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ÉditoÉnergie

La 5G, c’est non

Le gouvernement veut imposer la 5G, M. Macron injuriant de surcroit ceux qui posent des questions. En fait, la 5G implique un changement de société global, soigneusement dissimulé par ses promoteurs. Il ne peut être question d’accepter son déploiement tant qu’un vrai débat ouvert et contradictoire n’aura pas eu lieu.

Hervé Kempf est le rédacteur en chef de Reporterre, le quotidien de l’écologie, et l’auteur du livre Que crève le capitalisme, éd. Seuil, septembre 2020.


M. Macron a donc trouvé malin de traiter d’« Amish » les citoyennes et citoyens de plus en plus nombreux qui s’interrogent sur le sens de lancer une technologie dont on ne sait pas grand chose, juste parce qu’elle serait un « progrès ». « J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour expliquer qu’il nous faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile. Je ne crois pas au modèle amish, et je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine », a-t-il déclaré le 14 septembre. L’ancien banquier devenu président injurie les Amish, qu’il présente comme des demeurés, et injurie ceux qui posent des questions légitimes sur la 5G, mais qui ne promeuvent pas le mode de vie, au demeurant respectable, des Amish.

Face aux injures répétées proférées par ce monsieur qui rivalise avec M. Bolsonaro et M. Trump pour figurer dans le Guinness des records, catégorie « Président le plus nuisible », l’envie serait de répondre sur le même ton. Mais les écologistes ont préféré l’humour : « Nous sommes tous des Amish », proclament-ils. Nous nous éclairons à la bougie, je mange des pelures de carotte, M. Macron est un génie et M. Bezos un bienfaiteur de l’humanité.

Il y a aussi le mensonge. Les participants à la Convention citoyenne pour le climat avaient demandé d’« instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat ». Dans leur candeur, ils ont cru ce qu’on leur disait : vos propositions seront reprises « sans filtre ». Quelques jours après la clôture de la Convention, le gouvernement annonçait que la 5G serait lancée, comme prévu.

Injures, mensonges, mépris : voilà la devise de ce gouvernement.

Il faut venir au fond. Ces messieurs-dames veulent lancer la 5G. Mais dans l’ignorance à peu près totale des réponses aux questions légitimes que l’on se pose, et en masquant les enjeux que recouvre la 5G. Reporterre a posé dès juin 2019 les balises essentielles de ce débat par une grande enquête, qui a porté sur la place publique ce sujet qui avançait dans le secret des cabinets et des multinationales.

Des questions se posent sur l’effet sanitaire d’une généralisation des antennes nécessaires à la 5G et des nouvelles ondes électromagnétiques. S’il n’y a pas matière à lancer des alarmes inconsidérées, le manque d’études montre qu’il y a une grande incertitude scientifique. Avant tout déploiement, cette question doit trouver une réponse consensuelle.

Autre point majeur : la consommation d’énergie induite par le déploiement de la 5G et de ses usages. Il reste à évaluer précisément cette question. En première approche, le gain d’efficacité énergétique des équipements de réseau serait annulé et largement, par l’augmentation de trafic de données, donc de la consommation d’énergie. Alors que la question climatique est prioritaire, la sobriété énergétique, donc numérique, est impérative. On ne peut pas développer la 5G tant que son bilan énergétique précis n’est pas évalué sur la longue durée.

« Un changement de société total »

Mais la 5G recouvre un enjeu encore plus large, que ses promoteurs maintiennent dans un flou artistique. Elle n’est pas une simple amélioration de réseau. Elle est le vecteur d’un projet global visant à doter le maximum d’objets de capteurs permettant dans un flux incessant de données d’en recueillir les données pour les intégrer dans des systèmes de traitement d’information, ces objets pouvant être commandés à distance. C’est la fuite en avant vers l’« internet des objets », un monde intégralement connecté visant un contrôle maximal, parce que couplé avec une numérisation généralisée et le développement de l’intelligence artificielle.

Un haut fonctionnaire impliqué dans la mise en place du réseau a dit à Reporterre ce dont il s’agit : « C’est un enjeu de modèle de société : la connectivité généralisée. On va multiplier énormément le nombre de capteurs. Le réseau va être capable de capter la réalité de manière totalement fine. C’est un changement de société total. »

On conviendra qu’on ne peut aller à la légère dans cette direction, qui engage les libertés, les modes de vie, la consommation d’énergie. Et puisque les maîtres de la technologie numérique, agitant des marionnettes comme M. Macron, veulent nous imposer ce choix de société sans qu’on en discute, la seule réponse à leur apporter aujourd’hui est : NON. Non à la 5G.

On réfléchit, on discute, on étudie, et c’est seulement au terme de ce processus, quand chacune et chacun sera informé et aura réfléchi, que l’on décidera. Tant que ce processus démocratique n’est pas arrivé à son terme, il ne peut être question d’accepter la mise en place d’éléments 5G, ni les enchères que veut lancer le gouvernement à la fin du mois.


  • Que crève le capitalisme — Ce sera lui ou nous, Hervé Kempf, éd. Seuil, septembre 2020, 128 p., 14,5 €.

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