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Nature

La sécheresse fait un carnage dans les zones humides

Les guifettes noires et bien d'autres oiseaux aquatiques se reproduisent beaucoup moins à cause de la sécheresse, selon la LPO.

Même dans les zones humides protégées, la faune sauvage souffre terriblement de la sécheresse. Selon un bilan de l’association LPO, oiseaux, libellules ou crapauds ne se reproduisent plus et des espèces disparaissent.

Des grenouilles, des oiseaux aquatiques ou des crapauds qui ne se reproduisent plus, des libellules et des papillons qui disparaissent... Lorsqu’on évoque la sécheresse qu’a subie la France durant le printemps et l’été 2022, on se souvient des incendies qui ont ravagé des centaines d’hectares de forêt, ou encore des pénuries d’eau potable. Mais on a tendance à ignorer les effets du manque de pluie sur la biodiversité. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a publié le 24 avril une étude montrant les conséquences de cette sécheresse sur les espèces sauvages dans les zones humides protégées.

L’association s’est concentrée sur dix espaces naturels, soit 13 390 hectares de zones humides, situées en Vendée et en Charente-Maritime. Particularité de ces sites : même s’ils appartiennent à l’État ou à des régions, leur gestion est confiée à la LPO. Ainsi, chaque jour, des conservateurs gèrent les niveaux d’eau selon les espèces qu’ils peuvent accueillir. « Les oiseaux limicoles comme les bécasseaux, qui sont très courts sur pattes, ont besoin d’un milieu naturel avec très peu d’eau, cite par exemple Allain Bougrain-Dubourg, le président de la LPO France. Les échasses, au contraire, ont besoin de davantage d’eau, parce qu’elles sont plus hautes sur pattes. »

Le travail des conservateurs de ces espaces naturels protégés est donc de répondre aux besoins de chaque espèce. « Mais en l’absence d’eau, c’est tout le mécanisme de protection qui est remis en cause », alerte Allain Bougrain-Dubourg.

Chute de la reproduction

D’après l’étude de la LPO, en 2022, la sécheresse a particulièrement touché la réserve naturelle nationale de Saint-Denis-du-Payrée (Vendée). Un « assèchement quasi-total » du site était constaté au 1er juillet. Résultat : les effectifs nicheurs [1] de chevalier gambette – un oiseau aux pattes rouge vif et au plumage gris, classé « préoccupation mineure » sur la liste rouge nationale des oiseaux nicheurs – ont diminué de 50 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Dans le même site, les amphibiens et les odonates (les libellules et les demoiselles) ne se sont pas reproduits du tout. Au sein de la réserve naturelle régionale du marais de la Vacherie (Vendée), aucun couple de guifettes noires – un oiseau aquatique classé « en danger » sur la liste rouge nationale des oiseaux nicheurs – ne s’est reproduit, alors que la LPO compte habituellement « entre 30 et 40 couples » sur le lieu.

Même situation en Charente-Maritime. Alors que la plupart des mares étaient asséchées, le pélobate cultripède, un petit crapaud classé « vulnérable » sur la liste rouge des reptiles et amphibiens de France métropolitaine, ne s’est pas reproduit dans la réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron. Aucune reproduction non plus pour le leste à grands stigmas – une espèce de demoiselle considérée comme « en danger » sur la liste rouge des odonates de France métropolitaine. Une forte mortalité des poissons a en outre été observée dans cette réserve de Moëze-Oléron.

En Charente-Maritime, la leste à grands stigmas ne s’est pas reproduite dans la réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron. Dimitǎr Boevski / CC BY-SA 4.0 / Wikimedia

De manière globale, ces zones humides ont été moins fréquentées. Dans les réserves de Saint-Denis-du-Payré et de la Vacherie, seulement 64 oiseaux d’eau en migration ont été recensés chaque jour au mois d’août, contre 1 200 habituellement, soit 19 fois moins. À Saint-Denis-du-Payré, la LPO a remarqué « une expression quasi inexistante des araignées, criquets et des végétations hygrophiles ». En Charente-Maritime, dans la réserve naturelle nationale du marais d’Yves, les libellules et les papillons étaient aux abonnés absents.

En outre, l’association indique que dans plusieurs sites, l’abreuvement du bétail – qui appartient à la LPO et pâture pour favoriser les lieux de nidification – a été compliqué par la sécheresse.

Vers une disparition de ces espèces ?

Ces résultats alarmants sont pourtant recensés dans des zones humides protégées. « Dans celles qui ne le sont pas, c’est encore plus catastrophique », affirme Allain Bougrain-Dubourg. Le président de la LPO réclame donc à l’État la « création et l’extension des réserves naturelles nationales ». « Il faut qu’on trouve des espaces compensatoires dans le nord [de la France] pour accueillir les oiseaux, poursuit-il. Les espaces viennent à manquer, on va se heurter à des grosses difficultés. »

Qui plus est, la sécheresse n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase : la biodiversité des zones humides est déjà très affectée par l’agriculture intensive (et ses pollutions de produits chimiques), l’artificialisation, la chasse, ou encore certaines espèces invasives. « Autant il y a une prise de conscience pour la question climatique, autant on ne voit pas le vivant s’effondrer, jusqu’à flirter avec l’agonie, dit Allain Bougrain-Dubourg. On a des signaux forts qui nous indiquent que si ça continue de cette manière, certaines populations, voire certaines espèces, vont disparaître. »

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