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Les arbres « remarquables » sont des monuments d’histoire

Les arbres « remarquables » par leur ancienneté ou comme témoins de notre mémoire collective doivent être protégés à la manière des monuments historiques, écrit l’auteur de cette tribune.

Yann Wehrling est conseiller régional d’Ile-de-France et président du comité régional de l’Arbre remarquable d’Ile-de-France.

Yann Wehrling.

Les arbres ne bénéficient aujourd’hui d’aucune protection équivalente aux monuments historiques.

Et pourtant, quand un arbre a une taille ou une esthétique exceptionnelle, qu’il a une vie qui nous rappelle des grands moments de notre Histoire ou qu’il est d’une essence rare… ne peut-on considérer qu’il fait partie de notre patrimoine au même titre que le sont certains bâtiments classés ?

Objection maintes fois avancée : on ne peut pas classer au patrimoine des « monuments vivants » car ils sont mortels !

Les monuments bâtis sont-ils immortels ?

À y regarder de plus près, des arbres peuvent être plus vieux que bien des bâtiments classés. Le robinier du square Viviani, à Paris, planté en 1601 sous Henri IV, issu du premier acacia rapporté des Amériques, est contemporain de la place des Vosges. L’olivier de Roquebrune-Cap-Martin a connu la chute de Rome. Et l’arbre le plus vieux du monde, un pin californien, a démarré sa vie en même temps que la pyramide de Kheops !

Ce sont aussi des témoins de notre mémoire collective. Le chêne d’Oradour-sur-Glane, témoin silencieux de l’horreur, constitue un lieu de mémoire important pour les générations passées et à venir.

Malgré cela, nous ne nous sommes jamais intéressés à la protection des arbres comme élément de notre patrimoine. Si les plans d’urbanisme permettent depuis 1993 de classer des arbres localement, ils restent à la merci des projets de construction et rien n’empêche vraiment leur abattage et encore moins leur élagage.

Replanter des jeunes arbres ne permet jamais de compenser la valeur historique ou esthétique qui disparaît 

Il ne s’agit bien évidemment pas d’empêcher toutes les coupes, car tous les arbres ne se valent pas. Mais arracher des arbres centenaires, comme ceux de la place de la Nation à Paris en janvier dernier pour des travaux d’étanchéité du métro, ne doit plus être un acte anodin. Penser l’urbanisme en y intégrant l’impératif de conserver les arbres les plus remarquables et classés comme tels, doit devenir la règle. Car replanter des jeunes arbres ne permet jamais de compenser la valeur historique ou esthétique qui disparaît. Malgré l’évidence, il faut souvent le rappeler : un arbre centenaire, c’est au moins 100 ans de travail ! Sans parler des bénéfices de rafraichissement de l’air qu’offre une grande ramure de feuillages en comparaison d’un arbre de petite ou moyenne taille : dans les années futures de réchauffement climatique et de canicule dans les grandes villes, la destruction des grands arbres s’avèrera une lourde erreur urbanistique.

Le chêne d’Oradour-sur-Glane.

Aujourd’hui, celles et ceux qui se battent pour protéger les arbres remarquables sont démunis et ne disposent d’aucun outil règlementaire fort. Cette protection repose sur le militantisme d’associations ou d’élus locaux sensibles à cette question.

Comme le patrimoine historique et selon une méthodologie qui pourrait s’en rapprocher, le patrimoine vivant des arbres remarquables doit être inventorié, entretenu et protégé.

Une occasion de réparer cette anomalie s’offre à nous : l’examen du projet de loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan), qui doit réformer notre droit de l’urbanisme [1] ! C’est l’occasion d’intégrer enfin, dans le droit, la protection véritable des arbres remarquables.

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