Le gouvernement refuse d’abolir l’élevage de poules pondeuses en cage

Élevage de poules en cage en 2018. - L214/Wikipedia/CC BY 3.0
Élevage de poules en cage en 2018. - L214/Wikipedia/CC BY 3.0
Durée de lecture : 4 minutes
Animaux AgricultureEn 2017, Emmanuel Macron avait promis d’interdire l’élevage de poules en cage d’ici 2022. À deux semaines de cette échéance, cette méthode d’élevage persiste, en dépit de ses conséquences sur le bien-être des volailles.
Les images sont à peine soutenables. Dans un bâtiment lugubre, privé de toute lumière naturelle, des poules à l’aspect maladif agonisent. Leurs croupions sont décharnés ; leurs longs cous, déplumés ; leurs corps, rachitiques. Certaines cohabitent dans des cages minuscules avec les cadavres en décomposition de leurs congénères. Les employés leur marchent dessus, les frappent avec un bâton, les tassent dans des caissons avant leur départ pour l’abattoir. Quelques-uns les envoient d’un coup de pied vers le plafond en riant, comme on taperait dans un ballon de foot.
Ces images, tournées par l’association L214 en août et septembre 2021 dans un élevage intensif du groupe Pampr’œuf et dévoilées jeudi 16 décembre, auraient pu ne jamais exister. Lors de la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron s’était engagé à interdire d’ici 2022 la vente d’œufs de poules élevées en batterie. « L’élevage en batterie des poules pondeuses, incompris par un nombre croissant de Français, devra progressivement disparaître au profit des élevages alternatifs », promettait le candidat.
À quelques jours de cette échéance, force est de constater que rien n’a été fait pour mettre fin à ce système d’élevage. Pire, un décret publié mardi 14 décembre stipule que les élevages existants pourront toujours être réaménagés à neuf, et donc continuer de fonctionner, à condition que le nombre de poules pondeuses pouvant y être élevées reste le même.
Ce mode d’élevage est déjà proscrit en Suisse, au Luxembourg et en Autriche
L’ONG CIWF, engagée dans la lutte contre l’élevage intensif, dénonce un énième recul contre la maltraitance de ces animaux. « En 2018, la loi Égalim [avait] vu quasi tous les amendements visant à interdire [l’élevage en cage] balayés », rappelle-t-elle dans un communiqué. Le gouvernement n’avait conservé que des amendements proposant d’interdire la construction ou le réaménagement de bâtiments dédiés à l’élevage de poules en cages, et non sa fin pure et simple.
Selon l’ONG, cette « obstination du statu quo » concernant les poules pondeuses en cage irait à contresens de l’histoire. En Europe, ce mode d’élevage est déjà proscrit en Suisse, au Luxembourg et en Autriche. L’Allemagne et la République tchèque se sont engagées à l’interdire d’ici 2025 et 2027. En juin, la Commission européenne s’est déclarée favorable à la mise en place d’ici à 2023 une réglementation pour y mettre fin progressivement. L’interdiction de ces pratiques semble faire l’unanimité au sein même de l’Hexagone : selon un sondage mené par l’Ifop en 2021, 81 % des Français seraient favorables à la fin de l’élevage des poules pondeuses en cage.
Des centaines de milliers de volailles survivent dans des conditions sordides à travers la France
Si ces pratiques ont reculé depuis l’élection d’Emmanuel Macron, elles restent malgré tout prépondérantes. En 2020, selon les chiffres de l’Interprofession des œufs (CNPO), les poules élevées en cage représentaient encore 36 % de la production française (contre 47 % en 2019). Il s’agit du mode d’élevage le plus courant sur le territoire. 17 millions de poules vivent aujourd’hui en batterie, selon le CIWF.
Un chiffre qui donne le vertige, quand on songe aux maltraitances auxquelles ces animaux peuvent être exposés. Les images récemment dévoilées par L214 n’ont rien d’anecdotique. La firme qui gère l’établissement au sein duquel ces violences ont été observées représente près de 20 % de la production nationale d’œufs vendus avec leur coquille. Trois autres enquêtes de L214 documentent les conditions sordides dans lesquelles des centaines de milliers d’autres volailles survivent à travers la France.
La détection récente de cas de grippe aviaire pourrait encore aggraver les conditions de vie de ces volatiles. Depuis le passage, en novembre, de la France en « risque élevé » de contamination à l’influenza aviaire, aucune volaille d’élevage n’est plus autorisée à évoluer en parcours extérieur. Le temps risque donc d’être long avant que tous les gallinacés de France puissent picorer à l’air libre. Quand les poules auront des dents ?