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La tenace volonté de proposer la paix entre policiers et manifestants

Grande manifestation, présence policière massive, vitrines brisées, blessés des deux côtés : le scénario est bien rôdé. Contre lui, des manifestants de Nuit debout et des policiers agissent ensemble pour tenter de stopper la violence.

-  Paris, reportage

80.000 selon la préfecture, un million d’après les syndicats. Derrière ce grand écart des chiffres, un constat : à Paris, la manifestation du mardi 14 juin a massivement rassemblé. Venus des quatre coins de la France, des dizaines de milliers de personnes ont défilé entre la place d’Italie et les Invalides, contre le projet de loi travail.

Et c’est un cortège festif mais sous haute surveillance policière qui est parti de place d’Italie vers 14 heures. Au cœur de la foule, un petit groupe d’une vingtaine de manifestants attire l’attention. Autour de leur cou, des pancartes indiquent : « Je suis policier, contre la loi travail et les violences d’État. » Drapeau de son syndicat en main, Alexandre Langlois, secrétaire de la CGT-Police, se dirige vers un CRS qui, impassible, reçoit un tract. « Nous souhaitons que ce gouvernement ne puisse plus se servir de la police pour prendre les coups à sa place et qu’il arrête de ternir l’image des fonctionnaires qui sont du côté de la population », peut-on y lire.

« Nous sommes tous le peuple, civils et policiers, unissons-nous », lance Alexandre Langlois. « La sortie de crise passe par un rapprochement entre civils et policiers », enchérit Gaëlle Van der Maslow, de Nuit debout Brissac (Hérault). La jeune femme en sait quelque chose : il y a deux mois, elle s’est interposée entre des manifestants et des CRS à Montpellier. « Je disais aux policiers “nous sommes tous dans le même bateau, rejoignons-nous au lieu de nous taper les uns les autres” ». Son intervention a permis de pacifier la situation, et l’a poussée à continuer.

Avec des participants des Nuits Debout et des policiers — membres de la CGT —, elle tente de créer une alliance entre forces de l’ordre et manifestants.

-  Écouter Gaëlle Van der Maslow :

« En se divisant, on fait le jeu du gouvernement », dit-elle. Un avis partagé par Xavier Renou, des Désobéissants : « Quand médias dominants et politiques mettent l’accent sur les violences, ça permet de ne pas parler de la loi travail ; dans cette affaire, c’est d’abord travailleurs contre élite, et les policiers sont des travailleurs comme nous. »

Gaëlle et Xavier rêvent du jour où les CRS ôteront leur casque pour rejoindre les opposants à la loi travail. « Ceux avec qui on noue le dialogue sont d’accord avec nous, ils rejettent la loi travail. Mais ce n’est pas facile, ils ont des ordres et encourent de lourdes sanctions s’ils désobéissent. » En attendant ce grand soir, ils tractent depuis ce mardi matin auprès de tous les CRS et gardes mobiles.

-  Télécharger le tract :

Communiqué : Rapprochement population et police

Régulièrement la petite troupe s’arrête devant les cordons de CRS, pour les apostropher. « Policiers rejoignez-nous, ôtez votre casque ! » Certains portent des miroirs flanqués d’une question, « Et vous ? » car tous veulent parler à « l’humain » qui se trouve derrière l’institution policière. Peu de réactions de l’autre côté des boucliers, mais qu’importe, Gaëlle assure qu’en coulisses, hors manif, « 90 % sont d’accord avec nous ». Un manifestant a pourtant du mal à la croire : « Tous ces gens qui se font taper dessus alors qu’ils n’ont rien fait, comment le justifier ? »

Pour pousser au rapprochement, le groupe propose aux forces de l’ordre de témoigner anonymement sur leurs conditions de travail. Un courriel vient d’être mis en place : [email protected]. D’autres actions pour nouer le dialogue entre manifestants et policiers devraient avoir lieu. « On ne fera pas la révolution sans vous », lance un militant.

« Les policiers souffrent autant que les autres travailleurs », juge Frédéric, policier venu lui aussi manifester. Manque de moyens, ordres hiérarchiques contradictoires ou illogiques, blessures. « On en a aussi marre de cette politique ! » s’exclame Dominique, un collègue.

-  Écouter Frédéric et Dominique :

Frédéric, Gaëlle Van der Maslow et Alexandre Langlois

En chemin, des militants les interpellent, surpris : « Vous êtes policiers et vous êtes là, c’est une blague ? » Les applaudissements pleuvent sur leur passage, aux cris de « La police, avec nous ! ».

-  Écouter une discussion entre Alexandre Langlois et une manifestante :

Pourtant, leur message de dialogue et de non-violence détonne à côté des manifestants blessés — nous avons croisé au moins trois personnes avec des plaies importantes — et des vitrines cassées.

-  Écouter Alexandre Langlois :

« Tout est fait pour que ça dégénère », soupire Alexandre Langlois. Justement, en tête du défilé, les forces de l’ordre viennent d’isoler une partie du cortège, suscitant incompréhension et colère parmi les militants. « Créer des nasses, énerver les manifestants, laisser passer les casseurs : les ordres viennent d’en haut, policiers et gendarmes n’ont pas envie de taper des manifestants pacifiques ! » commente le policier syndicaliste. Sortir d’une vision binaire — « Méchants flics contre gentils manifestants » — et éviter les amalgames, c’est le but de la petite troupe. Et ils ont du pain sur la planche.

Car ce mardi 14 juin, les heurts entre forces de l’ordre et manifestants ont à nouveau fait des blessés, et causés des dommages, notamment à l’hôpital Necker-enfants malades, où de grandes baies vitrées ont été brisées. La préfecture de police de Paris fait ainsi état de cinquante-huit personnes interpellées. On compte une quarantaine de blessés parmi les manifestants, selon les organisateurs, dont un homme blessé gravement dans le dos. La préfecture annonce 29 blessés dans les rangs de la police.

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