Le cordonnier qui donne une seconde vie à nos baskets

Dans son atelier du 14e arrondissement parien, David Monteiro customise et répare des sneakers. Ici, le 21 octobre 2023. - © Mathieu Génon / Reporterre
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Réparer les baskets usées qui allaient être jetées : le cordonnier David Monteiro donne une seconde vie aux Nike, Converse ou encore Vans. De quoi éviter le gaspillage.
Paris, reportage
Affublé d’un tablier recouvrant son large hoodie noir, David Monteiro se saisit d’une paire de baskets légèrement abîmées. « Ce sont des Dior qui doivent coûter 800 euros. À la base, le client voulait les mettre à la poubelle, alors qu’il y a juste un petit décollement de semelle et une couture latérale qui a sauté ! Au final, la réparation va lui coûter 50 euros, et ses chaussures seront comme neuves », explique le fondateur du Sneakers Atelier, debout entre une étagère remplie de baskets et une grosse machine servant à poncer leurs semelles.
Depuis septembre, ce titulaire de deux CAP de cordonnier et de bottier nettoie, customise et répare des sneakers dans son atelier du 14e arrondissement de Paris. Le 21 octobre, il participait d’ailleurs à la première édition des journées nationales de la réparation [1], visant à sensibiliser le public à « l’urgence de réduire nos déchets ».
« Aujourd’hui, tout le monde porte des baskets, mais en général, les gens les jettent quand elles sont usées : ils ne savent pas qu’il est possible de les réparer », explique ce « cordonnier 2.0 », sneakers chinées sur Vinted aux pieds.

34 millions de paires produites par jour
À l’heure où 34 millions de paires de baskets sont produites chaque jour dans le monde, l’enjeu écologique est pourtant de taille. En 2021, il s’est vendu pour près de 3 milliards d’euros de sneakers en France, la Fédération française de la chaussure, citée par Le Monde, affirmant que les baskets représentent 60 % du marché hexagonal.
L’empreinte carbone d’une paire de sneakers est d’environ 14 kg équivalent CO2 (pour une empreinte annuelle mondiale de 174 millions de tonnes équivalent CO2, soit près d’un tiers de l’empreinte carbone de la France en 2021), d’après une étude du Massachusetts Institute of Technology publiée en 2013 et analysée par la chercheuse française Louise Roblin.

Si leur fabrication compte pour 70 % de ce résultat, leur production n’est pas en reste, les baskets étant majoritairement composées de matériaux pétrochimiques (plastiques, caoutchouc, etc.) nécessitant l’extraction de matières premières. « Tout cela fait peur, sans compter le fait que les baskets sont souvent fabriquées en Chine par des Ouïghours soumis au travail forcé », note David Monteiro.

« Maintenant, elles vont durer des années »
À 32 ans, ce Parisien a toujours été « passionné de sneakers » : dès 2013, « inspiré par ce qui se fait aux États-Unis », il a commencé à customiser des paires de baskets. Souhaitant également apprendre à les réparer, il a passé ses deux CAP en 2015 et 2016. Il a ensuite travaillé pendant cinq ans pour la maison Massaro, bottier collaborant avec Chanel. « À ce moment-là, j’ai réalisé qu’il manquait cruellement de cordonniers spécialisés dans les baskets », explique-t-il.
D’où l’idée de créer Le Sneakers Atelier, avec lequel il veut ainsi « agir à sa petite échelle », en espérant que sa spécialité se démocratise. Armé de chutes de tissus et de cuirs, de fils de toutes les couleurs ou encore de divers marteaux, le Parisien de 32 ans donne donc une seconde vie aux chaussures de ses clients : il rebouche les petits trous, change leurs semelles, leur applique un traitement « anti-jaunissement »…
Voilà d’ailleurs Guillaume, qui souhaite recoudre la languette de ses baskets. « Dans le milieu des sneakers, on est souvent dans la surconsommation. En plus, le prix des chaussures monte en flèche. C’est donc une bonne chose de garder les siennes et de les faire durer », dit le jeune homme de 29 ans.
La réparation faite par David Monteiro, dont les prestations peuvent aller de « 10 à 150 euros » en fonction du travail et des matériaux fournis, lui coûtera 30 euros. Cela attire : les clients sont au rendez-vous. Leur profil est divers, allant de personnes ne souhaitant (ou ne pouvant) pas racheter de chaussures neuves, à des collectionneurs.

Ces jours-ci, David Monteiro travaille par exemple sur une paire de Nike blanche datant de 1999. Il doit d’ailleurs s’y remettre : assis derrière l’une de ses deux machines à coudre, il recoud méticuleusement l’étiquette comportant le célèbre logo de la marque à une nouvelle languette en cuir, découpée grâce à un patron confectionné par ses soins. Il place ensuite celle-ci sur la chaussure qui, tout à coup, a effectivement l’air comme neuve — la languette de base, en similicuir de mauvaise qualité, était toute déchiquetée. David est ravi : « Maintenant, elles vont durer des années. »