La pollution liée aux épandages grandit, aggravant l’épidémie de Covid-19

Des épisode de pollution printanière s’enchaînent, en grande partie liés aux épandages agricoles et qui sont susceptibles d’aggraver l’épidémie de Covid-19. Des associations appellent donc à « encadrer les épandages pour limiter la propagation du coronavirus ».
Dimanche 29 mars, Atmo Grand Est, l’organisme chargé de la surveillance de la pollution de l’air dans la région, alertait sur un épisode de pollution aux particules fines de diamètre inférieur à dix microns (PM10), samedi 28 et dimanche 29 mars. « Cet épisode de pollution de type mixte, en plus d’être lié aux particules d’origine carbonée, se caractérise également par une part importante de particules secondaires formées à partir d’ammoniac et d’oxydes d’azote, a précisé le communiqué. L’ammoniac étant issu majoritairement des épandages de fertilisants, ces épisodes interviennent essentiellement entre février et mai. Les niveaux de particules ont monté progressivement à la faveur du temps sec et doux des derniers jours. Le seuil d’information-recommandations a été dépassé ce samedi sur les départements des Ardennes, de la Marne, de l’Aube, de la Meurthe-et-Moselle, de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. »
Vendredi 27 mars, ce même type de pollution avait été détecté sur le nord de la Bretagne et en particulier les départements des Côtes d’Armor, du Finistère et de l’Ille-et-Vilaine, d’après l’observatoire de la qualité de l’air Air Breizh. « Cet épisode de pollution particulaire printanier résulte d’une conjonction de différents facteurs et notamment des conditions météorologiques propices à l’accumulation des polluants (temps ensoleillé, conditions atmosphériques stables, vents faibles), des émissions locales de particules fines PM10, dont principalement les activités agricoles (épandage et émissions d’ammoniac générant des particules secondaires) et le chauffage (dont chauffage au bois) et de transferts de masses d’air chargées en particules en provenance du Nord-Est », a annoncé l’observatoire, prévenant que cet épisode de pollution allait perdurer le samedi 28 mars.
« Nous demandons donc des mesures exceptionnelles de restriction d’épandage »
Jeudi 19 mars, c’est l’association de surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France Airparif qui alertait sur un épisode de pollution aux particules, causé par le chauffage au bois et les activités agricoles : « Une météo printanière favorise actuellement les réactions chimiques avec la formation de particules, dites secondaires, à partir de gaz : les oxydes d’azote (liés principalement au chauffage, le trafic étant extrêmement restreint), et l’ammoniac (en provenance des activités agricoles), a indiqué le communiqué. À ces particules s’ajoutent celles produites par une part de chauffage au bois, le soir, et des phénomènes de transfert de pollution puisqu’une partie de la France est soumise aux mêmes conditions. Les niveaux de particules liés au trafic sont toutefois très faibles. L’augmentation constatée aurait été beaucoup plus importante avec des conditions normales de circulation, comme par exemple lors de l’épisode printanier du 17 mars 2014 qui avait donné lieu à la remise en place de la circulation alternée. »
Mardi 31 mars, l’association Eau & rivières de Bretagne a appelé à « encadrer les épandages pour limiter la propagation du coronavirus » :
« Les épandages agricoles sont en partie responsables de la mauvaise qualité de l’air actuellement. Cet épisode de pollution amplifie la détresse respiratoire des malades atteints du coronavirus. Nous demandons donc des mesures exceptionnelles de restriction d’épandage. En plus de fragiliser notre système immunitaire et de nous rendre plus sensibles aux infections notamment virales, la pollution de l’air amplifie la diffusion et la transmission des agents pathogènes tels que le coronavirus. Ces épisodes de pollution amplifient la détresse respiratoire des malades atteints du coronavirus et compliquent les soins qui leur sont apportés. »

Le même jour, la directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et responsable de l’équipe épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires (Épar) Isabella Annesi-Maesano indiquait à Reporterre que les premiers foyers de l’épidémie de Covid-19 correspondaient à des zones particulièrement polluées de Chine, d’Iran et d’Italie. « La pollution atmosphérique est irritante et abîme les muqueuses des voies aériennes. En réaction, ces dernières décompensent, deviennent plus perméables et les agents pathogènes les pénètrent plus facilement. C’est valable pour le SARS-CoV-2, mais pas seulement : quand l’environnement est très pollué, les gens attrapent plus facilement un rhume ou commencent une pollinose, a-t-elle expliqué au quotidien de l’écologie. Par ailleurs, les particules fines franchissent la barrière des alvéoles pulmonaires, rejoignent la circulation sanguine et s’attaquent à tous les organes, provoquant une inflammation systémique [et] de de nombreux problèmes respiratoires mais aussi cardiovasculaires, neurologiques, et métaboliques : [AVC|Accident vasculaire cérébral], diabète, obésité... (…) Une fois que les gens sont malades, la pollution aggrave encore leur pathologie et les rend vulnérables aux infections comme le SARS-CoV-2. Enfin, nombre de ces pathologies environnementales sont traitées avec des médicaments de type anti-inflammatoires et cortisone, qui peuvent aggraver l’infection Covid-19. »
Lundi 23 mars, elle avait cosigné la tribune de chercheurs et d’associations appelant elle aussi « les préfets à prendre des mesures urgentes visant à limiter drastiquement – les émissions liées aux épandages agricoles (restriction, technique d’enfouissement de l’engrais) afin de tout mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus », publiée sur le site de l’association Strasbourg Respire.