La loi sur la maltraitance animale oublie la chasse et l’élevage intensif

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Animaux PolitiqueLa proposition de loi sur la maltraitance animale est en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Si elle propose quelques avancées, comme la lutte contre les abandons d’animaux domestiques ou l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques et les delphinariums, elle n’évoque ni la chasse, ni l’élevage intensif.
Un texte qui ménage la chèvre et le loup, ou plutôt l’éleveur et le chasseur. C’est ce qui ressort de la proposition de loi sur la maltraitance animale examinée par l’Assemblée nationale depuis mardi 26 janvier, 18 heures. Les débats, qui devraient se prolonger jusqu’au vendredi 29 janvier, s’annoncent copieux avec pas moins de 486 amendements sur la table. Si le texte proposé par les élus La République en marche (LRM) Laëtitia Romeiro Dias (Essonne), Loïc Dombreval (Alpes-Maritimes) et Dimitri Houbron (Agir ensemble, Nord) contient de belles avancées, comme l’interdiction progressive de la détention d’animaux sauvages dans les cirques et dans les delphinariums, il ne s’attaque ni à la chasse ni à l’élevage intensif.
Parmi les avancées, le texte instaure un « certificat de sensibilisation » pour les futurs propriétaires d’animaux, destiné à leur rappeler les obligations de soins, de vaccination et les coûts liés à la possession d’un animal afin de lutter contre l’abandon (100.000 animaux de compagnie ont été abandonnés en 2020 en France, un record en Europe). Les sanctions contre la maltraitance vont être durcies, jusqu’à trois ans d’emprisonnement, 45.000 euros d’amende et l’interdiction d’être à nouveau propriétaire d’une bête en cas de décès de son animal. De nouvelles sanctions ont été introduites contre les actes zoophiles ainsi que l’enregistrement et la diffusion d’images à caractère zoopornographique.
Ces mesures ont été saluées par les associations de protection animale. La Société protectrice des animaux regrette néanmoins que le texte n’interdise pas la vente d’animaux en animaleries et sur internet, qui alimente les trafics et « encourage l’achat compulsif » selon son président Jacques-Charles Fombonne.

La proposition de loi reprend également l’engagement du gouvernement d’interdire progressivement la détention d’animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums, la présence d’animaux sur les plateaux de télévision, dans les discothèques et dans les fêtes privées, ainsi que les montreurs d’ours et de loup. Les débats sur ce point s’annoncent toutefois houleux : Mme Romeiro Dias a plaidé pour que tous les animaux sauvages soient bannis des cirques dans un délai de cinq ans, alors que le gouvernement a déposé un amendement supprimant toute date butoir pour l’interdiction et souhaite définir par arrêté la liste des espèces concernées. En réaction, le parc Astérix a annoncé lundi 25 janvier la fermeture de son delphinarium. « En revanche, aucune retraite paisible n’est prévue pour ses dauphins qui vont être transférés puis exploités dans un autre parc européen », s’indigne la directrice de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) Madline Rubin auprès de Reporterre.

Le report de l’interdiction des élevages de visons a également été très remarqué — dans le mauvais sens du terme. En effet, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a voté un délai de deux ans et le gouvernement ne veut pas entendre parler de suppression avant 2025. Plusieurs députés défendaient une interdiction immédiate dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, ces mustélidés étant soupçonnés d’être à l’origine de la pandémie en Europe. « Pourquoi interdire les seuls élevages de visons et non pas de tous les animaux élevés pour leur fourrure ? s’est ainsi interrogé sur Twitter le député de l’Essonne Cédric Villani. Je suis surpris du rejet des amendements en ce sens, même celui de la rapporteure qui était un compromis prudent. Le Covid-19 est un argument supplémentaire pour aller vite. » « Nos voisins européens interdisent immédiatement ces élevages, soit définitivement (Pays-Bas), soit jusqu’en 2022 (Danemark, premier producteur mondial) », compare l’Aspas dans des notes consacrées à la proposition de loi que Reporterre a pu consulter.
Aucune mention de la chasse, de la corrida et de l’élevage industriel dans le texte
Mais ce qui a le plus laissé certains députés et associations de protection animale sur leur faim, c’est l’absence totale de mention de la chasse, de la corrida et de l’élevage industriel dans le texte. « Les députés LREM ne veulent AUCUNE avancée sur la chasse à courre et l’élevage en cage, déplore le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin sur Twitter. Nos amendements ne sont même pas discutés. Une loi historique sur le bien-être animal, vraiment ? » « Tous les amendements ont été écartés au motif d’irrecevabilité avant même d’avoir pu être discutés, critique l’association de défense des animaux L214 dans un communiqué. Rien sur la chasse à courre, rien sur la chasse des oiseaux à la glu, encore moins sur le déterrage des blaireaux ou des renards dans leurs terriers. »
Des lacunes assumées par le député Loïc Dombreval. Dans le journal La Montagne, il explique : « Je suis un pragmatique. Il y a des sujets sur lesquels on peut avancer et d’autres sur lesquels ça va bloquer. J’en ai fait l’expérience à mes dépens lors du débat sur la loi Alimentation, quand j’ai commencé à parler du broyage des poussins ou de la castration à vif des porcelets. Je vois bien que sur la chasse traditionnelle, la corrida et sur certaines pratiques d’élevage, on n’arrive pas à avancer. Quand on veut faire tout à la fois, à la fin on ne fait rien. Cette loi sera votée car elle fait consensus. Je suis certain que d’autres lois s’empareront des sujets que nous n’avons pu traiter en 2021. »
Les associations ne l’entendent pas de cette oreille. « Nous ne pouvons nous contenter de ça. Les Français veulent plus. Il est devenu insupportable que quelques lobbies minoritaires dictent la loi dans ce pays », écrit l’Aspas. Le Parti animaliste a appelé à un rassemblement devant l’Assemblée nationale pour protester contre les faiblesses du texte. « Selon le dernier sondage Ifop, 85 % des citoyens sont favorables à la fin de l’élevage intensif. Donc, si les députés ne sont pas prêts, c’est qu’ils ne représentent pas les citoyens », a accusé la cofondatrice de ce parti Hélène Thouy sur France info.