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Nature

La décision de la COP15 : protéger 30 % des terres du globe

Le ministre chinois de l'Écologie et l'Environnement, Huang Runqiu, à l'ouverture de la dernière plénière de la COP15 Biodiversité à Montréal le 19 décembre 2022.

Les pays rassemblés à la COP15 sur la biodiversité sont parvenus in extremis à un accord. Non-contraignant, il fixe tout de même des objectifs ambitieux pour les années à venir.

« L’accord est adopté », déclare Huang Runqiu, le président chinois de la COP15, au bout d’une nuit de marathon diplomatique, lundi matin 19 décembre. À Montréal, les 196 parties à la Convention sur la diversité biologique — 195 États et l’Union européenne (UE) — ont adopté un « pacte de paix avec la nature ».

Nommé « accord de Kunming-Montréal », le texte succède aux « accords d’Aichi », une série d’objectifs adoptés en 2010 au Japon et qui s’étaient achevés, en 2020, par un constat d’échec. Fruit de quatre années de négociations âpres, il dresse un chemin pour « enrayer et inverser » l’effondrement du vivant « d’ici à 2030 ».

Protéger 30 % des terres et des mers d’ici 2030

Pour y parvenir, lors de cette « COP de la décennie », les exécutifs du monde entier se sont fixés une feuille de route en 23 cibles. La plus emblématique consiste à protéger 30 % des terres et des mers du globe d’ici 2030. À ce jour, 17 % des terres et 8 % des mers sont sauvegardées.

Cet objectif « est la nouvelle étoile polaire que nous utiliserons pour naviguer vers le rétablissement de la nature », a réagi Masha Kalinina, de l’ONG Pew Charitable Trusts, auprès de l’AFP. Mais, selon plusieurs négociateurs, la vision chinoise l’a emporté : les 30 % seront calculés à l’échelle de la planète, c’est-à-dire que les pays ne sont pas tenus, à l’échelle nationale, de protéger 30 % de leur territoire.

D’autres objectifs importants figurent dans cet accord :

  • Réduire de moitié le « risque global » causé par les pesticides et les « produits chimiques très dangereux ».
  • Restaurer au moins 30 % des espaces marins et terrestres dégradés et à diminuer le taux d’introduction des espèces envahissantes de 50 %.
  • Mettre un terme aux extinctions d’espèces menacées par les activités humaines et « réduire significativement » le risque de disparition.
  • Les secteurs agricoles, forestiers et de la pêche devront être gérés de manière durable, notamment grâce au développement de l’agroécologie, une mention poussée par la France.

Les peuples autochtones, « gardiens de la biodiversité »

Les parties ont également souligné le rôle essentiel des peuples autochtones comme « gardiens de la biodiversité ». Ils sont cités dès le début de l’accord, qui prévoit de « donner la priorité à la conservation des systèmes d’aires protégées représentatifs sur le plan écologique […] reconnaissant les territoires et les pratiques autochtones et traditionnels », et dont le « consentement libre, préalable et éclairé » doit être respecté.

Plusieurs figures autochtones ont été entendues lors de la COP15, comme Lucy Mulenkei, Masaï du Kenya, qui affirmait la semaine dernière qu’« aucune décision [concernant la biodiversité] ne devait être prise sans les peuples autochtones », qui vivent sur au moins 25 % de la surface terrestre, concentrant près de 80 % de la biodiversité.

Jusqu’au bout, les négociations ont failli achopper sur la question des moyens financiers. Finalement, l’argent destiné aux pays en développement va doubler d’ici à 2025 — 20 milliards de dollars par an — et tripler d’ici à 2030 — 30 milliards. Bien loin des 100 milliards réclamés par une coalition de pays du Sud, dont le Brésil, l’Argentine, l’Indonésie et de nombreux États africains.

Pression chinoise

L’accélération des discussions dans les dernières heures, sous pression chinoise, n’a pas plu à toutes les parties. D’après le quotidien britannique The Guardian, le négociateur de la République Démocratique du Congo était incrédule quand le président chinois de la COP a annoncé que l’accord avait été adopté. Celui du Cameroun aurait qualifié le texte de « fraude », tandis qu’une négociatrice ougandaise a parlé de « coup d’État » contre la COP.

L’accord ne contient par ailleurs aucun mécanisme pour contraindre les pays à réviser leurs plans, s’ils ne sont pas sur la bonne trajectoire. Ils sont simplement tenus de préciser les mesures qu’ils souhaitent appliquer dans leurs programmes nationaux, comme la future stratégie nationale de biodiversité de la France.

« Aucune réglementation pour les entreprises »

Les associations environnementales oscillent entre satisfaction et déception. Nele Marien, des Amis de la Terre, déplore qu’« aucune réglementation pour les entreprises » n’ait été adoptée, et que le texte promeuve au contraire « des mesures d’écoblanchiment telles que les “solutions fondées sur la nature”, qui permettent de compenser la destruction de l’environnement », au lieu de l’empêcher.

Malgré « la faiblesse du langage dans des domaines critiques », qui pourrait affaiblir l’efficacité du texte, l’ONG WWF France salue « un mandat clair pour lancer les chantiers de la décennie sur la biodiversité ». « Il y a eu à Montréal un sursaut de la communauté internationale pour se mettre d’accord malgré des positions encore très éloignées il y a quelques jours », a réagi Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France.

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