « On est en train de constituer un groupe Extinction Rebellion Landes pour s’opposer aux travaux. Si certains sont intéressés, venez nous voir ! »

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